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Grand succès du meeting international à Athènes pour le Centenaire de la Révolution d’Octobre

Le week-end du 4 et 5 novembre 2017, le Parti communiste de Grèce (marxiste-léniniste) - KKE(m-l) était à l’initiative d’un meeting et d’une manifestation de commémoration du centenaire de la Révolution d’Octobre 1917 à Athènes en Grèce. L’OCML VP y a participé aux côtés du KKE(m-l), du ML-KKE (Grèce), du TKP/ML (Turquie) et de l’IARKP (Autriche).

Cet événement a débuté le samedi matin par une manifestation dans les rues d’Athènes pour la défense des idées communistes et des leçons d’Octobre 1917.

Puis, c’est dans un amphithéâtre bondé de plusieurs centaines de personnes à la Faculté d’économie d’Athènes que les militants de l’OCML VP ont apporté leur contribution aux débats de la conférence internationale pour les 100 ans de la Révolution d’octobre.

Le peuple grec vit une situation économique et sociale dramatique. Le gouvernement social-démocrate du parti Syriza et de son premier ministre Tsipras, élu sur la promesse de résister aux exigences des créanciers impérialistes, a au contraire suivi la même voie docile que les gouvernements précédents. La pauvreté et le chômage touchent de très larges secteurs de la population. Les militants communistes ne sont pas mieux lotis que le reste de la population.

Malgré tout, les communistes de Grèce continuent leur travail d’organisation du prolétariat et du peuple au sein de leurs organisations de masse ouvrières, étudiantes, féminines, et du front « Résistance populaire - Coopération de la gauche anti-impérialiste » avec un autre parti communiste, le M-L KKE (Parti communiste marxiste-léniniste de Grèce). Nous avons rencontré des organisations communistes massivement investis par les jeunes, par les femmes, avec un niveau général de discussion et de réflexion politique et théorique impressionnant.

La première partie des débats a portée sur les apports théoriques et politiques de la Révolution russe au mouvement révolutionnaire : nécessité de la construction d’un parti d’avant-garde, lutte contre l’opportunisme, défaitisme révolutionnaire, soutien aux luttes des peuples dominés, alliance ouvrière et paysanne... les Communistes soviétiques ont montré qu’ils ont eu raison de suivre leur voie à contre-courant, qu’ils avaient compris les nécessités de la lutte révolutionnaire à l’époque de l’impérialisme. L’OCML-VP n’avait pas proposé de contribution sur ce thème, mais celles de nos camarades grecs, turcs et autrichiens ont synthétisés la contribution de la révolution russe à la révolution prolétarienne.

Sur le thème des réalisations du pouvoir soviétique, l’OCML-VP a porté une contribution sur le rôle des femmes dans la Révolution bolchevik : doublement opprimées sous le tsarisme, les ouvrières furent aux avant-poste de la révolution. Le régime soviétique fut le premier à mettre en pratique le programme révolutionnaire d’émancipation des femmes ouvrières et paysannes, à leur accorder par exemple le droit à l’IVG à une époque où en France des « avorteuses » pouvaient être condamnées à mort...


Les femmes dans la Révolution bolchevik
Intervention de l’OCML VP

En Russie, avant 1917, les femmes constituaient un tiers de la main d’oeuvre industrielle. Leurs conditions de travail étaient miséreuses. Leurs salaires étaient en moyenne inférieur de 50% à celui des hommes. Elles travaillaient 11 à 12 heures par jour, ramenaient parfois du travail à la maison. Il n’y avait pas de crèche, la mortalité infantile était très élevée. Comme il n’y avait pas de congé maternité, il arrivait souvent que les "ouvrières tentent de cacher leur état jusqu’à ce que l’écume leur sortit de la bouche et l’enfant naissait sur l’établi. Après l’accouchement, on reprenait le travail." leur absence pendant l’accouchement leur coûtait une amende. En cas de chômage, elles étaient les premières licenciées. Les femmes prolétaires étaient souvent illettrées. A la campagne, les paysans, qui représentaient 80% de la population, venaient d’être libérés du servage. Le patriarcat y régnait en maitre, l’ignorance et les superstitions y visaient les femmes.
Comme l’écrivait le poète russe Nékrassov :
"La destinée vous a réservé trois parts amères :
- La première, c’est d’épouser un esclave,
- La deuxième, c’est d’être mère du fils d’un esclave,
- La troisième, c’est d’obéir pendant toute votre vie à un esclave."

