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Bicentenaire de Verdi et de Wagner

Partisan N°270 - Décembre 2013

Les deux compositeurs, Giuseppe Verdi (1813–1901) et Richard Wagner (1813–1883), ont vécu en même temps, ils sont par contre très différents dans leur personnalité et leur art.
Wagner a été pendant sa jeunesse un adepte de la révolution populaire de 1848, raison pour laquelle il s’est exilé. Ses premiers opéras - notamment « Rienzi, le dernier des Tribuns » - reflètent cette attitude. Mais il a rapidement renoncé. Il est devenu non seulement un citoyen conformiste, mais aussi l’artiste affolé d’une bourgeoisie qui, dans l’Allemagne de la deuxième moitié du XIXe siècle, avait les traits d’une classe sociale intérieurement pourrie et extérieurement agressive et décadente, condamnée à disparaître. Richard Wagner était un radin sans scrupules dans la vie privée. Il a allégé de millions de marks le roi bavarois Ludwig II, mentalement handicapé dans ses derniers jours, et il a vécu à ses dépens.
Il soutenait la politique extérieure agressive de l’Allemagne. Idéologiquement, il se déclarait antisémite. Dans sa dissertation « Les Juifs dans la musique » il leur nie tout talent créateur. Il a écrit à ce sujet : « Si le déclin de notre culture pouvait être arrêté à travers un violent rejet des éléments décomposant (les juifs) » (Hartmut Zelinsky, « Richard Wagner - Un drame allemand », p.9).
On peut voir dans cette manière de penser que les prémisses de l’idéologie du fascisme hitlérien étaient présentes au XIXe siècle chez Wagner. Il fréquentait Houston Stewart Chamberlain, qui a écrit une biographie de lui, et le français Arthur de Gobineau. Sa petite-fille Winifred a été une nationale-socialiste déclarée, et une amie personnelle de Hitler.
Il avait certainement des coups de génie musicaux, il poussait l’harmonie jusqu’aux limites du système majeur-mineur. Son approche pour concevoir l’opéra comme œuvre d’art total est également remarquable : ensemble de musique, texte et décor. Néanmoins tout cela sera investi pour obtenir un salaire infiniment décadent.
Le jugement de Verdi sur la musique de Wagner est intéressant : « Musique belle quand elle est claire et qu’il y a de la pensée » (Monographie de Barbara Meier, Reinbek 2000, p.113), mais le plus souvent elle n’est pas claire.
Verdi a contrario était modeste, il n’a jamais renié sa provenance de la petite bourgeoisie rurale. Durant tout sa vie il a été adhérent du « Risorgimento » italien, qui a provoqué entre 1815 et 1870 de constants mouvements de révolte pour l’unité de l’Italie, face à la domination étrangère de l’Autriche, et face au pouvoir politique féodal du Vatican qui possédait une grande partie de l’Italie. Au sujet des combats pour la liberté de 1848, il écrit : « Honneur à ces héros ! Honneur à toute l’Italie, vraiment grande désormais ! Voici l’heure de sa libération, sois-en sûr. Le peuple le veut et quand le peuple le veut, nul pouvoir absolu ne saurait y résister. » (Barbara Meier, p.46).
Pour ces convictions il est même allé à l’Assemblée nationale, chose à laquelle il ne tenait pas du tout. Á cet égard, sa composition la plus connue est peut être « Le chœur des esclaves de Nabucco », qui fête l’irrésistible pouvoir de l’idée de liberté. « Aïda » est un défi acéré contre le clergé. Il traite régulièrement du destin de femmes opprimées qui luttent pour leur liberté.
Sa musique est virtuose par la maîtrise des plus récentes techniques, elle est aussi le délicat portrait de personnes, mais elle est surtout populaire car elle représente l’affaire du peuple. Pour la première de l’opéra « Les Lombards à la première croisade » en 1845, un contemporain relate : « La populace a commencé dès trois heures du matin à se bousculer dans les galeries, et comme les gens avaient amené à manger, le rideau s’est levé avec une odeur prononcée de saucisse à l’ail... Le célèbre chœur « O signore dal tetto natio » a été le motif d’une des premières manifestations politiques qui marquera le réveil des Lombards vénitiens. » (B. Meier. p.29). Des airs comme « La donna è mobile de Rigoletto », « Le Choeur des esclaves » cité précédemment, ou « La Marche du triomphe de Aida » sont devenus de la musique populaire. Dans les représentations à l’air libre dans l’arène de Vérone, tout le public accompagnait les chants. Des ouvriers les chantaient sur le chantier... Une telle musique est populaire parce qu’elle montre au plus haut niveau les aspirations du peuple – elle continue d’être vivace et peut servir d’exemple. (jgä)

 

D’après Rote Fahne, journal du MLPD, traduit par le Comité de Rédaction

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