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JO : "Maintenir la bonne humeur sociale"

Partisan N°151 - Octobre 2000

Nota : il s’agit d’un article publié en octobre 2000 pour les JO de Sydney. Toute ressemblance avec la situation de 2024 ne serait que fortuite...


Ce fut "époustouflant”, "formidable”, "fantastique”. "Les plus grands Jeux qu’on n’ait jamais vus”. Les sponsors se frottent les mains, le fric a coulé à flot et puis l’image de marque a été nettoyée. Telle grande marque fera oublier qu’elle surexploite les enfants, les femmes et les hommes ; telle autre qu’elle vient de licencier des dizaines de milliers d’employés --- ce qui fit monter la bourse ! Telle autre encore qu’elle soutient les dictatures pour faire ses (sales) affaires. Les sportifs et leurs manageurs aussi ont fait du fric et se mettent à la diète : les nouvelles drogues "indétectables”, aujourd’hui, et autre caisson à oxygène, leurs ont permis d’être les meilleurs...

Banal de dire que les sportifs de "haut niveau" sont drogués, tellement les cas de drogue, les scandales qui leurs sont liés ont éclaté aux yeux de tous. Mais pourquoi n’arrive-t-on pas à supprimer ce fléau ? "Nature humaine fondamentalement pervertie" ? Soif de gloire inextinguible ? Ou tout simplement que le sport et les sportifs professionnels ne peuvent échapper à la logique même de tout le système économique. C’est ce système qui choisit ses sportifs, qui les forme et qui en fait les instruments de sa politique. Pour plusieurs raisons : faire du fric bien sûr, mais aussi pour maintenir sa domination, son idéologie, sa façon de penser, de vivre, d’être avec les autres... C’est ce que nous allons montrer à travers plusieurs articles.

Coubertin : "maintenir la bonne humeur sociale"

Le baron Coubertin est souvent présenté comme un "grand humaniste". Les Jeux Olympiques qu’il aurait créés seraient l’occasion d’une vaste manifestation d’amitié entre les peuples, de solidarité, de paix. Une grande communion du sport au-dessus des classes, des idéologies et loin... de la politique.

Voyons ça de près. Traumatisé par le premier gouvernement ouvrier, la "Commune de Paris", instauré par le prolétariat parisien en 1871, Monsieur le Baron voulu éloigner à tout jamais le diable rouge, c’est ainsi qu’il déclarait :
« Il ne reste, pour échapper à la néfaste violence qui compromettrait la cause du prolétariat ( ! )... qu’à mettre le prolétariat en état de culture suffisante pour qu’il ait la force de résister à lui-même, de faire front contre la colère, même légitime, contre l’injustice, même flagrante, afin qu’il puisse travailler tenacement mais calmement à sa propre élévation » (dans "Lettre inédite à D. Forst"). Dans son effort pour anesthésier toute révolte légitime le baron Coubertin imagina le "sport au-dessus des classes" :
« Que la jeunesse bourgeoise et la jeunesse prolétarienne s’abreuve à la même source de joies musculaire, voilà l’essentiel... De cette source découlera, pour l’un comme pour l’autre, LA BONNE HUMEUR SOCIALE, seul état d’âme qui puisse autoriser pour l’avenir l’espoir DE COLLABORATION EFFICACE » (dans "Pédagogie sportive").

Remarquez cette bonne humeur toute guerrière, "Monsieur le Baron" voit notre jeunesse "abreuvée" de son sang les sillons de "l’aventure coloniale" :
« Ces hommes audacieux (les militaires français, ndlr) qui parcourent le continent noir, jouent gaiement leur santé et répandent vaillamment leur sang pour ouvrir un comptoir de plus au commerce national, pour planter une fois de plus nos trois couleurs sur une case indigène » (dans "La jeunesse de la France", conférence faite en 1890).
Mais attention n’exagérons rien : les "jeunes bourgeois et jeunes prolétaires collaborent efficacement", mais les premiers à l’arrière et les seconds au "casse-pipe" ! car :
« Les races sont de valeur différente et à la race blanche, d’essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance ». Et ce "grand humaniste" bourgeois de s’emporter : « La théorie de l’égalité des droits pour toutes les races humaines, conduit à une politique contraire à tout progrès colonial... La race supérieure a raison de refuser à la race inférieure certains privilèges de la vie civilisée » (dans "The review of the review, en avril 1901).
Nous en avons assez dit pour édifier notre lecteur sur les motifs qui amenèrent Coubertin à promouvoir le sport universel : collaboration de classe pour étouffer la révolte des opprimés ; collaboration de "race", mais pas trop, l’homme blanc devant dominer les peuples coloniaux etc.