La prostitution était un des ultimes recours pour les femmes, les bordels étaient bénis par les prêtres. Mais pendant la guerre, les femmes durent assumer les travaux des hommes qui étaient au front, elles apprenaient de nouveaux métiers. Mais à leur retour, l’ordre ancien pouvait difficilement être rétabli.
Les femmes dans l’industrie connaissaient le programme du Parti bolchévik qui réclamait "à travail égal, salaire égal", des crèches et des congés maternité. Des centaines de femmes avaient rejoint le parti : elles pouvaient être agitatrices, dirigeantes, agents de liaison...
En 1914 à St Pétersbourg, le journal "Rabotnitsa" (Femme ouvrière) avait été créé par les bolchéviks à l’initiative de Nadia Kroupskaïa et Inessa Armand. Pour cela il avait fallu vaincre les résistances d’une partie des membres du parti. Le premier numéro a été publié pour la Journée internationale des femmes travailleuses, le 8 mars 1914. Les membres du comité de rédaction furent emprisonnés la veille.
Début 1917, le prolétariat de Pétrograd se révolta, rejoint par les ouvrières du textile dans plusieurs fabriques. L’armée refusa d’ouvrir le feu contre les manifestantes. C’était la révolution. Le 27 février 1917, le pouvoir du Tsar n’était plus.
Une "Première conférence des ouvrières de l’agglomération de Pétrograd" fut organisé par Rabotnitsa en octobre 1917. Le journal soutenait le journée de travail de 8 heures, la création de crèches, l’interdiction du travail des enfants.

Le premier gouvernement soviétique et le Code de la famille de 1918

Dès le début de la révolution, des débats ont lieu, surtout dans la jeunesse, sur la sexualité, les rapports dans le couple, la famille, tout cela en lien avec une politique socialiste. Pour Lénine comme pour les bolchéviks, l’égalité devant la loi n’est pas suffisante, l’émancipation passerait par de profondes transformations de tous les aspects de la vie. Après la prise du pouvoir, des décrets autorisèrent le mariage civil, le divorce à la demande d’un des partenaires. Le "Code sur le mariage civil, la famille et la garde des enfants" fut ratifié en octobre 1918. La pénalisation de l’adultère comme de l’homosexualité furent supprimés du Code pénal, de même que l’autorité du père de famille, qui disparaissait du Code civil. En 1920, l’avortement était légalisé, pour la première fois dans le monde. Mais les conditions dans lesquelles étaient effectuées ces réformes restaient très difficiles, le pays manquait de tout : anesthésiants, produits d’hygiène. Des pauses furent instituées pour permettre l’allaitement durant le travail, et le travail de nuit fut interdit aux femmes enceintes.

La mobilisation des masses féminines par le Jenotdel

Le Jenotdel (abréviation russe pour "Section des femmes du Parti") fut créé avec un journal mensuel, Kommunistka. Il fut dirigé par Inessa Armand, puis à sa mort par Kollontaï. Le journal militait pour l’amélioration des conditions de vie des femmes en Union soviétique. Il avait pour mission de toucher toutes les femmes du pays.
"Le pouvoir soviétique, le pouvoir du prolétariat, ouvre largement les portes devant la femme, et lui donne la possiblité absolue de s’émanciper. La constitution soviétique a déjà doté les femmes de tous les droits politiques et civiques. Les ouvrières, les paysannes, jouissent des même droits de vote que l’ouvrier et le paysan. Elles peuvent au même titre que les hommes élire et être élues ; elles peuvent occuper l’emploi qui leur convient dans les comités d’usine, dans les institutions soviétiques, jusqu’à celui de commissaire du peuple. La socialisation de la production, l’expropriation des capitalistes et des grands propriétaires, mènent à un anéantissement complet de toute exploitation et de toute inégalité economique. En Russie soviétique, l’ouvrière à la fabrique, à l’usine, n’est déjà plus une esclave salariée, mais une maitresse nantie de tous les droits qui, ensemble et de pair avec l’ouvrier, par l’intermédiaire des institutions soviétiques et des syndicats, organise, administre, dirige toute la production et la répartition. Il en est de même de la famille et du mariage. Le pouvoir soviétique a déjà réalisé l’égalité complète des droits du mari et de la femme. Le pouvoir du mari, du père, n’existe plus. Les formalités du mariage et du divorce ont été réduites au minimum, à de simples déclarations des personnes intéressées. Le pouvoir soviétique a supprimé toute différence de droits entre l’enfant légitime et l’enfant illégitime." écrit Inessa Armand dans le Bulletin communiste en 1920.

