Vous êtes dans la rubrique > Archives > D’où vient le chômage ?

D’où vient le chômage ?

Partisan N°199 - Décembre 2005

Le chômage ça fait 30 ans qu’on en parle. Les gouvernements passent, le chômage reste. Des explications et des politiques il y en a eu aussi. Début des années 70 : 150 à 200 000 « demandeurs d’emploi » ; aujourd’hui, officiellement, presque 3 millions ! Alors de quoi s’agit-il ? D’un phénomène naturel ressemblant à un raz de marée ou à un tremblement de terre ? Est-ce fabriqué par les patrons ? Ou tout autre chose ? Voyons voir.

LE CHOMAGE, UNE MAUVAISE POLITIQUE ?

« C’est la faute à la politique libérale du gouvernement » ? Il y a du vrai, mais politique et économie « libérale » ne sont-elles pas liées ? Alors, la faute au MEDEF qui en veut trop ? Ou encore, aux patrons qui « ont peur d’embaucher, la main d’œuvre étant trop chère » ? Il y a du vrai : le MEDEF se sert du chômage pour abaisser les salaires directs et indirects, il ne s’en cache pas. Aux négociations actuelles sur l’Unedic, il propose de réduire encore les indemnités de chômage. Et, c’est à quoi ont abouti toutes les politiques de l’emploi suivies depuis une vingtaine d’années. Mais tout cela n’explique pas comment le chômage apparaît et se développe.
La solution à droite comme à gauche c’est la « relance » : pour la droite en favorisant l’investissement, pour la « gauche » en « forçant les capitalistes à investir plutôt qu’à spéculer ». Pour tous il fallait « moderniser l’appareil productif », ou « produire français » ou encore augmenter les salaires. A gauche de la gauche on parle même d’investir dans les « productions utiles »… C’est à qui aurait les meilleures propositions de gestion de l’économie capitaliste. Les patrons seraient-ils de mauvais gestionnaires ?

…OU ENCORE : UNE MAUVAISE ÉCONOMIE ?

Hier, la crise c’était le « choc pétrolier » et on pointait l’Arabie Saoudite --- ce qui n’a jamais empêché l’État français d’empocher d’énormes taxes. Aujourd’hui, le nouveau bouc émissaire, c’est la Chine et les Chinois…
Savamment, on nous parle aussi d’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché. Ce sont des constats, pas une explication. On entend même dire que le chômage serait la faute à Bruxelles, à la Banque Mondiale ou à l’OMC…

POUR LES MARXISTES, LE CHÔMAGE EST D’ABORD UNE NÉCESSITÉ ÉCONOMIQUE.

Le développement de la mécanisation, de la technologie et de la grande industrie capitaliste sont la cause fondamentale du chômage. Voyons comment :

1. La mécanisation industrielle a accentué la concurrence et ruiné la petite production --- elle continue à le faire massivement dans les pays du Tiers Monde. Ce qui jette à la rue quantité de producteurs

2. Les capitalistes, en rivalité entre eux (la concurrence) pour conquérir le marché, ont besoin d’accumuler toujours plus de profit pour constamment « moderniser » l’appareil productif. Moderniser c’est plus de mécanisation et surtout plus de productivité. Résultat : des vagues de licenciements et une production accrue avec moins de travailleurs qu’auparavant.

3.Les périodes de prospérité industrielle sont courtes, rapidement tel ou tel secteur est en surproduction. La grande industrie se développe par bond, une période de prospérité aboutit nécessairement à une crise. Sont alors détruites, avec l’aide de l’État bien souvent, des entreprises, des machines… Conséquences : la ruine des concurrents capitalistes moins productifs et des vagues de licenciements.

4. Plus la mondialisation capitaliste se développe, plus se flexibilise la demande en force de travail : on licencie et on embauche constamment. L’État capitaliste gère, au mieux de la capitalisation, cette situation. Car, pour la « relance », il faut un volant de chômeurs ayant besoin de se vendre au plus bas prix.
On constate ainsi que le chômage, comme la précarité, sont liés au développement du capitalisme. Aucune politique réformiste ne peut le résorber, l’expérience de ces vingt dernières années le démontre.

CRISE, SURPRODUCTION ET SURPOPULATION.

Le chômage n’est jamais qu’une surpopulation créée par la mécanisation industrielle, dans une économie de « libre marché ». La surpopulation est le complément nécessaire de la surproduction, elle est aussi un élément nécessaire à l’économie capitaliste, sans lequel celle-ci ne pourrait ni exister, ni se développer. Et la variation de la demande de main-d’œuvre détermine le chiffre de la population excédentaire dont a besoin le capitalisme ; c’est là une des lois de développement du capitalisme. Ajoutons qu’à l’heure de la production et du marché mondialisé, le capitalisme à besoin d’un excédent mondial et artificiel de population. Artificiel, car il n’est lié qu’au mode production marchand capitaliste et en rien dû à l’existence d’une main-d’œuvre inutilisée.

CONCLUSION.

