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Sarkozy, une légitimité abusive

Editorial de Partisan n°214 (été 2007)

Le soir même de l’élection de Sarkozy, et dans les jours qui ont suivi, des regroupements de protestation ont eu lieu dans la plupart des grandes villes. Le pouvoir a alors envoyé ses troupes armées attaquer les rassemblements et les cortèges, et arrêter des centaines de manifestants. Passés en comparution immédiate devant les juges, ces derniers ont fait pleuvoir des condamnations à la pelle avec un argument politique à la clé : « Le président a été massivement élu. Il est légitime. Il faut respecter la démocratie ! »
Cet argument de la légitimité, acquise par les 53% et une participation inégalée, les journaux, les télés et tous les politiciens nous l’ont sorti après le 6 mai. Leur discours s’est depuis enrayé, avec l’abstention massive des législatives, mais il ressortira à chaque fois qu’une mesure gouvernementale sera contestée par la rue.
Permettons-nous d’abord une comparaison avec les animaux de la ferme. Si les poules, les canards, les oies votaient, ils voteraient pour avoir un bon fermier afin que celui-ci leur donne du bon grain et les défende contre les renards. Pas plus que le fermier ne représente ses volailles, Sarkozy ne représente ceux qui l’ont élu.

- Sarkozy défend les intérêts de la grande bourgeoisie.

Son programme, ses idées, son mode de vie, ses amis, tout le montre ; son escapade sur le paquebot privé de Bolloré l’a d’ailleurs bien mis en évidence. Aussitôt élu, il s’est empressé de donner quelques premiers cadeaux à sa classe : réduction de cotisation de 900 millions d’heures supplémentaires, suppression de fait de l’ISF, réduction des droits de succession pour les gros patrimoines (les petits étaient déjà exonérés).
Mais pour se faire élire, Sarkozy a construit une base de bric et de broc, en combinant un discours anti-immigré à la Le Pen, un discours anti-fonctionnaire, un discours pour les vaincus de la société les assurant qu’ils ne seraient pas laissés seul, un discours pour la France qui se lève tôt, un pour les retraités etc... Il n’a pas caché son programme libéral. Mais il a enrobé les mesures dont a besoin la bourgeoisie d’un brouillard de mots pour les faire passer. La méthode : s’appuyer sur les jalousies et les intérêts égoïstes pour justifier de tailler dans les rangs des fonctionnaires, terroriser les sans-papiers, attaquer le droit de grève...
Et puis, comme les autres présidents élus avant lui, il a fait quelques promesses démagogiques. Exemple : un emploi pour tous avant la fin de son mandat. Au mieux, c’est bidon. Au pire, et il a oublié de le préciser, c’est la mise au travail forcé des Rmistes et des allocataires de l’ASSEDIC.
En l’absence de lutte, d’espérance collective, d’un parti communiste révolutionnaire, la perspective de la majorité est dans l’adaptation individuelle au cadre existant : un ordre inégalitaire et destructeur. Le succès de Sarkozy, c’est d’avoir avancé des promesses d’amélioration individuelles dans un cadre d’ensemble qu’il va dégrader. Pour le reste, il est élu pour 5 ans sans aucun contrôle possible. Et pendant 5 ans, il va se prévaloir de la légitimité des 53% pour gouverner en fonction des intérêts des capitalistes.

- Détruire la légitimité de Sarkozy en construisant la nôtre.
Que faire ? La première chose est de contester cette légitimité. Ce que ne font pas les partis de gauche de gouvernement qui s’inscrivent dans le système. Ce que ne font pas non plus les dirigeants des confédérations syndicales qui ont accouru aux convocations de Sarko et, au lieu d’en appeler à la bataille, se préparent à négocier le détail des reculs.
Si Sarkozy est illégitime, comment le mettre en évidence ? La démolition de sa légitimité prétendument acquise par le vote, se fera en construisant une autre légitimité. Celle venant de nos luttes. Les Modeluxe ont obtenu leurs papiers parce qu’en luttant, ils ont légitimé leur demande de régularisation et montré du doigt les vrais profiteurs : les patrons. Les intermittents ont montré qu’ils faisaient la richesse des villes festivalières en refusant collectivement d’y travailler à l’été 2003. Ils ont ainsi cassé l’image d’assistés que voulait donner d’eux le gouvernement. La légitimité du CPE est tombée par les manifestations de ceux qu’il était sensé « aider ». Les grévistes de Kronenbourg-Obernai, en lutte contre les heures sup obligatoire, alors que la direction venait de fermer une autre usine, dévoilent aujourd’hui la réalité du « travailler plus pour gagner plus » : une machine à fabriquer du chômage.
Au-delà des luttes particulières, c’est la légitimité du capitalisme qu’il faut abattre en défendant la légitimité des revendications contre le parasitisme des actionnaires et de tous les exploiteurs. Celle de nos intérêts de travailleurs contre l’idéologie de la réussite individuelle des Sarkozy, des Bush, des Berlusconi. Et, en définitive, en défendant la légitimité de la propriété collective communiste contre la propriété privée capitaliste.
Neutraliser la légitimité de Sarkozy se fera en tissant les solidarités avec tous ceux qui sont attaqués ou réprimés. La légitimité de nos besoins, de nos espoirs d’une vie meilleure et de nos rêves d’une société débarrassée des rapports marchands, c’est par l’organisation et la bataille que nous la construirons, en donnant une perspective collective à tous les travailleurs qui ne raisonnent qu’individuellement.

A lire dans Partisan 214 :

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- Sarkoland : Dis-moi qui sont tes amis, je te dirai quelle classe tu sers !
- Sarkozy-Fillon : Quelles ruptures ?
- Répression : Action Directe, (n)CPI, Sans-papiers...
- Meeting CGT : Côté pile, côté face - Pénibilité au travail
- Opposition syndicale : Compte-rendu du forum du 26 mai
- Unité syndicale : Le 5e Conseil International des Travailleurs de l’Automobile
- Femmes : Déclaration des femmes sans-papiers de Valence
- Impérialisme : Le co-développement est une imposture
- Europe : Salaires à l’Est - G8
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- Marxisme : La nécessité de comprendre les lois de l’Histoire
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