Le Jenotdel était composé entre autre de déléguées ouvrières élues pour 3 à 6 mois. A la fin de leur mandat, elles parcouraient des milliers de kilomètres vers les usines et les villages pour faire campagne pour la révolution. Elles utilisaient des trains d’agit-prop, faisaient des affiches, pièces de théâtre, luttaient pour l’alphabétisation. Mais cela n’allait pas sans difficultés. A la campagne, en Asie Centrale, le bolchévisme était synonyme "d’athéisme, de licence sexuelle, de destruction de la famille." Et même dans le Parti, nombreux étaient ceux qui exigeaient dans leur foyer "le repos et le confort", au prix du "sacrifice quotidien de [leur] épouse dans mille petits riens."

A travail égal, salaire égal !

"Elles forment un tiers des effectifs de l’industrie, des transports, des communautés agricoles et kolkhozes et des services publics. Le gouvernement des soviets a réalisé le principe : "A travail égal, salaire égal", mais le manque de qualification professionnelle des travailleuses a malheureusement conduit au fait que la majorité des femmes dans notre république continuent dans les premières années après la Révolution à exécuter des travaux non qualifiés et mal payés." La réglementation deu travail interdit "aux femmes l’accès à des travaux où il est nécessaire de soulever des charges dépassant dix livres. Mais toutes ces instructions de travail pour nos hommes et nos femmes demeurent le plus souvent lettre morte. Au départ, nos délégués ouvriers et paysans veillaient à l’application stricte de ces instructions. Mais la situation chaotique de notre économie nationale et la pénurie de main d’oeuvre ne permirent pas cette mise en application." Ainsi parlait Alexandra Kollontaï à l’université Sverdlov en 1921, à la Onzième conférence sur la libération des femmes.
Dans cette période, la vie était dure, l’impérialisme envoyait ses troupes afin d’étouffer la jeune révolution. Pour les bolchéviks, la santé des travailleurs et travailleuses était une question pressante, mais les moyens matériels manquaient, il y avait peu de machines, beaucoup de travaux se faisaient encore à la main. Devant le peu de nourritures, des cantines collectives furent créées, l’éducation des enfants sociabilisée, et tout le monde pouvait se nourrir même si il y avait peu, et les femmes pouvaient aller au travail sans que leurs enfants soient livrés à la rue. Devant la pénurie, les logements furent également partagés. On assistait à un mode de vie plus collectif qui permettait aussi de partager les tâches ménagères.

La NEP

Avec la NEP, à partir de 1921, fut mise en place une relative libéralisation économique. Cette libéralisation était instaurée afin de redynamiser les échanges entre la ville et la campagne. Dans les campagnes traditionnellement plus conservatrices, ce capitalisme privé défavorisait les femmes : moins de crèches, luttes pour l’héritage... Cette période fut aussi l’objet de luttes politiques dans le Parti. Cette lutte traversa aussi le Jenotdel. En 1926 fut voté un nouveau Code de la famille. Ce Code fut le résultat de nombreux débats. On ne parlait plus de supprimer le mariage, mais de faciliter le divorce à la demande d’un des conjoints sans passer par un tribunal. Certains hommes eurent peur que la famille n’existe plus, des femmes craignirent que ce divorce express ne permette aux hommes de ne pas remplir leurs responsabilités familiales. Par quoi remplacer la famille bourgeoise ? Le débat n’ira pas plus loin. La fin de la NEP, l’industrialisation au pas de course imposèrent la construction de nouvelles crèches, de restaurants collectifs : il fallait que les femmes soient disponibles pour la production, tout en permettant leur libération relative des tâches ménagères.

Retour en arrière à partir de la fin des années 1930

En 1930, le Jenotdel est supprimé par le parti, même si on est conscient que le travail n’est pas fini : "Le processus de construction du socialisme se développe à pas de géant. Faut-il copier l’Occident ? Avec toutes leurs éponges et poêles à frire, la bourgeoisie asservit encore davantage les femmes et les lie de plus en plus à la cuisine. Lénine nous a enseigné ceci : la véritable émancipation des femmes et le vrai travail communisme ne commencent qu’avec la lutte des masses contre les petits ménages individuels ou, plus précisément, par leur transformation socialiste généralisées."(A. Artiukhina, 18 janvier 1930).

