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Mali : un coup d’État pour quoi faire ?

La situation au Mali prend évidemment une grande place dans les conversations de nos camarades maliens en France, notamment dans les foyers de travailleurs migrants. Mais le Mali fait partie du pré-carré historique de l’impérialisme français, et nous devons tous nous dire : Que se passe-t-il ? Que faut-il en penser ?
Il y a eu un coup d’État, commis par un groupe de soldats du rang, de sous-officiers et d’officiers subalternes qui reprochent au président Amadou Toumani Touré (ATT) son « inaction » face à la rébellion touareg, et la corruption de son régime. Il était même soupçonné d’y trouver son compte afin de reporter sine die la prochaine élection présidentielle. Que faut-il en penser ?

Faut-il avoir espoir dans les militaires ?

Le Mali est un des pays de la région où la liberté d’expression et d’organisation sont relativement respectés, mais le régime semi-colonial semi-féodal d’ATT n’a (ou n’avait) rien de progressiste. Appeler au « respect de la démocratie » n’a pour nous aucun sens. Comme dans la plupart des pays dominés, il était lui-même arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État militaire ; et pour y rester, il s’est s’appuyé sur la corruption et le clientélisme.
De l’autre côté, les putschistes ont la faveur d’une partie de la population, qui espère que non seulement les militaires pourront enfin éliminer la rébellion, mais aussi, pourquoi pas, installer un régime « patriotique », « démocratique », « anti-corruption »... On peut parier que cela n’arrivera pas. Les chiens ne font pas des chats, et les coups d’État militaires n’ont jamais fait les pouvoirs populaires.
Oumar Mariko, du parti SADI, principale figure de la gauche malienne, a pris la tête du mouvement de soutien aux putschistes. Il veut croire que ces derniers représentent les « forces saines et patriotiques » de l’armée, alors que rien ne le garantit. Ils ont certes promis de s’attaquer à la corruption et de « redynamiser la démocratie malienne », mais dans un pays comme le Mali, c’est le lieu commun de tous les programmes politiques. Soutenir les putschistes ne semble pas une bonne idée : comme on dit « tout ce qui bouge n’est pas rouge », et on ne soutient pas des militaires juste parce qu’ils ont renversé un régime détestable. Placer ses espoirs dans un nouveau Thomas Sankara (du nom de l’ancien dirigeant « progressiste » arrivé au pouvoir au Burkina par un coup d’État militaire) n’est pas une solution...

Une seule solution, le pouvoir entre les mains du peuple !

Sur le fond de l’affaire, il est également nécessaire de poser la question de l’autodétermination du peuple touareg. Comme pour tous les peuples du monde, c’est un droit qu’il possède, quelles que soient à l’heure actuelle les organisations qui portent cette revendication. Avoir pour mot d’ordre « pour un Mali un et indivisible » est une erreur politique : les frontières de l’État malien sont le résultat des décisions plus ou moins arbitraires du colonialisme français. De ce fait, les Touaregs eux-mêmes se trouvent divisés entre au moins 5 pays. L’impérialisme a parfois encouragé les mouvements sécessionnistes pour affaiblir les États, mais on ne peut en aucun cas affirmer que les frontières actuelles sont intangibles : lorsque les masses populaires prendront réellement le pouvoir au Mali et ailleurs, cette question devra être posée.
Comme dit la chanson, « Prolétaires, sauvons nous nous-mêmes », au Mali comme ailleurs. Il faut que les opprimés et les exploités construisent leurs propres organisations pour prendre le pouvoir sans compter sur des sauveurs providentiels (militaires ou autres), et sans se laisser aveugler par le chauvinisme. C’est seulement en prenant le pouvoir dans ses mains que le peuple pourra changer sa condition.

 

Zuco

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