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Le forum : c’était ce que nous voulions !

Partisan N°270 - Décembre 2013

Bilan des ateliers

Ce que nous voulions, c’est la rencontre de militants ouvriers et prolétaires, entre eux (un peu plus de 140 participants au total), et avec une organisation qui exprime cette vérité concrête, la nécessité d’un changement radical de société, une révolution communiste.
C’était évident le samedi, dans les « ateliers » (88 participants), avec une forte présence d’ouvriers, mais aussi une diversité en mesure de démontrer comment les suppressions d’emplois, la dégradation des conditions de travail, le désarroi politique dépassent l’usine et le chantier et sont largement partagés dans tout le monde du travail.
Elargissement aux dimensions de la planète le dimanche matin, avec une composition de « table ronde » qui ne devait rien au hasard. Etaient représentés : la Grèce, à la pointe, en Europe, de la crise et des « mesures de pauvreté » (dixit l’intervenante) ; la Tunisie, à l’avant-garde des révoltes arabes ; et les Philippines – le jour même du cyclone ; voir page 12 - , pays qu’il faut rapprocher du Népal et de l’Inde pour mesurer l’ampleur du travail révolutionnaire du parti maoïste. Sans oublier la France : VP qui expose les principes de son travail internationaliste.
Un mot de la Tunisie, puisqu’il n’y a pas ici d’autres éléments de compte-rendu. Une explosion révolutionnaire n’est jamais spontanée, affirme le camarade tunisien, elle a une histoire ; et il la rappelle. Ensuite, lorsque le pouvoir en place s’effondre, seule une organisation structurée, implantée nationalement, peut prendre la relève ; autrement dit un parti. Et encore : Très peu, parmi les organisations et militants tunisiens, ont fait l’analyse des liens entre la bourgeoisie locale et les impérialistes.
De la salle, des camarades ont des interventions préparées, à propos du Maroc, du Mali, du Bangladesh, de la Turquie. Puis les questions et réponses se succèdent. Une motion est lue : « Nous saluons et soutenons le mouvement des lycéens contre les expulsions de jeunes sans-papiers ! ». Au fond de la salle, une série de tables de presse, celle de VP et celles d’associations en lien avec VP et/ou qui pouvaient être présentes : Coup Pour Coup 31, Collectif pour la Libération de Georges Ibrahim Abdallah, Femmes En Lutte 93, Saint-Ouen Solidarité Palestine, la librairie Le Point du Jour,le groupe Première Ligne, Plein Phare de PSA, le blog "Où va la CGT ?". Une collecte est organisée pour financer les salles.
Une petite soirée – jusqu’à 21 h 30 – suit le repas, avec en particulier Première Ligne, des chansons comme « Enfant de Palestine » revue et complétée par des militants VP (« Georges Abdallah, tu fais partie d’entre eux »).
Et enfin, symbolisant bien cette opération rencontre et unité, le forum qui avait été ouvert par un seul camarade – avec deux qualités, la jeunesse et l’humour -, est clôturé par une dizaine, regroupés autour de la déclaration politique finale. L’Internationale est chantée à l’ancienne, avec le rythme lent d’un hymne, un refrain en tagalog philippin, un autre en arabe, et le troisième en français... Demain, nous serons dans une nouvelle Internationale !

Atelier 1 : Contre la guerre économique : choisir notre camp !

Dans notre atelier, nous avons discuté du chômage et de la précarité, des licenciements et des résistances internationales ouvrières. Sans avoir épuisé le sujet, loin s’en faut, nous avons dégagé quelques points importants pour s’organiser et lutter.