Avec l’industrialisation rapide des années 1930, les conditions de travail des hommes comme des femmes se dégradent. On assiste à un renversement des tendances formulées dans les années 1920. Un arrêté de 1935 renforce la responsabilité des parents pour les agissements des enfants. Le 27 juin 1936, un arrêté conjoint du Comité central du Parti et cu Conseil des Commissaires du Peuple interdit l’avortement. La femme a désormais "le devoir élevé et la responsabilité de la procréation et de l’éducation des citoyens." De modestes aides à l’enfance et la maternité sont introduites. La maternité n’est plus un fonction sociale librement assumée, mais un devoir social envers l’Etat. En 1934, l’homosexualité masculine est re-criminalisée. En 1943, l’enseignement scolaire mixte est supprimé.
La lutte pour le libération des femmes a suivi les hauts et les bas de la Révolution soviétique. Les femmes avaient surmonté les famines, les misères de la guerre civile. En même temps qu’elles élevaient leurs enfants, elles construisaient le socialisme. "Chaque cuisinière doit apprendre à gouverner l’Etat" disait Lénine en 1917. La Révolution soviétique nous lègue les oeuvres de Kollontaï, Kroupskaïa, Armand... les femmes soviétiques qui ont joué un rôle majeur pendant la Seconde guerre mondiale sont les héritières des femmes de la Révolution de 1917. Mais avec la formation d’une nouvelle bourgeoisie, dès les années 1930, la cause des femmes va régresser. Les femmes se retrouvent cantonées à leur rôle traditionnel dans la société bourgeoise. Cependant, "La libération de la femme ne peut s’accomplir que par une transformation radicale de la vie quotidienne. Et la vie quotidienne elle-même ne sera changée que par une modification profonde de toute la production, sur les bases de l’économie communiste. Nous sommes témoins aujourd’hui de cette révolution dans la vie quotidienne, et c’est pourquoi la libération pratique de la femme fait désormais partie intégrante de notre vie." (A. Kollontaï).


Enfin, la dernière partie de la Conférence portait sur les raisons et les leçons de la restauration du capitalisme en URSS. L’OCML-VP porte un point de vue encore minoritaire sur cette question dans le mouvement communiste international, considérant que la bourgeoisie avait repris l’ascendant dans la société soviétique dès les années 30. Les différents points de vue entre les organisations participantes ont suscités de vifs débats, tout en restant dans le cadre de la camaraderie.


La restauration capitaliste : causes et effets
Intervention de l’OCML VP

Nous savons tous que la révolution c’est une classe qui arrache le pouvoir à une autre. Mais que doit-il y avoir après ? Nous répondons : un appareil d’Etat entièrement nouveau, instrument de la dictature du prolétariat, qui organisera, durant une longue phase de transition du capitalisme au communisme, l’exercice du pouvoir par les travailleurs eux-même et le dépérissement de l’Etat. L’expérience historique nous enseigne qu’il n’est pas si facile de construire cet Etat nouveau. Et surtout qu’il est lui-même porteur de contradictions et source de dégénérescences.

Le nouvel Etat issu d’Octobre représente un pouvoir inédit : celui des soviets, de la dictature révolutionnaire du prolétariat. Le chemin que parcourt la Révolution russe après Octobre n’est pas moins sinueux que sa longue marche vers le pouvoir. Elle constitue le premier coup de boutoir véritable contre l’ancienne société et les premiers pas d’une révolution prolétarienne victorieuse. A ce titre elle eu tout à apprendre. Elle fut imparfaite, commis des erreurs, et la contre-révolution eu finalement raison d’elle. Mais son mérite indiscutable, son oeuvre historique, ce fut d’avoir existé.

Dans “l’Etat et la Révolution”, Lénine rappelle que les deux institutions les plus caractéristiques de la machine d’Etat sont la bureaucratie et l’armée permanente, et que les premiers décrets de la Commune de Paris ont été leur remplacement par le peuple en arme, l’instauration de fonctionnaires élus et révocables payés comme les ouvriers, la suppression du parlementarisme, etc. Dans un Etat prolétarien, au contraire, dans la mesure où la distance qui sépare l’Etat de la société civile a été effectivement réduite, alors on a un Etat de type nouveau, qui n’est déjà plus tout à fait un Etat. Ayant pris le pouvoir, la classe ouvrière se dote d’un Etat pour lutter “d’en haut” pour le Communisme.

Mais pouvoir réaliser cela n’est pas simple. Prenons l’exemple de la Russie de Lénine justement. L’urgence, les difficultés inouies, mais aussi le manque de conscience et d’éducation du prolétariat aliéné, par ailleurs numériquement faible à l’échelle du pays, nécessitèrent des mesures draconiennes. L’Etat du prolétariat ne pourra jamais s’édifier “idéalement” à partir de rien. Il n’y a que les idéalistes pour prétendre que les Bolchéviks n’auraient pas dû prendre des mesures radicales pour sauver le pouvoir soviétique.

Quelles sont les difficultés qui se présentent tout de suite après la prise du pouvoir dans le domaine de la reconstruction d’un nouvel Etat ? Entre 1918 et 1921, repousser les assauts des Blancs et des puissances impérialistes coalisées, lutter contre la famine et assurer le rétablissement d’un fonctionnement minimal d’une économie ruinée exigent de tout subordonner à ces deux tâches. Dans ce cadre inouï de désordre et de destruction, que signifie le “pouvoir des soviets” ?

