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Médecine du travail : une « réforme »
Partisan N°248 - Juin 2011
Un ouvrier non qualifié a trois fois plus de risque de mourir d’un cancer, d’une maladie cardiovasculaire ou de mort violente qu’un cadre supérieur. Un tiers des maladies touchant les ouvriers est attribué à leur métier contre 10% chez les cadres. Les troubles musculo-squelettiques et les cancers professionnels explosent. La classe ouvrière est clairement à la tête de cette lutte pour la santé au travail.
Déclarée non conforme à la Constitution dans le cadre de la loi portant réforme des retraites, la réforme de la médecine du travail est poursuivie méthodiquement par le gouvernement. Une nouvelle proposition de loi (n°106) a été votée en première lecture au Sénat fin janvier 2011. Elle prévoit un Service de Santé au Travail Inter-Entreprise (SSTIE) administré paritairement, qui fixera à tous les intervenants de santé, en particulier aux médecins, des « contrats d’objectifs ». Le rapporteur de la proposition de loi au Sénat ne s’est pas privé de rappeler que c’est « celui qui paie qui décide ». A l’heure de la guerre économique, la bourgeoisie s’encombre de moins en moins d’un masque démocratique et nous rappelle que, dans son système, la santé n’est qu’une marchandise dont elle cherche à baisser le coût, quelles qu’en soient les conséquences.
Ce projet est une nouvelle étape dans la réforme, progressive mais méthodique, de la Sécurité Sociale qui, avec la complicité des réformistes, fait peser de plus en plus le coût des soins médicaux sur les familles populaires. La bourgeoisie veut absolument réduire le coût de la branche "Accidents du Travail – Maladies Professionnelles" de la Sécu, financée à 100% par les employeurs, dans un contexte d’exploitation renforcée qui engendre toujours plus de victimes (accidents, maladies professionnelles plus ou moins reconnues, dépressions, suicides) et creuse les inégalités sociales (voir encadré). La réforme de la médecine du travail devrait permettre à la bourgeoisie de masquer un peu plus la violence et les dégâts de l’intensification du travail, et de réduire le coût des réparations exigibles par les victimes et leurs ayant-droit.
Si de nombreux médecins du travail ont une fesse sur la chaise du patron (difficile de mordre la main qui vous nourrit), il en reste encore trop, au goût du patronat, qui osent pointer les défauts de la politique de prévention des patrons ou qui désignent l’organisation du travail comme la source de la souffrance des travailleurs. Avec le nouvel article L.4622-2 du Code du travail, finie la tentation de la neutralité : le médecin du travail sera chargé d’une mission claire : aider l’employeur dans la gestion des risques. Le projet de loi enferme encore plus les médecins du travail dans la co-gestion des entreprises, quels que soient les drames humains produits dans son sillage.
On se souvient qu’en 2009, le gouvernement a fait adopter l’imposition des indemnités journalières : petit gain de 150 millions d’euros, tandis que 464 dispositifs d’optimisation fiscale ont fait gagner 70 milliards d’euros aux contribuables les plus riches, sans compter le bouclier fiscal, les baisses de l’impôt sur la fortune et sur les droits de succession et le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes... Bonjour la solidarité !
De nouveaux gains sont attendus de cette réforme de la médecine du travail, dont plusieurs articles visent à édulcorer la responsabilité des exploiteurs dans la dégradation de la santé et de la sécurité des travailleurs. Selon l’article L.4644, les employeurs pourront choisir des « salariés compétents » (formés vite faits sur le gaz) pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise. On voit qui portera le chapeau en cas de drames...
La lutte contre cette nouvelle réforme ne doit pas être considérée comme une "petite lutte". Considérer que les médecins du travail n’ont que ce qu’ils méritent serait faire preuve de courte vue. Prévention et protection de la santé, moyens de vivre et d’être utiles socialement, amélioration des conditions de travail, réparation de tous les préjudices perpétrés par les exploiteurs relèvent d’un seul et même combat collectif contre l’exploitation, tremplin pour bouleverser les règles de ce système archi-pourri.