 

Le capitalisme, c’est la guerre permanente ! La concurrence, c’est grossir ou périr, manger ou être mangé, telle est la loi qui s’impose à tous les patrons, gros ou petits. Depuis 40 ans que le capitalisme est en crise, dans cette guerre, des centaines de milliers de vies ouvrières ont été saccagées par la perte des emplois. Un million d’emplois industriels supprimés entre 1974 et 1986, 400 000 emplois supprimés de 2007 à 2012 sous le seul quinquennat Sarkozy. Et une nouvelle vague de plans sociaux vient d’être annoncée : Fagor-Brandt, La Redoute, Alcatel-Lucent, Tilly-Sabco, Michelin, Gad, Doux....
Si la lutte contre les fermetures est plus visible, la précarisation s’étend bien au-delà, au niveau de la santé, du logement, à l’école, où la précarité des parents c’est aussi la précarité pour les enfants ! En deux générations, la « norme connue » de l’emploi est passé du CDI aux contrats précaires. Aujourd’hui la moitié des moins de 25 ans n’ont connu que la précarité. Bas salaires (-de 1000€), contrats précaires, sous-emploi, conditions de travail nuisibles (plus de 44h/semaine, exposition à des produits dangereux...). C’est 13 millions de travailleurs sur les 22,7 millions de travailleurs salariés, qui vivent la précarité ou la souffrance au travail sous ses multiples visages. La classe ouvrière est en première ligne, femmes, ouvriers, immigrés ou les trois à la fois, sont le cœur de l’armée de réserve industrielle dont parlait Marx. C’est le temps partiel subi pour 35% des ouvrièr-es, et pour 82% des immigrés nés hors de l’Union Européenne, ce sont des contrats précaires.

 

Unité et solidarité, jusqu’où et avec qui ? L’unité tout le monde en rêve, celle des ouvriers c’est l’unité de tous les travailleurs, unité syndicale ou politique tant recherchée avant chaque mobilisation. A PSA, entre l’annonce du plan en juin où 2000 ouvriers sont sortis et la rentrée de septembre, le noyau combatif n’était plus que de 500, car certains travailleurs avaient choisi de négocier individuellement. Mais plus soudés, ils sont parvenus à mener une lutte exemplaire. Avec Fralib, nous avons vu que la solidarité ne peut être qu’internationale, avec les producteurs de thé des pays dominés pour construire la coopération contre l’impérialisme. A Aubervilliers, la mobilisation contre la réforme des rythmes scolaires a mobilisé les familles et les travailleurs de l’Education, mais aussi des travailleurs des entreprises de la ville.

 

Les bourgeois aussi rêve de l’unité, mais pour nous faire rentrer dans le rang
derrière leurs intérêts !Nous, à VP, nous ne sommes pas pour être plus
« compétitifs » pour mieux disputer le travail à d’autres ouvriers ! Nous ne sommes pas pour le « patriotisme économique » quan
d Latécoère relocalise des productions en France pour briser les luttes des ouvrières tunisiennes luttant pour leurs salaires et leurs droits !
Pour nous, défendre son emploi ou son droit à un emploi, ce n’est pas défendre une « entreprise » ou « son pays », c’est défendre le droit de travailler où on vit, la vie sociale dans un collectif de travail, une place dans la société, qu’on soit français ou immigré !
Si pour l’heure les prolétaires ne sont pas assez forts pour abattre la concurrence capitaliste, la solidarité reste notre première arme !

Atelier 2 : La souffrance au travail, c’est pas une vie !

L’atelier 2 a traité des souffrances au travail et du sens qu’elles avaient au cœur de l’exploitation capitaliste. La participation de nombreux camarades prolétaires (dont des camarades immigrés, avec ou sans-papiers) a donné une tonalité très marquée au débat, avec de nombreux témoignages vivants et parlants.

 

Le débat a été lancé par un petit diaporama, accompagné de sous-titres lus de vive voix en séance. Débat très riche ensuite, très complet et bien sûr trop court, nous n’avons pu parler des retraites de la mort que trop rapidement… Les camarades immigrés ont montré comment leur statut illégal les soumettait à des conditions terribles, « ça dépasse l’entendement humain » parfois, confortant l’extrait du diaporama sur les travailleurs de la banane au Costa Rica… Un autre camarade a expliqué en quoi la sous-traitance en cascade aboutissait au même effet, etc. D’autres ont montré en quoi la souffrance au travail touche les ouvriers depuis bien longtemps, mais commence désormais à toucher certaines fractions de la petite-bourgeoisie, ce qui explique qu’on en parle un peu plus dans les médias…

 