Le prolétariat n’est pas en mesure de “simplifier” l’appareil d’Etat autant qu’il ne faudrait. Il ne suffit pas, rappelle Lénine, de nationaliser et de confisquer “Plus que nous n’avons réussi à compter”, c’est à dire plus que ce que le prolétariat peut effectivement contrôler et gêrer lui-même. Cette incapacité du prolétariat explique qu’un appareil administratif se substitue en partie à lui, appareil constitué au départ de ceux qui ont le savoir faire. Dès le lendemain d’Octobre, le gouvernement provisoire exproprie un certain nombre d’entreprises industrielles et commerciales, mais pour les Bolcheviks la priorité n’est pas d’étendre les expropriations. Il s’agit de construire un Capitalisme d’Etat sous le contrôle des soviets ouvriers et paysans. A cette étape, les comités d’usine ont un rôle de contrôle et non de direction : la bourgeoisie reste en possession d’une partie des moyens de production tout en étant soumis à l’Etat soviétique.

Par ailleurs, il n’est pas facile de transformer l’action dispersée des milliers de comités d’usine en un contrôle ouvrier centralisé et coordonné. Sans cette centralisation, l’action des comités d’usine ne pouvait s’effectuer que de manière anarchique, c’est à dire à travers le marché et la concurrence. Au cours de l’hiver 1917-1918, cette anarchie aboutie même à une paralysie de l’économie. Beaucoup d’ouvriers souffrent d’un “égoïsme d’entreprise”, qui s’appuie sur l’idéologie petite-bourgeoise. Cette idéologie est soutenue par les mencheviks, les anarchistes et les SR (Socialistes-révolutionnaires). Le décret sur le contrôle ouvrier de novembre 1917 insère ces comités et conseils d’usine dans le système soviétique en les soumettant au contrôle d’instances supérieures aux échelles locales, régionales et nationales.

Le pouvoir central est exercé d’abord par le Conseil des commissaires du peuple, gouvernement de coalition, puis directement par le Comité central du Pati bolchévik. Dès 1918 l’armée permanente doit être rétablie pour faire face aux attaques impérialistes. Le pouvoir bolchévik doit à tout prix réutiliser certains officiers tsaristes, ainsi que de nombreux autres spécialistes de l’ancien régime (ingénieurs, etc.) qui sous le tsarisme s’étaient appropriés le savoir. Face à la contre-révolution, des décisions radicales s’imposent, comme le rétablissement d’une police professionnelle (La Tchéka) aux pouvoirs extraordinaires. Face à la désorganisation dans les campagnes, pour éviter la famine, les fonctionnaires du Commissariat au ravitaillement reçoivent le droit de casser les décisions des Soviets locaux.

On constate que, peu à peu, devant les nécessités de la guerre et du ravitaillement, les comités d’usine et le système de contrôle ouvrier perdent totalement leur autonomie vis-à-vis des organes administratifs centraux. Le Comité central des soviets se trouve dessaisi du pouvoir exécutif au profit des organes dirigeants du Parti.

Par ailleurs, le Parti lance en mars 1918 des mots d’ordre centrés sur les tâches de gestion et d’administration : exigeance de dicipline sans réserve de la part des ouvriers, consentement à payer cher les services des spécialistes bourgeois, introduction du système tayloriste... Mais le compromis avec certaines couches sociales de l’ancien régime est une source de dégénérescence. C’est ce que constate Lénine au IVe congrès de l’Internationale Communiste en 1922 : “Nous avons hérité de l’ancien appareil d’Etat et c’est là notre malheur. L’appareil d’Etat fonctionne bien souvent contre nous. […] nous avons maintenant d’énormes masses d’employés, mais nous n’avons pas d’éléments suffisament instruits pour diriger efficacement ce personnel. En fait, il arrive très souvent qu’au sommet, où nous avons le pouvoir d’Etat, l’appareil fonctionne tant bien que mal, tandis que là-bas, à la base, ce sont eux qui commandent de leur propre chef, et ils le font de telle sorte que bien souvent ils agissent contre nos dispositions. […] à la base il y a des centaines de milliers d’anciens fonctionnaires, légués par le Tsar et la société bourgeoise, et qui travaillent, en partie consciemment, en partie inconsciemment, contre nous.”

