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Reclassements : l’expérience des Contis

Trois ans après la fermeture de Continental Clairoix, des témoignages d’ouvriers (1) sur leur expérience face à la perte d’emploi et au reclassement nous permettent de mieux comprendre l’enjeu. A cette phase de mise en œuvre du plan de restructuration, la force du patronat est l’individualisation. La force des ouvriers est encore une fois la résistance collective.

 


- Le responsable de la cellule Altedia présente son point de vue :
« Le DRH de Conti a prolongé la mission de reclassement pendant 30 jours ; des moyens exceptionnels d’accompagnement sont mis en place depuis 3 ans, ce qui coûte 200 000 euros par salarié ! Les salariés ont acquis des compétences ; il y a une période nécessaire de précarisation avant de retrouver un CDI. Conti est respectueux de ses engagements. Beaucoup se plaignent des salaires proposés, mais ceux des Contis étaient en moyenne supérieurs de 20% à ceux qui sont proposés en Picardie ; les rémunérations proposées sont celles du marché. Par le reclassement, ceux qui ont accepté, ont environ 80% de leur salaire antérieur. Et pour ceux qui n’ont encore rien trouvé, il faut savoir qu’un salaire ça se négocie directement par le salarié, pas par Altedia. ».

 


- Pour cet ouvrier qui a retrouvé un emploi comme cariste, la précarité n’est pas « une nécessité » mais bien un recul imposé, accompagné d’autres détériorations :
« Avoir deux ans de congé mobilité m’a permis d’avoir une formation et un CAP ; mais le reclassement, c’est pas ça, pas dans le domaine escompté ; un emploi de 3 mois, mais dans le contexte actuel, ça ne peut pas se refuser. - Et la vie de famille ? - Elle en a pris un coup, le deuil n’est pas fait. Pendant deux ans, les conseillers ont proposé des formations, mais pas aidé à retrouver un emploi en CDI. - Et la prime ? - 50 000 euros, deux ans de salaire, ça aide, mais il ne faut pas croire qu’on est riche. ; on a peur de perdre sa maison ; des difficultés s’annoncent, on n’a rien de concret, c’est la précarité ».

 


- Xavier Mathieu, encore au chômage en juin 2012, donne la vérité des chiffres et de la situation :
« Ceux qui ont trinqué continuent ; le cabinet de reclassement prétend reclasser à 80%, mais actuellement il n’y a que 15% de reclassés. Voilà les propositions qu’on nous fait : un boulot à 4 ou 5 h de transport d’ici, pour 1300 euros ! Heureusement qu’on est restés soudés, sinon, ce serait pire humainement et socialement. »

 


- D’autres témoignages soulignent l’ampleur des dégâts humains, comme les propos de ce militant CGT du CE :
« Il y a des dégâts dans les couples : plus de 70 divorces, des suicides, des personnes ont vendu leur maison. ; des courriers sont envoyés à tous, mais tous sont sous le choc psychologique ; certains tombent dans l’alcoolisme.. Environ 50 ont quitté la région, soit pour la même boîte à Sarreguemines, soit du boulot d’intérim. »

 


- Un ancien (32 ans d’ancienneté ) témoigne du choc de la fermeture : il est obligé de prendre 17 cachets par jour, ses problèmes de santé sont liés à la fermeture.

 


- La force du collectif est portée par le comité de lutte dont un membre s’exprime au local syndical :
« Même ceux qui sont suivis par Pôle Emploi, on les suit. Conti a des armées d’avocats, mais le comité de lutte ne dispose que d’un ordinateur. Le comité de lutte réunit tous ceux qui ont le droit de vote pour porter les revendications. 3 ans après la fermeture, c’est la merde ; on attend, l’Etat a signé un accord : Conti doit respecter ses engagements ; on est dans un bras de fer , la seule chose qui leur fait peur, c’est le rapport de forces, comme à Hanovre, Sarreguemines, la solidarité. »

 

(1) émission sur France Inter, juin 2012

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