On a discuté de la « résistance » nécessaire, bien sûr, mais aussi de ses limites… La souffrance s’accroît, la situation se dégrade, la résistance est souvent difficile avec les divisions, l’individualisme, mais surtout avec l’absence de perspectives. Tous les syndicats et partis sont désormais bien intégrés dans l’aménagement des choses. On ne croit plus en leurs propositions qui ne changent pas le fond des choses : on négocie des contreparties à la pénibilité (départ en retraite anticipée), mais on ne demande pas l’interdiction du travail à la chaîne ou de nuit, on veut règlementer la sous-traitance, mais on ne se bat plus pour la réintégration dans l’entreprise donneuse d’ordre, on négocie au cas par cas pour nos camarades sans-papiers, mais on n’exige pas la régularisation sans condition, on gère les morts de l’amiante après avoir participé pendant des années au Comité Permanent Amiante aux côtés des patrons, on casse le rythme des enfants à l’école après avoir cassé celui des parents au boulot, on négocie les virgules pour le mode de financement, mais on n’avance pas la retraite à 55 ans sans conditions de trimestre, et ainsi de suite. Bref, les syndicalistes et hommes politiques qui prétendent nous représenter sont bien loin de la réalité de ce que nous vivons et plutôt incrustés dans les fauteuils de l’aménagement d’un capitalisme à visage humain, pour négocier le poids de nos chaînes…

 

En fait, l’aboutissement de la discussion, c’est que c’est bien une révolution qu’il nous faut !
C’est le capitalisme dans son ensemble qui est pénible, et pas au cas par cas, mesure par mesure. Toujours, partout, il s’agit d’augmenter la productivité du travail dans la guerre économique mondialisée, et les bourgeois n’ont rien à faire des êtres humains, des prolétaires qu’ils ont en face, ce ne sont que des « forces de travail », comme des robots, juste bons à fournir la plus-value… et à ensuite être jetés comme des kleenex !
La principale souffrance, au final, c’est d’être soumis à l’exploitation et à une classe qui gère la société selon ses propres objectifs, la soumission du producteur à un système qui lui échappe totalement, qui fonctionne selon des règles sur lesquelles il n’a aucune prise. Pour en finir vraiment avec la souffrance, il faut que l’ouvrier, le prolétaire soit au cœur du pouvoir politique, économique et social ! Nous ne voulons plus être des esclaves modernes, mais être maîtres de nos vies et de toute la société ! Nous voulons refaire des travailleurs des êtres humains au vrai sens du terme !
La souffrance, ça ne touche pas que les ouvriers, mais aussi de larges secteurs de la petite-bourgeoisie, et c’est là la possibilité d’unité et d’alliance contre une société qui nous écrase tous, avec les ouvriers à l’avant-garde !

 

Face à ces attaques, c’est dans la résistance que nous préparons la révolution qu’il nous faut. Et nous devons avoir comme drapeau « Travailler tous, travailler moins, travailler autrement » pour nous guider dans tous ces combats. Avec une compréhension large de ce que veut dire « autrement » : en finir avec la chaîne, les cadences, le travail déshumanisant, reconstruire les besoins et la production selon ce qui est vraiment utile pour le peuple et pas en fonction du profit, avec la division travail manuel/travail intellectuel et les petits chefs inutiles, oser remettre en cause en profondeur la société telle qu’elle est façonnée par le capitalisme !

 

La résistance, elle existe. Dans les grèves, moments de libération comme cela fut le cas à PSA ou dans le mouvement de nos camarades sans-papiers, qui n’est pas fini. Dans la défense des victimes de l’amiante, les protestations et mobilisations contre les suicides et harcèlements. Elle existe dans les toutes petites résistances locales qui se construisent sur le terrain. La question d’actualité, dans tous ces combats, c’est de construire nos outils, un vrai parti des travailleurs, pour une libération véritable…
Il ne s’agit pas ici de résumer une discussion très riche, dont chacun(e) est ressorti(e) regonflé(e)… Il s’agit de montrer qu’on est bien là au cœur de l’exploitation capitaliste, et que rares sont les militants et organisations qui osent l’affronter de face pour dire la vérité : « Il nous faut une révolution pour en finir avec la souffrance au travail ! ».