Dès 1918, la Révolution est confrontée à la réalité d’une dictature au nom du prolétariat mais qui s’exerce en réalité à travers le Parti bolchévik. Les Soviets, qui devraient être les organes d’un gouvernement ouvrier, sont en réalité des organes de gouvernement assuré par la couche la plus avancée du prolétariat. Vu les conditions de la Russie à l’époque, ce processus de “dérive” est en partie naturel et inévitable pour faire face aux défits urgents auquels est confronté le pouvoir soviétique. Mais en même temps, il s’accomplit de manière très rapide et incontrôlée, le parti bolchévik ne maitrise pas ses conséquences sur la bureaucratisation. Les appareils d’Etat ne sont plus sous le contrôle des soviets, qui perdent de leur substance. Le contrôle ouvrier se délite. Les ouvriers les plus actifs et politisés ont été absorbés par les tâches au sein du Parti, des syndicats, de l’Etat, et surtout sont enrôlés en masse dans l’armée.

Le “Communisme de guerre” à partir de juin 1918, renforce toutes ces tendances avec la militarisation de l’économie. La victoire de l’Armée rouge dans la guerre civile atteste du triomphe du prolétariat sur ses anciens maîtres. Mais elle a saigné à blanc le prolétariat qui a fortement diminué du fait de la guerre, de la famine, et aussi de la désintégration partielle de la production. Le nombre d’ouvriers d’industrie a diminué de près de moitié entre 1917 et 1922. La classe ouvrière n’a alors plus grand chose à voir entre ces deux dates, ni matériellement, ni politiquement, ni idéologiquement. La solidité de la dictature du prolétariat n’est pas principalement déterminée par la quantité d’ouvriers dans un pays. Mais la disparition physique de la classe ouvrière soviétique ne peut rester sans incidences sur ses capacités à exercer sa dictature. Il l’a aussi contraint de s’écarter de la lutte politique, idéologique, économique.

Il se développe peu à peu au sein de l’Etat et du Parti les germes d’un groupe social aux contours indécis, au rôle de direction dans la division sociale du travail. Cette couche bourgeoise naissante prend forme parmi les nouveaux et anciens fonctionnaires, les spécialistes et techniciens, les responsables communistes des organes du Parti, des syndicats, des soviets. En octobre 1919, le Parti compte certe 52% d’ouvriers et 15% de paysans, mais plus de 60% d’entre eux sont fonctionnaires du Parti, du gouvernement ou des syndicats, et 27% sont dans l’Armée rouge. La NEP, à partir de septembre 1921, est considérée comme un retour au Capitalisme d’Etat de 1918, dont les anciennes mesures sont maintenues, avec en plus la concession d’entreprises à des capitalistes, le développement des coopératives, une libéralisation des échanges. Pour Lénine, ce capitalisme d’Etat géré par le pouvoir soviétique ne serait plus capitaliste au sens habituel : contrôlé par l’Etat prolétarien, il ne pourrait pas “déborder le cadre et les conditions qui lui ont été fixées par le prolétariat”... mais le problème était que la mainmise du prolétariat sur cet Etat était déjà défaillante.

Le prolétariat a été inexorablement dépossédé de son pouvoir politique et économique : par la persistance des anciennes habitudes, par les nouveaux privilégiés, par la bureaucratie d’Etat... bref par la couche bourgeoisie naissante et par les rapports bourgeois en général. Cette bourgeoisie soviétique est le produit des luttes de classes et des conditions économiques politiques et sociales des premières années de la Révolution. Elle est en germe dans les mesures mises en place durant le Communisme de guerre, qui étaient en partie nécessaires, mais dont l’évolution ne fut pas maîtrisée. En 1918 les bolchéviks sous-estiment le danger d’une contre-révolution d’exploiteurs qui ne s’approprieraient pas les moyens de production de manière individuelle, mais en bénéficieraient collectivement par l’intermédiaire de l’intérieur de l’Etat soviétique. Ce qui en 1918 n’est qu’un danger potentiel se métamorphose en une tendance sociale profonde au fil des ans, par la jonction des cadres communistes bureaucratisés, une partie de la bourgeoisie et petite-bourgeoisie de l’ancien régime qui a été récupérée, les “Nepmen”... La Révolution d’octobre ayant victorieusement remplacé la propriété privée par l’appropriation collective d’Etat, la nouvelle bourgeoisie ne pouvait prendre le dessus de la même manière qu’une contre-révolution blanche classique et reconstituer une classe de propriétaires privés. Le processus de contre-révolution s’est donc développé camouflé à l’intérieur même de l’Etat et du Parti au nom du Socialisme. Cette nouvelle bourgeoisie qui mène sa marche sans conflit ouvert avec le prolétariat s’appuie :
a) Sur la base économique des rapports de production dominants du Capitalisme d’Etat, établis depuis 1918 puis renforcés par la NEP ;
b) Sur les appareils de l’Etat, où s’enracine une classe de propriétaires collectifs des moyens de production.
La politique mise en oeuvre pour détruire en priorité l’ennemi principal (le capital privé et la petite production) a développé un autre ennemi tout aussi dangeureux, le capital d’Etat : l’ennemi est le Capitalisme, sous toutes ses formes et dans tous les domaines.

