Sénégal : Les années 1950-1960

Un lecteur sénégalais réagit à l’article du Partisan magazine n°11 sur Mai 68 au Sénégal.

Dans la partie Un pays néo-colonial

Il semble qu’il y a un oubli volontaire ou pas du livre (je ne l’ai pas lu) des influences des luttes du RDA (rassemblement démocratique africain) dès la rencontre de Bamako d’octobre 1946 où se sont affrontées deux lignes, une nationaliste et une autre révolutionnaire animée par d’Arboussier.
Plus ou moins dans la même visée, des étudiants africains créent en France, dans la foulée, en 1950, la FEANF (Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France). Ces étudiants ont réclamé l’indépendance immédiate. A l’Université de Dakar qui a été un fort bastion de révolte de Mai 68, l’action de la FEANF est relayée dès 1957 par l’UGEAO (Union Générale des Etudiants d’Afrique Occidentale), créée par les étudiants africains inscrits à l’Université de Dakar. Ces organisations, sans se proclamer organisées au nom du marxisme, ont connu en leur sein des marxistes-léninistes. Le triomphe de la ligne réactionnaire d’Houphouët BOIGNY dans le RDA, entre autres, a poussé au radicalisme de militants et à créer le PAI (Parti Africain de l’Indépendance) qui, par son Manifeste du 15 septembre 1957, réclame l’indépendance immédiate et prône le socialisme. La section de ce parti de Dakar était présente à l’université par le mouvement des étudiants PAI.
Ces éléments d’histoire éclairent que les militants révolutionnaires étaient dans le campus organisés, que les événements de Mai avaient aussi pris racine sur un terrain où foisonnaient déjà des idées révolutionnaires. La participation du PAI aux élections de 1960 à Saint-Louis, sa victoire, sa confiscation par le pouvoir et la répression et l’interdiction totale du parti en 1960, l’entrée dans la clandestinité du reste des militants sont aussi autant de raisons qui justifient que les éléments de Mai puissent se passer à Dakar.

Dans la partie Les travailleurs

Le Président Senghor a eu à mobiliser les paysans pour casser la liaison classe ouvrière - étudiants du fait que les militants du PAI avaient centré leurs activités sur les grandes villes Thiès, Dakar, Saint-Louis, alors que Senghor était implanté dans la paysannerie. Les leçons de la révolution en Chine n’avaient pas été entendues.

En conclusion

Il faut ajouter que Mai 68 a révélé que le Parti révolutionnaire dans la classe ouvrière et dans la paysannerie manquait parce que le pouvoir était dans la rue, et qu’il demeure une nécessité absolue. Mai 68 avait aussi ouvert une autre séquence, celle de la création de ce parti. Elle s’est fermée par l’échec en 1981 avec l’entrée dans l’électoralisme et le parlementarisme de deux partis (AJ maoïste et LD moscovite de l’époque) implantés en usine, dans la paysannerie, et dans l’université.
Depuis une autre séquence s’est ouverte, celle des innovations, des bilans des luttes, car rien n’est perdu.