La mécanisation capitaliste crée une armée industrielle [1] (les chômeurs ou surproduction de main d’œuvre) qui abaisse le prix de la force de travail. Cette armée industrielle devient, à travers crises, guerres économiques, sociales et militaires l’une des conditions de l’existence et du développement de la grande industrie. Le capitalisme, à l’heure des monopoles impérialistes, fait régresser l’humanité.

Nous verrons, dans un prochain article, à quelles conditions on peut mettre un terme à cet effroyable machinerie capitaliste.

Nous avançons deux axes de lutte essentiels :
● Zéro licenciement, maintien de tous les postes de travail : un « bon » plan social ne peut remplacer l’assurance d’un emploi. (A défaut d’emploi, un revenu garanti au niveau minimum du SMIC.)
● Réduction massive du temps de travail : trente heures ou moins pour travailler tous et moins, sans diminution de salaire, ni flexibilisation du temps de travail. Les richesses actuelles le permettent, les capitalistes doivent payer.

LE « MIRACLE DE L’EMPLOI »…

… aux Pays-Bas et aux États-Unis, tant vanté par les médias, ne fut qu’une simple redistribution du travail à plein temps en travail à temps partiel. Le chiffre officiel du chômage aux États-Unis baissa de 5,65 millions entre 1993 et 2000, toutefois surtout en raison de l’énorme accroissement du nombre de personnes sous-employées.

DÉTRUIRE LE CODE DU TRAVAIL…

Quelques mauvais coups de l’été passés inaperçus :
- Travail le dimanche et les jours fériés pour les apprentis de moins de 18 ans ; et la loi dite des « services à la personne » qui élargit les dérogations au travail de nuit pour les jeunes de moins de 18 ans.
- Renforcement du contrôle social sur les chômeurs, coupables de ne pouvoir travailler : ils seront tenus d’accepter un bas niveau de salaire à défaut de quoi ils se verront supprimer leur indemnités.
- « Création d’entreprises de travail à temps partagé » qui pourront, à côté des boites d’intérim, mettre à disposition d’entreprises clientes, du personnel qualifié qui se verra obligé d’accepter un contrat de travail à « temps partagé » : des périodes d’activité (des missions) et des périodes d’inactivité « entre deux missions » —et bien sûr non payées !

C’est tout bénéf pour l’employeur : embauche sous contrats précaires (voir nos précédents Partisan) ; moins d’obligation de respect à l’égard des syndicats et des travailleurs ; plus d’exploitation pour les jeunes et de contrôle sur l’ensemble des chômeurs… Et il y en a qui nous parlent encore de négociations, de « droits », de « démocratie », etc. L’heure est à la lutte politique. Qui ne lutte pas sera esclave !

UNE BAISSE DU CHÔMAGE SURTOUT STATISTIQUE, SELON BNP-PARIBAS

« Des éléments statistiques ont contribué à donner une image favorable de l’évolution du chômage au cours des derniers mois », écrit BNP-Paribas. La baisse sensible du nombre des chômeurs de catégorie 1 (moins de 78 heures d’activité dans le mois) masque une augmentation du travail précaire. Ainsi le sous-emploi a augmenté en 10 ans, officiellement, de 701 %, le nombre de CDD de 517 %, celui des postes en intérim de 317% L’Insee a recensé 108000 chômeurs de moins dans la catégorie 1 entre juin et septembre, mais la baisse n’est que de 63200 pour l’ensemble des catégories de chômeurs inscrits à l’ANPE. Le nombre des chômeurs en activité réduite (plus de 78 heures), a augmenté de 53.100 au cours de la même période, relève BNP Paribas.

LE CNE N’EXPLIQUE PAS NON PLUS LA BAISSE DU CHÔMAGE.

Les mêmes économistes de la BNP insistent aussi sur la faiblesse de la reprise de l’emploi salarié dans le secteur privé (+29.500 créations au cours des deux derniers trimestres). Cette faiblesse ne permet donc pas d’expliquer la baisse du chômage interenue dans le même temps. « Autrement dit, le lancement du Contrat Nouvelles Embauches à partir d’août n’expliquerait pas la baisse récente du chômage », estiment-ils.

Il faut donc chercher ailleurs cette baisse tant vantée par le gouvernement et les médias. Cet ailleurs se trouve dans une augmentation des formations et surtout des radiations pour « absence au contrôle ». Rappelons que de 1983 à 2003 le chômage a officiellement augmenté de 43,5 %, et qu’aujourd’hui le taux de chômage des 18-25 ans atteint 60% dans certains quartiers. Que l’Anpe n’a que 50000 emplois à proposer aux 6millions de chômeurs réels dont la moitié n’est pas indemnisée par l’Assedic. Profiteurs les chômeurs ? Ne sont-ce pas plutôt les capitalistes qui annoncent tous les jours des records de profitabilité et des revenus pour leur gros actionnaires en hausse fabuleuse ?

TOUJOURS PLUS.

A la négociation en cours sur l’Unedic, le Medef demande :
— la réduction des durées d’indemnisation (de 23 à 14 mois ; elles étaient de 30 mois auparavant)
— la suppression de la tranche de 42 mois pour les plus de 57 ans
— un contrôle toujours plus contraignant pour obliger les chômeurs à accepter n’importe quel emploi pour un salaire de misère
— la dégressivité des allocations.

Soutenir par un don