Certe, la constitution soviétique de 1924 fixe un certain nombre de principes pour assurer la dictature du prolétariat. Par exemple, le droit de vote et d’être élu est retiré “aux personnes qui emploient des salariés dans le but d’en tirer un profit, les personnes qui jouissent de revenus qui ne viennent pas de leur travail, les fonctionnaires et agents de l’ancienne police.” Elle fixe un représentant dans les soviets pour 25 000 électeurs dans les villes, et un pour 125 000 dans les campagnes, pour assurer la prééminence du prolétariat sur la paysannerie. Elle remet entre les mains des paysans pauvres et de la classe ouvrière toutes les ressources techniques et matérielles nécessaires à la production de journaux, livres, et garanti leur liberté de diffusion. Elle met à leur disposition tous les locaux convenables pour l’organisation des réunions politiques. Elle déclare le travail obligatoire pour tous les citoyens, et accorde tous les droits politiques aux étrangers résidant sur le territoire. Il ne s’agit pas de reconnaitre des droits formels égaux pour tous, mais de garantir une base matérielle pour permettre l’exercice du pouvoir par certaines classes.

Mais il ne faut pas en rester là : ce serait croire qu’une Constitution, des lois, seraient suffisants pour assurer la victoire du prolétariat. Le problème est que la majorité ne peut être immédiatement consciente de ses tâches. La démocratie telle qu’elle existe sous la dictature du prolétariat a pour enjeu l’éducation de la classe ouvrière elle-même aux tâches d’exercer réellement le pouvoir ainsi que la persuasion des masses intermédiaires hésitantes. La capacité d’entraîner les masses à édifier le Communisme que les libérera dépend de la ligne politique mise en oeuvre par le Parti : de sa capacité à déterminer, à chaque étape de l’édification socialiste, quelle transformation est à l’ordre du jour qui puisse entraîner les masses laborieuses à lutter contre la bourgeoisie.
Les Communistes ne doivent jamais perdre de vue l’objectif de transformer l’Etat soviétique. D’abord ils organisent la lutte pour le contrôle des fonctionnaires et cadres par les ouvriers. Contrôle qui a non seulement pour but de les surveiller, mais aussi d’apprendre, de s’initier à la gestion des affaire, afin que les ouvriers puissent exercer le pouvoir, progressivement, au lieu et place de l’appareil spécialisé de fonctionnaires professionnels.

Sous le socialisme, la superstructure joue un rôle actif pour la transformation des rapports sociaux. C’est pour cela que le Parti et l’Etat ne peuvent être considérés, comme le font les révisionnistes, comme des instruments purement techniques, dont il s’agirait de renforcer “l’efficacité”. L’Etat représente certe le pouvoir d’une classe, mais il acquiert toujours une certaine autonomie par rapport à lui. L’Etat prolétarien ne peut être d’emblée l’organisation de toute la classe en classe dirigeante mais simplement de ses représentants. Un ouvrier ministre n’est plus ouvrier, mais ministre. Il s’agit donc toujours avec l’Etat prolétarien d’une division sociale du travail entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés. Cela existe même si l’Etat soviétique réduit déjà considérablement la distance entre l’appareil et les masses. Il y a par ailleurs toujours coexistence de différentes formes de propriétés entre lesquels l’échange est toujours celui de la marchandise, contradictions entre travail manuel et travail intellectuel, entre dirigeants et dirigés, entre ouvriers et paysans... Ces divisions sont source de reproduction d’une classe bourgeoise.

Lénine préssentait ce phénomène : “Notre pire ennemi intérieur, c’est le bureaucrate, le communiste qui occupe dans les institutions soviétiques un poste responsible, entouré du respect de tous, un homme consciencieux. […] Il n’a pas appris à lutter contre la papasserie, il ne sait pas lutter contre elle, il la couvre. Nous devons nous débarasser de cet ennemi, et avec le concours de tous les ouvriers et paysans conscients nous parviendrons jusqu’à lui.”

L’Etat prolétarien doit être un instrument permettant de réduire les inégalités, mais il est bien obliger de tolérer voir de protéger les stigmates du Capitalisme qu’il ne peut pas supprimer par simple décret. C’est là le terrain de la lutte de classe au sein de l’Etat. Les tenants de la voie capitaliste lutteront pour le maintien de ces inégalités.

