Vous êtes dans la rubrique > Archives > Haïti : Non à l’aide impérialiste !

Haïti : Non à l’aide impérialiste !

« L’aide néocolonialiste, ça empoisonne et ça tue, l’aide communiste ça libère », a déclaré un camarade haïtien lors du débat sur la situation d’Haïti au stage d’été de VP Partisan. Comme chaque année, ce stage est un moment fort de la vie politique de notre organisation : loin de la seule réponse aux situations d’urgence, nous mettons à profit ces moments d’échange d’expériences pour élaborer et construire des réponses politiques indépendantes de la pression des médias et des réseaux institutionnels d’aide humanitaire. Autour d’Haïti, le débat a été très riche , mais nous ne retracerons ici que deux aspects.

« L’aide néocolonialiste, ça empoisonne et ça tue » 

Sept mois après le tremblement de terre, il finit par se savoir que « la fatalité de la nature » est une explication mensongère. Des pays comme le Japon en proie à de fréquents séismes ne connaissent pas de tels drames, car les constructions sont anti-sismiques. Le « naturel » est donc bien en lien avec le social, avec les choix de priorité que se donne une société en difficulté. A ce jour, qu’est ce qui a été fait pour qu’un prochain séisme soit moins tragique ?

 

L’inefficacité de l’aide institutionnelle internationale est un premier aspect reconnu, y compris par l’envoyé spécial du Monde en juillet dernier, qui signale que 1.6 million d’Haïtiens vivent encore dans des conditions sanitaires précaires, dans des camps de réfugiés, alors que l’automne sera une saison à risques. Que les maisons sinistrées sont classées selon leur degré de dangerosité par des architectes, mais que les déblaiements n’avancent guère car l’autorisation doit être donnée par les propriétaires, et 80% des sinistrés ne le sont pas. Enfin, que sur l’aide d’urgence promise par les bailleurs de fonds, 10 milliards de dollars, seuls 2% étaient parvenus à la Banque mondiale qui gère cette aide…
L’argent ne suffit pas : on confirme ici par la pratique ce que nous ont dit les camarades haïtiens du NPCH, car le problème reste entier de savoir qui va le collecter et qui va décider de l’usage à en faire . Quelle confiance peut-on faire à la Banque Mondiale, alliée du FMI, spécialistes des plans d’austérité ?
Les stagiaires de Partisan se sont aussi faits l’écho de réactions autour d’eux sur les lieux de travail. Après l’expérience de l’exploitation de l’émotion des gens lors du tsunami en 2003, on n’a plus confiance, car en dehors de MSF qui a dit « Stop, n’envoyez plus, nous n’avons pas les moyens d’utiliser », aucun compte n’a été rendu honnêtement de l’usage des sommes collectées.
Autre point de méfiance : les ONG dont on sait que la plupart exploitent la bonne volonté de bénévoles, tout en défendant les intérêts bien compris des Etats qui s’appuient sur ce réseau pour pénétrer un pays en situation de catastrophe. L’ignoble « don » de plantes OGM par Montsanto a largement été dénoncé comme une offensive économique s’appuyant sur une situation de désastre pour imposer une certaine consommation, la dépendance vis à vis d’un fournisseur de semences, la subordination à un certain mode de développement , et à une certaine gestion.
De ce premier débat, nous avons conclu plusieurs choses :
- Nombre de pays impérialistes ne sont intéressés que par un renforcement de leur présence en Haïti en tant que base stratégique en direction de l ‘Amérique latine, et en tant que ressource en pétrole pour l’avenir (cas des USA). Ancienne puissance coloniale à Haïti pendant plusieurs siècles, la France cherche également à consolider son implantation dans cette région du monde.

- La prétendue aide impérialiste a pris les habits de l’humanitaire pour « perpétuer le chaos dans le pays » selon un camarade haïtien : car la population est considérée comme victime assistée et non comme en situation de combat : l’écrivain (pro-français) Lyonel Trouillot déclare pourtant « J’ai assisté à la mise en place de comités de quartiers ; j’entends les appels de médecins qui ont improvisé des centres de soins, j’entends les volontaires qui se constituent en équipes, j’ai vu les balayeurs de rues ramasser les ordures, tentant de mettre un peu de propreté à une ville meurtrie. J’aimerais que l’on parle aussi de cela ».

« L’aide communiste, ça libère »

Le premier critère d’une aide désintéressée est de reconnaître que la population elle-même est la plus apte à identifier ses besoins, et doit donc avoir droit de décision sur les priorités d’affectation des sommes collectées : pas de don sans enquête pour savoir qui va gérer ces sommes, et au profit de qui.
Toute aide véritable s’appuie donc sur des Haïtiens ; Ce critère étant nécessaire mais non suffisant : sur quels critères vont-ils eu- mêmes entreprendre les tâches gigantesques de reconstruction après la catastrophe ? Reconstruire « à l’identique » une société qui était déjà en crise avant le séisme, ou tirer les leçons de ce drame pour construire autrement ?

 

Les débats du stage ont également fait apparaître un recul dans la pratique de l’aide internationaliste syndicale. Aujourd’hui, peu de réunions syndicales sur le lieu de travail abordent la question de construire la solidarité internationale à la base, par des contacts directs. Ceci est pourtant une tâche des syndicalistes de classe comme on l’a vu précédemment lors de mobilisation de soutien à la population de Gaza. Ce combat est à mener, car cette entraide nous fait aussi avancer en nous permettant de mieux voir le type de relations sociales que nous voulons pour la société de demain.

 

Enfin, la solidarité communiste est marquée par la réciprocité : dans les contacts que nous établissons avec des organisations haïtiennes, nous apprenons énormément : sur la réalité de la situation du peuple haïtien, phare révélateur dans la période actuelle du système de relations de dépendance que les puissances impérialistes imposent. Nous apprenons aussi comment un peuple s’organise pour résister. Nous ébauchons ensemble les bases d’une nouvelle Internationale, indispensable pour aller plus loin dans nos combats communs demain.

 

Brigitte Clément

Soutenir par un don