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Derrière les clichés, l’Inde révolutionnaire !
Partisan N°196 - Juillet 2005
L’Inde. Deuxième puissance du monde par la population. Neuvième économie mondiale en termes de PNB, devant la Russie. « Périphérie intégrée » comme le disent les manuels scolaires, c’est-à-dire une économie parfaitement intégrée au système impérialiste mondial, leader mondial même dans certains secteurs de pointe (les logiciels par exemple). Mais un pays dont près des trois quarts de la population est rurale, dans des conditions d’exploitation proche du féodalisme.
Un pays que nous ne connaissons que par les clichés de Bollywood, répandus à dessein par des médias abrutissants.
Et pourtant… La réalité est bien différente, et mériterait d’y regarder d’un peu plus près !
Un événement majeur vient de s’y passer
Le 21 septembre dernier était annoncé dans une zone de guérilla sécurisée à l’est de Calcutta le regroupement de plusieurs forces révolutionnaires pour constituer le Parti Communiste de l’Inde (maoïste).
Au cours des dernières années, les forces maoïstes se sont considérablement renforcées en Inde. Issues pour la plupart du mouvement « naxalite » des années 1970 (du nom de la révolte paysanne de Naxalbari de 1972, écrasée dans le sang), elles ont réussi non sans mal à surmonter toutes les difficultés, toutes les divisions, toutes les confusions pour reconstruire ce parti.
Une présence dans l’ensemble du pays
Au cours des derniers mois, deux rassemblements majeurs avaient permis d’évaluer toute la force de mobilisation du parti People’s War (la Guerre du Peuple), la plus importante des deux organisations en termes de membres. Une première assemblée tenue le 28 juillet dans l’Etat d’Andhra Pradesh avait regroupé quelque 50 000 supporters : il s’agissait de la première apparition publique et « légale » de ce parti en 30 ans, à l’occasion d’un cessez-le-feu décrété par le nouveau gouvernement de cet Etat à la frontière orientale de l’Inde. Le 30 septembre dernier (la fusion n’était pas encore connue publiquement) ils étaient plus de 200 000 selon l’agence Indo-Asian News Service, à assister à un rassemblement appelé par les maoïstes cette fois à Hyderabad, la capitale de l’Andhra Pradesh, créant ainsi « un véritable océan de drapeaux rouges ». Selon un autre reportage de la BBC, la foule était si nombreuse que les autorités ont dû ouvrir les barrières d’un terrain de football adjacent pour accommoder les participantes. Le parti People’s War serait actif dans une dizaine d’Etats et territoires s’étendant au centre, à l’est et jusqu’au sud du pays. Quant au MCCI, autre force concernée, il est particulièrement actif dans un autre Etat du nord-est bordé par le Népal, le Bengale occidental dont la capitale est Calcutta, deuxième ville en importance de l’Inde.
Une forte implantation populaire
Les deux organisations sont fortement implantées à la campagne, ont développé des organisations paysannes puissantes contre les propriétaires fonciers dans les régions où ils sont actifs, ce qui leur assure un soutien populaire considérable. Par ailleurs, elles développent des actions de guérilla et de guerre populaire dans plus d’une dizaine d’états, et la fusion va permettre de faire un saut considérable dans leurs capacités d’intervention. De plus, la solidarité est affichée et organisée avec la révolution au Népal, en particulier dans les états limitrophes (Uttar Pradesh, Bihar, et Bengale Occidental) pour empêcher l’intervention de l’armée indienne comme pour rompre l’isolement de ce pays enclavé.
Par ailleurs, People’s War développe depuis des années un travail d’analyse et de réflexion sur la situation mondiale et la réalité politique et sociale de l’Inde qui en font une force particulièrement sérieuse et respectable, même si on n’en partage pas l’ensemble des positions.
La bourgeoisie ne s’y trompe pas.
Elle est particulièrement inquiète de cette progression qu’elle ne peut empêcher, ni par la répression la plus féroce, ni par les concessions. L’encadré ci-contre de Courrier International date de 2003, et depuis les événements se sont précipités.
Mais pourquoi s’intéresser à cette fusion à l’autre bout du monde ?
Nous reviendrons ultérieurement sur les progrès et le travail politique de ce parti.
Dans l’immédiat, il était très important d’informer de la formation de cette force unifiée. Pourquoi ?
Ce ne sont pas les luttes, paysannes ou ouvrières, les insurrections, les soulèvements qui manquent dans l’histoire de l’Inde. Depuis des siècles, les paysans se battent contre le féodalisme. Depuis des décennies, le peuple indien se bat contre le colonialisme, l’impérialisme, le capitalisme. Il a produit de grands révolutionnaires comme Bhagat Singh, contemporain mais farouche opposant de Gandhi le conciliateur.
Mais les luttes et les révoltes peuvent se succéder sans déboucher sur rien. Des révolutions peuvent même se produire un temps contre l’ordre ancien. La question à savoir, c’est ce que l’on construit, comment la révolution dure et survit aux ennemis extérieurs comme intérieurs, comment on met sur pied une nouvelle société pour avancer vers l’émancipation véritable.
Et là, n’en déplaise à tous les libertaires et anarchistes, il faut un parti d’avant-garde. Un parti pour la théorie, pour l’organisation, pour lier l’activité immédiate au projet futur, pour anticiper l’attaque de la bourgeoisie, pour former des cadres, des leaders paysans et ouvriers, pour tirer le bilan de l’histoire et éviter d’en reproduire les erreurs.
La lutte immédiate est bien entendu indispensable. Mais elle existe et existera toujours, avec ou sans révolutionnaires, pour résister aux attaques du capital.
Mais pour en finir avec ce combat éternellement recommencé, il faut une autre société, le socialisme, et pour cela un parti pour en indiquer la voie. Il n’y a pas d’autre chemin. Pas d’autre voie.
C’est cela qui manquait à l’Inde, et c’est pour cela que la formation du PCI (maoïste) est si importante.
C’est cela qui nous manque en France, et c’est pour cela que nous devons nous intéresser à ce qui se passe là-bas.
A.Desaimes

