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La Chine actuelle et la crise
Partisan N°234 - Janvier 2010
Grèves massives en Corée du Sud contre les licenciements décidés par l’entreprise chinoise Ssangyong ; travailleurs chinois tués au Soudan (dans le Darfour) ; action de guérilla et de protestation anti-chinoise en Zambie, Niger, au Congo. La bruyante prise de position du général vietnamien Giap (chef militaire de la guerre contre la France et les USA) contre la concession au colosse Chinois Chinalco de l’exploitation d’une énorme mine de bauxite..., voilà les premiers signes d’opposition et de critiques à la présence des capitaux chinois hors de la Chine. Cette présence est jusqu’à aujourd’hui, dans la majorité des cas, saluée favorablement.
Prenons l’Afrique. Là, la Chine a fait à partir de 1956 un important investissement géostratégique avec environ 900 projets menés à terme. La Chine l’a fait d’abord comme État. Même des opposants déclarés à de tels inversissements doivent admettre que l’imposant réseau de routes, de voies ferroviaires, de ports, aéroports, digues, téléphones, ponts, centrales électriques, aqueducs, oléoducs, hôpitaux, écoles, édifices publics, raffineries, villes modernes, édifiés par la Chine en Afrique, ont contribué à faire relever l’Afrique mise à genoux par les plans de restructuration du FMI, les mesures draconiennes prises par la France (comme la dévaluation de 50% du Franc CFA en 1994, pour n’en citer qu’une), des terribles guerres fomentées au profit des grandes puissances occidentales (comme la guerre qui a ensanglanté et dévasté le Congo) au point de redonner une « valeur réelle à l’Afrique et, en définitive, une « chance » matérielle d’unification. [1]
Mais l’admiration inconditionnelle d’une grande part des dirigeants africains (« nous souhaitons que ce soit la Chine qui dirige le monde », a affirmé le président du Nigeria) pour son efficience et sa rapidité, les bas coûts (de 30% à 50% inférieurs aux entreprises françaises), les taux réduits du crédit alloué, la non ingérence dans les affaires politiques de chaque pays, ne correspond pas à un attachement équivalent des travailleurs africains, divisés entre l’admiration et le refus vis-à-vis des charges lourdes de travail imposées par les entreprises chinoises et des méthodes brutales souvent utilisées à leur encontre. Il n’y a pas que le président sud-africain Mbeki [2]., qui fustige les « risques » de néo-colonialisme, ce sont les faits mêmes qui les rendent évidents aux yeux des travailleurs africains, au fur et à mesure que la présence chinoise en Afrique prend un nouveau cours.
Depuis sa fondation, la Chine populaire a poursuivi d’une certaine manière dans le monde son intérêt national, pas celui du socialisme et de la révolution internationale [lire notre point de vue ci-contre]. Mais son intérêt a coïncidé (souvent) avec l’intérêt des pays nouvellement indépendants et des peuples en lutte contre le vieux et le nouveau colonialisme. Avec le temps ce n’est plus le cas. Le point de rupture peut être considéré comme l’appui donné au régime putschiste de Pinochet. La Chine reste, évidemment, un État révisionniste, dans sa confrontation à l’ordre sanctionné à Yalta, mais présente son "révisionnisme" par d’autres voies. Xi Jinping, probable successeur du Hu, l’a revendiqué avec énergie, irrité par les reproches occidentaux : « La Chine n’exporte pas la révolution ». Certes, elle exporte, toujours plus, ses capitaux, et continue à parvenir à le faire sous formes d’accords "de troc" en apparence égalitaires et mutuellement avantageux. Dans le sillage des accords "politiques" conclus par l’Etat Chinois, sont arrivés les colossaux monopoles chinois. Et depuis lors, les monopoles chinois de la construction, de l’énergie, des mines, des télécommunications, se sont beaucoup mobilisés, occupent une part croissante du marché mondial, pour tirer profit du travail des africains, asiatiques, sud-américains et moyen-orientaux, en arrachant le maximum de la nature...
