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Comment les maires « communistes » sont devenus des élus bourgeois comme les autres...

L’histoire municipale du PCF

Au congrès de Tours en 1920, le Parti socialiste s’est prononcé majoritairement pour la révolution russe et le rattachement à l’Internationale Communiste créée par les Bolcheviks. Mais, et ce n’est pas un hasard, la majorité des élus du Parti ont refusé de rejoindre le nouveau parti.
Dès 1920, lors de son 2ème Congrès, l’Internationale pose les bases du travail municipal des Communistes : il s’agit de chercher à améliorer les conditions de vie de la classe ouvrière, mais aussi et surtout de développer dans ce cadre une propagande révolutionnaire énergique « sans craindre le conflit avec le pouvoir d’Etat. » Il faut remettre ce texte dans son contexte : il s’agissait d’une époque où les Communistes croyaient la révolution proche dans de nombreux pays d’Europe. Mais le prolétariat ne réussi à prendre le pouvoir qu’en Russie.

En France justement, les élections municipales de 1935 marquent une importante progression communiste. En région parisienne, on passe de 15 à 56 municipalités ; plus d’un million de personnes vivent dans des communes administrés par le PC. Ce qu’on appelle la « Ceinture rouge » devient alors une réalité. Cela fait peur à la bourgeoisie : les préfets et les tribunaux font annuler plusieurs élections remportées par le PC. A la même époque, l’armée élabore un plan de contre-insurrection, craignant que la banlieue ne devienne la base de départ d’un coup d’Etat communiste. Les municipalités communistes améliorent les conditions de vie de la classe ouvrière, développent de façon importante les services sociaux, encouragent les associations ouvrières, etc. Mais la propagande révolutionnaire est peu à peu oubliée.

En 1930 l’Internationale avait constaté que : « La politique municipale est le refuge des éléments opportunistes ». Elle condamne une tendance parmi les élus des partis communistes à « l’adaptation sans principe à la légalité bourgeoise », en précisant : « notamment en France. » En 1939 le Parti communiste est hors-la-loi suite au Pacte passé entre l’Allemagne nazie et l’URSS. L’Etat donne le choix aux maires communistes entre le Parti et la Mairie. En région parisienne, 12 maires communistes sur 27 préfèrent quitter le parti plutôt que de perdre leur siège, ce qui fait beaucoup.

Le PCF, parti bourgeois

Ainsi, les maires « communistes » deviennent des élus bourgeois comme les autres. Les élus deviennent peu à peu des fonctionnaires, des professionnels à vie de la politique : A Ivry, Georges Marrane est maire de 1925 à 1965, à Bobigny Valbon est maire pendant 31 ans. Comme les maires bourgeois, les maires du PCF se constituent des fiefs. Le principe de non-cumul d’un mandat municipal et d’un poste de direction dans le parti disparaît. On est souvent à la fois conseiller municipal et secrétaire de l’association sportive ou culturelle de la ville. Les embauches des fonctionnaires municipaux se font en faveur des membres du parti. Le secrétaire de la section PCF de la commune est presque systématiquement embauché par la mairie. Les maires communistes, qui avaient jusqu’en 1935 leur propre association d’élus, intègrent alors l’Association des maires de France, où ils côtoient sans problème les maires les plus réactionnaires. Ils co-gèrent avec eux les structures inter-communales. Les maires communistes iront parfois tellement loin dans la collaboration avec la bourgeoisie que jusque dans les années 70 la direction du Parti, pourtant également complètement réformiste, devra régulièrement rappeler à l’ordre des maires accusés d’ « opportunisme ». En 1946, le Comité central du PCF note que « les maires communistes ont de plus en plus tendance à se comporter en fonctionnaires de la préfecture. »
Peu à peu, on passe du réformisme à une politique ouvertement anti-ouvrière. Mais à la même époque , le PCF critique le maire des Lilas qui a décidé de verser un supplément de retraite aux vieux travailleurs de sa commune, en rappelant que légalement cette dépense ne dépend pas des communes. La résolution de l920 (« il ne faut pas craindre l’affrontement avec le pouvoir d’Etat ») semble bien oubliée. A Vitry/Seine, en 1980, menés par le maire « communiste », les fonctionnaires municipaux attaquent à la pelleteuse un foyer de travailleurs maliens (à l’époque, le PCF réclame dans son programme qu’il n’y ait pas plus de 6% d’étrangers dans la population d’une commune) après avoir mené campagne pour l’ouverture d’un commissariat. Ces actions se font avec l’approbation du PCF.

La base matérielle

Si le Parti communiste est aujourd’hui ce qu’il est, un parti bourgeois, c’est parce qu’au lieu de combattre l’Etat bourgeois, il a fini par en devenir dépendant. La dépendance du Parti communiste envers l’Etat ne s’est pas faite uniquement à travers l’asservissement des syndicats à l’Etat. On a tendance à l’oublier, mais la ligne révolutionnaire du PC a aussi été vaincue par son incrustation dans les mairies. Aujourd’hui, le PCF est le parti dont la plus grosse part du budget dépend des subventions de l’Etat. Qui dit gestion dans le système capitaliste, dit oubli de la politique prolétarienne : pour rester en place, on adopte un point de vue bourgeois : il faut attirer les entreprises pour faire rentrer l’argent, éviter d’avoir trop de pauvres et d’immigrés pour s’assurer le vote des petit-bourgeois et des racistes, etc. Il ne faut jamais oublier que la ligne politique d’une organisation est influencée par sa base matérielle. C’est à dire qu’en fonction de la façon dont vivent ses membres et dont elle vit elle-même, une organisation communiste pensera différemment. C’est avoir un point de vue matérialiste. Si les membres de l’organisation profitent du système, si l’organisation elle-même se nourrit de ce que la bourgeoisie veut bien lui donner, on peut être sûr que ça finira mal. Or, les Communistes l’ont trop souvent oublié par le passé. A nous d’en faire la critique pour avancer.

Axel

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