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Une usine sans hiérarchie, c’est possible ! Oui, mais

Partisan N°270 - Décembre 2013

Depuis près de trente ans, FAVI (Fonderie et ateliers du Vimeu), sous-traitant picard pour l’industrie automobile, pousse ses 400 ouvriers à élire leurs responsables et à travailler avec une hiérarchie très réduite. L’entreprise, leader sur son marché, a abandonné l’organisation tayloriste du travail, en donnant une grande responsabilité aux ouvriers dans la conduite de leur activité et en réduisant les tâches administratives. L’ensemble du personnel administratif (achats, compta, paie...) se résume à... cinq salariés.

 

L’usine est découpée en mini-usines destinées chacune à servir un client, principalement des industriels de l’automobile, pour qui l’entreprise fabrique des fourchettes de boîtes de vitesse.
« Chaque ouvrier sait donc pour quel client il travaille. Le commercial a sa place au milieu de la mini-usine de production, de sorte que clients et ouvriers sont constamment en contact par son intermédiaire ».

 

Le « leader » de chaque mini-usine, ancien ouvrier expérimenté, n’impose pas de directives à son équipe sans en expliquer l’origine. Il les laisse en revanche libres du « comment ». C’est l’ouvrier qui décide de sa cadence, car l’entreprise a compris qu’en fixant un nombre de pièces à atteindre par heure, l’ouvrier ne cherchera jamais à dépasser l’objectif, de peur que cela ne devienne le nouveau quota de référence. En supprimant les échelons hiérarchiques et en faisant confiance aux ouvriers, l’usine serait plus efficace et il n’y aurait jamais de retard de commande.

 

Efficacité aussi parce que les ouvriers acceptent sans broncher de faire des extras le week-end pour satisfaire les délais. Car ils auraient conscience de travailler pour le client qui rapporte l’argent et permet la sauvegarde de leur emploi. « La pointeuse a été supprimée et aucun abus sur les horaires n’a jamais été constaté ! ». Tout cela à une autre contrepartie. Chez FAVI, le syndicaliste est inconnu : personne ne se présente aux élections. Et il faut adhérer aux valeurs de l’entreprise. Qui ose les violer est éjecté illico. Pas de demi-mesure : « Tu es dans le système ou tu ne l’es pas ».

 

De cette expérience édifiante, nous pouvons dégager trois leçons :

 

La première est que la dite organisation scientifique du travail, le taylorisme, n’est nullement « scientifique ». Des organisations du travail faisant largement place à l’initiative ouvrière sont bien plus performantes et exigent beaucoup moins de fonctions de contrôle parasitaires. Il est donc possible de travailler autrement.

 

La deuxième est que chez FAVI, l’autonomie ouvrière est toute relative, car elle repose sur l’intégration des exigences du marché, sur l’acceptation d’un consensus, qui exclut tout ouvrier qui ne respecte pas les règles. En fait les ouvriers acceptent d’organiser ainsi leur propre exploitation, sous la menace que ferait peser sur leur emploi le fait de ne pas jouer le jeu.

 

La troisième est que l’autonomie ouvrière dans l’entreprise n’est libération que si elle se conjugue avec le pouvoir des ouvriers sur toute la société. Que s’ils ne sont pas soumis à la pression de la concurrence, du marché, s’ils planifient non seulement leur travail au sein de l’entreprise, mais aussi sont eux-mêmes « leurs propres clients » en décidant collectivement des besoins à satisfaire. Le socialisme, en permettant de travailler tous et autrement, permettra de travailler moins, de libérer une grande capacité d’initiative ouvrière, non seulement dans la production mais encore dans toute la société.

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