Cest un passage obligé pour ne pas être bloquée par la crise, pour continuer sa propre ascension, pour conjurer l’aiguisement des conflits de classe en interne et contribuer à la naissance d’une « aristocratie ouvrière low cost », la Chine capitaliste doit s’engager de façon plus active sur le marché mondial. Avec l’exportation de ses immenses capitaux liquides et la participation croissante aux marchés financiers (malgré la faillite retentissante de ses premières incursions dans ce domaine), avec ses méga-entreprises et ses méga-banques, avec ses diplomates, avec son réseau d’instituts culturels, avec ses armes, ses troupes, ses plans de « haute technologie maritime », la Chine ne peut se limiter à réaliser sur les marchés la plus-value extorquée à la maison : elle doit toujours faire main basse sur le travail non chinois.
C’est un passage obligé propre à l’impérialisme qu’elle a déjà entrepris en sourdine et en travers duquel les vieilles puissances impérialistes, les USA en premier, ne peuvent pas manquer de s’interposer. Voilà pourquoi nous semble impossible l’évolution pacifique vers la structure d’un monde "multipolaire". Pour se sauver, la Chine doit entrer en collision avec le statu quo actuel, et contribuer à le déstabiliser plus encore que ne l’a fait la crise elle-même.
La retentissante substitution du G 7, dont la Chine était exclue, par le G 20, dont la Chine est la protagoniste résolue, le signale. Mais celui-ci est seulement un organisme de transition, une instance provisoire de compensation d’intérêts antagonistes, destinés à terme à se heurter pour la primauté mondiale.
Dans cet affrontement annoncé qui se profile aujourd’hui, mais pas pour l’immédiat, même si les signes sont plus nets qu’hier, la stratégie des travailleurs ne peut qu’être totalement autonomes de Washington et de Pékin. Le monde entier a vu ce qu’a donné l’ordre impérialiste US. L’ordre impérialiste sous l’étiquette du "socialisme" de marché chinois ne coûtera pas aux prolétaires moins de sueur et moins de sang. La classe ouvrière n’a qu’une voie si elle veut se sauver de la catastrophe capitaliste : la lutte sans quartier contre le capital, la révolution sociale et internationale.
Un "modèle vraiment nouveau de développement" ne peut se réaliser seulement que sur les cendres du mode de production capitaliste.
Article de « Che fare », journal italien de « l’Organisation Communiste Internationaliste », nov-déc 2009.
Notre point de vue.
Ce texte a le grand intérêt de traiter de l’impérialisme chinois. Car il y a pas mal d’hésitations sur la Chine actuelle. Pour certains, la Chine ne serait pas encore impérialiste, alors qu’elle exporte des capitaux, et pas dans le cadre d’une solidarité de lutte internationaliste comme il y a 50 ans. Mais là où le texte se trompe, c’est quand il dit que depuis le début la Chine poursuit dans le monde son intérêt national. Nous pouvons dire que cette réflexion est gauchiste et erronée. C’est Mao qui a dit : « L’impérialisme et tous les réactionnaires sont des tigres en papier. » La Chine quand elle était socialiste a aidé les mouvements de libération nationale, et critiqué le PC d’Union Soviétique, devenu révisionniste, qui prônait la collaboration avec l’impérialisme. En 1965 le Parti Communiste Chinois disait : Les révisionnistes khrouchtchéviens appliquent une ligne anti-révolutionnaire dite de « coexistence pacifique », de « compétition pacifique ». Ils ne veulent pas de la révolution et ils interdisent aux autres de la faire. Ils s’opposent à la lutte armée révolutionnaire des nations opprimées et ils interdisent aux autres de les soutenir.
Le soutien de la Chine à Pinochet (après 1973)
se fit dans le cadre de la « théorie des 3 mondes », théorie qui prétendait que face aux 2 super-puissances, USA et URSS, les autres pays du monde devaient s’unir pour faire un front commun. C’est une théorie révisionniste qui a conduit à ce que des groupes « communistes » demandent au peuple de ne pas lutter contre sa propre bourgeoisie parce que celle-ci luttait contre l’ennemi principal, les deux super-puissances. Cette théorie a toujours été combattue par notre organisation. Le CR.