Les Jeux Olympiques et la politique : un peu d’histoire

En 1916, les JO sont annulés à cause de la guerre. En 1920 et 1924 l’Allemagne en est exclue pour mieux manifester son écrasement par les puissances victorieuses. 1936 : les JO à Berlin sont utilisés par Hitler pour faire l’apologie du régime nazi et démontrer la "suprématie de la race aryenne". (A ce propos, le baron Coubertin se félicite que la "glorification du régime nazi a été le choc émotionnel qui a permis le développement que les Jeux ont connu"). Barcelone 36, alors que la guerre civile s’engage, les anti-fascistes organisent des "contre Jeux Olympiques" pour dénoncer les Jeux hitlériens. En 1940 et 44 : 2ème guerre mondiale et annulation des JO. 1948 : les pays arabes obtiennent l’exclusion des sionistes. 1952 : JO sans la République Démocratique Allemande (car non reconnue comme État par l’ONU. 1956 : la Hollande se retire à cause des soulèvements de Hongrie, l’Egypte et le Liban à cause de l’intervention impérialiste sur le canal de Suez. 1964 : l’Afrique du Sud est exclue. En 1968, après le massacre de 300 étudiants à Mexico, 2 sportifs américains lèvent leurs poings gantés de noir pendant l’hymne national pour protester contre la discrimination raciale.
En 1972, à Munich des Palestiniens rappellent au monde l’existence d’un peuple palestinien. En 1976, à Montréal, 33 pays se retirent pour protester contre les liens sportifs entre la Nouvelle Zélande et l’Afrique du Sud. En 1979, la France doit annuler la tournée des "Springbocks" pour pouvoir aller à Moscou...
La réalité c’est que les JO ont toujours été un lieu de rivalités, de tension, d’exclusion où les puissances impérialistes tentaient de s’y montrer les plus fortes.

Boycott des J.O. et de toutes les grandes compétitions sportives internationales.

Le sport n’échappe au système marchand ; sa professionnalisation en a fait un spectacle pour la grande masse qui s’en trouve dépossédé : les stades, les salles de sport sont réservées à une "élite". C’est pourquoi nous luttons contre ce sport-là, mais nous sommes pour un autre sport, un sport de masse, fait par tous et pour tous. Celui-ci exige un bouleversement complet de cette société marchande et capitaliste pour être pleinement réalisé.

Nous pouvons dire que notre programme en matière sportive c’est :
• Dénoncer le sport professionnel actuel comme étant avant tout une affaire, une industrie où les capitalistes (comme le fameux Tapie dans l’OM) ont investi. Il se fait alors des profits scandaleux, des magouilles en tout genre pour "arracher les marchés les plus juteux" de la Pub, des retransmissions télés, de l’hôtellerie...
• Dénoncer la politique sportive qui présente une image souriante et trompeuse de la réalité du pays qui reçoit. Politique qui masque l’oppression et l’exploitation des peuples à l’aide des artifices de toutes sortes, de parades féeriques, de "bonheur de vie universelle". Politique sportive qui détourne la lutte des classes vers l’union nationale avec "nos champions".
• Dénoncer les J.O. comme les instruments de l’idéologie bourgeoise dans tous les pays : exaltation du chauvinisme national, de la collaboration de classe (exploités et exploiteurs communiant tous vers le podium). Ils sont le sommet de l’édifice sportif orienté vers l’élitisme, l’arrivisme individuel et l’esprit de compétition guerrière entre les individus et entre les nations.

Quelle orientation, quelle politique sportive développer ?

Nous avons montré que le sport aujourd’hui est le reflet de la société actuelle, il ne peut donc changer fondamentalement que dans une nouvelle société socialiste véritable.
L’orientation actuelle exclut du sport la masse des ouvriers, des employés, la masse des gens du peuple, elle les transforme tout au plus en "consommateur" des guerres sportives télévisées. Cette orientation s’intéresse à la fabrication de champion, à la formation d’une élite sportive qui ira "compétitionner" sur tous les marchés mondiaux.
Le sport est conçu comme quelque chose de séparé de la vie et du bien-être social. Il faut nous battre pour le réintégrer dans la vie des travailleurs, comme une activité nécessaire à la santé et au bien-être. Tout en sachant que les transformations d’aujourd’hui sont nécessairement limitées, partielles et déformées. Les gens s’adonnent au sport quand ils se sentent bien, pas quand ils sont chômeurs, précaires ou épuisés par les conditions de travail et d’existence. Seule la fin de cette société de classe et donc de la division du travail pourra créer les conditions d’une véritable politique sportive liant le travail, les études et le sport.

C’est pourquoi nous soutenons les revendications suivantes :
Revalorisation et développement du sport scolaire
Ouverture et libre disposition gratuite de toutes les structures sportives
Développement des terrains de sport et de jeux dans tous les quartiers, dans toutes les cités
Développement du sport dans toutes les entreprises
Boycott des JO et de toutes les grandes compétitions sportives internationales. Pas de crédits pour le sport de "haut niveau" et les clubs professionnels. Contre la pénétration des clubs dans les écoles et contre la promotion de l’esprit de compétition à l’école

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