Atelier 3 : Contre les idées et les forces réactionnaires !

Dans notre atelier, nous avons parlé des idées réactionnaires et comment les
combattre. La situation a de quoi nous préoccuper avec les évènements de l’année
passée : l’assassinat de Clément Méric par des fascistes en juin, des
agressions contre les femmes voilées tout cet été et des agressions qui se sont
multipliées contre les homosexuels pendant la période du mariage pour tous.

 

Tout le monde était d’accord pour dire que les idées réactionnaires ne venaient pas que du FN ou des groupes fascistes mais de toute la classe politique. On a pris l’exemple de la politique menée par le PS contre les sans-papiers et les Roms. Car, bien sûr, il faut combattre la montée du FN, mais qui dirige la police qui assassine impunément dans nos quartiers ? Qui accompagne les grandes restructurations industrielles et les licenciements massifs d’ouvriers ? Qui envahit le Mali pour y installer un gouvernement à la botte de la France et expulse les sans-papiers maliens ici ? Certains ont fait remarquer aussi que le Front de Gauche perpétue la vieille tradition de chauvinisme entretenu par le passé par le PCF. Il rentre dans le jeu de la concurrence impérialiste en parlant de « produire français ». Du FN à la gauche réformiste, c’est toujours les mêmes recettes et les mêmes illusions sur l’Etat, soi-disant au-dessus des classes sociales. Mais en fait c’est toujours la même domination des bourgeois qui s’exerce, et qui s’accentue avec la crise.

 

Mais parce qu’on ne peut pas se permettre d’en rester aux constats, la discussion a surtout porté sur comment lutter contre les idées réactionnaires au sein de notre classe pour renforcer notre unité. On constate autour de nous que la crise a aggravé la concurrence entre travailleurs, a développé l’individualisme et le fatalisme et qu’on doit ramer à contre-courant. Quand en période de crise comme aujourd’hui, il n’y a plus l’espoir d’un avenir meilleur, la tendance est à regarder vers le passé.
On constate aussi que là où il y a des militants, là où il y a des luttes ou des
traditions d’organisation collective, les idées réactionnaires reculent. Une camarade prend l’exemple de la mobilisation des parents d’élèves contre la réforme des rythmes scolaires à Aubervilliers (93). Quand les gens s’organisent sur des bases de classe, pour l’éducation des enfants des quartiers populaires, cela ne laisse pas beaucoup de place pour les discours réactionnaires, le FN est à la ramasse. Et à PSA Aulnay, 4 mois de grève apprennent la solidarité entre tous les grévistes, avec les autres boîtes en lutte, ouvrent sur des perspectives politiques plus large d’émancipation. Ça pose la question de la présence des militants dans les quartiers et dans les boites. On voit que les militants ont pour la plupart déserté les quartiers et laissé le champ libre aux réformistes et aux réactionnaires.

 

Ca été l’occasion pour les militants de VP d’expliquer notre politique : nous
faisons le choix de travailler dans la classe ouvrière et dans le prolétariat, de rester dans les quartiers populaires pour mener notre lutte. Il faut refuser le discours sur « ces salauds d’ouvriers qui votent FN », classique du discours politique actuel, sans nier que la progression des idées réacs concerne aussi notre classe et constitue un frein à son organisation. Justement, nous voulons régler les contradictions qui nous empêchent d’avancer et faire que chacun ait sa place dans notre combat : les homosexuels, les femmes et les hommes, les immigrés et les sans-papiers. Une camarade a expliqué l’importance pour nous du combat pour l’égalité totale entre français et immigrés et notre implication dans toutes les luttes de sans-papiers. C’est POUR ORGANISER les exploités que l’on doit faire reculer les idées réacs, mais en même temps c’est EN ORGANISANT les exploités qu’on les fait reculer. Car l’enjeu qu’il y a derrière, c’est la défense de nos intérêts collectifs, de l’intérêt ouvrier, face aux attaques de la bourgeoisie, pour construire un projet politique communiste et révolutionnaire.

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