On voit que la question de l’Etat se pose ainsi : il est un instrument de la révolution par en haut, qui donne les moyens matériels au prolétariat de son pouvoir. Mais en même temps il reste une “machine d’Etat”, qui protège et reproduit la bourgeoisie dans une certaine mesure. Il faut donc que les masses utilisent les moyens que leur garantit le pouvoir d’Etat contre cet Etat pour le transformer et le faire dépérir. Et ce n’est pas facile que de transformer les soviets ouvriers en organes effectifs du pouvoir.

Devant les problèmes, la voie révisionniste consiste à mettre en place de nouveaux appareils pour contrôler les premiers. Mais ça ne fait que renforcer le mal, en séparant encore plus l’appareil des masses, en renforçant la position des cadres et spécialistes, au final le vivier de restauration de la bourgeoisie.

En 1921, Lénine énonça que l’Etat soviétique n’était pas purement “ouvrier”, et le prolétariat devait à la fois le défendre et se défendre contre lui. Il parle “d’Etat ouvrier à déformation bureaucratique”. Pour mener ce combat, Lénine accordait toute l’importance à l’éducation du prolétariat. Pas une éducation purement théorique et technique, qui ne pourrait à elle seule que transformer certains ouvriers en nouveaux “spécialistes” qui se transformeraient eux-même en cadres coupés des masses puis en nouveaux bourgeois. Mais une éducation allant dans le sens de la création d’un homme nouveau, non coupé de la production, du prolétariat, de la lutte de classe. C’est en ce sens que Lénine proposera de mettre en place une “Inspection ouvrière et paysanne”, créée en 1920 pour entrainer les ouvriers à contrôler l’appareil d’Etat et apprendre à le gérer eux-même. La paix étant revenue, la tâche immédiate doit être de s’atteler à transformer l’Etat, que les masses s’emparent elle-mêmes, pour commencer, de son contrôle. Il écrit : “Il faut améliorer les conditions générales d’existence pour que des milliers et des centaines de milliers de travailleurs passent par l’école de l’Inspection Ouvrière et Paysanne et apprennent à gérer l’Etat (car personne ne nous a enseigné cela) et puissent remplacer les centaines de milliers de bureaucrates bourgeois.”
La voie à suivre est celle du renforcement de l’exercice du pouvoir réel par le prolétariat d’abord, puis à sa suite par les masses laborieuses. Le pouvoir du Parti s’élargit progressivement au pouvoir du prolétariat conscient, puis des larges masses laborieuses. La dictature du prolétariat devient vraiment l’exercice du pouvoir par le prolétariat au fur et à mesure qu’il est capable de suppléer lui-même l’appareil d’Etat.

On trouve ainsi chez Lénine les bases de la continuation de la lutte des classes sous le socialisme qui seront résumées plus tard en Chine par la “lettre en 25 points du Parti communiste chinois” :
a) Les anciens exploiteurs essaient de reconquérir le pouvoir,
b) L’ambiance petite-bourgeoise engendre chaque jour de nouveaux éléments bourgeois,
c) L’encerclement impérialiste détermine aussi la lutte de classe,
d) Dans les rangs du parti et de l’Etat on voit apparaitre de nouveaux éléments bourgeois.

Nous n’avons pas étudier plus en détail les luttes de classe en URSS entre le milieu des années 1920 et le milieu des années 1930. Cependant, nous pensons que ce sont des conceptions bourgeoises qui président à l’élaboration de la Constitution soviétique de 1936, qui parle “d’Etat du peuple entier”, niant sa nature contradictoire. Au cours des années 1930, la bourgeoisie est devenue la classe dominante en URSS. Lorsqu’il est affirmé en 1936 que “toutes les classes exploiteuses ont été liquidées”, c’est manifestement faux. Dans une société où subsiste la loi de la valeur, les échanges marchands, la division manuel/intellectuel, il est faux de prétendre que la question de savoir qui l’emportera est définitivement résolue. Au 19e congrès du Parti communiste d’Union sovietique, en 1952, il sera affirmé qu’il n’existe plus de classe antagoniques et que la distance entre les groupes sociaux diminue de plus en plus. Les déclarations des responsables du Parti abondent entre 1936 et 1952 dans le sens de l’identification des intérêts de la révolution au renforcement de l’Etat et au développement des forces productives. Il est dit encore au 19e congrès que les qualités d’un communiste sont de “placer les intérêts de l’Etat au dessus de tout.”

Dans le domaine de la base économique, ce qui frappe chez les théories révisionnistes n’est pas seulement leur insistance à mettre en avant la production marchande, la loi de la valeur, le maintien de la division sociale du travail, mais aussi qu’elles refusent d’envisager qu’il faille la lutte de classe pour éliminer ces manifestations du capitalisme.

Staline avait soutenu cette thèse en 1936 en déclarant “la tâche essentielle de notre Etat consiste à faire un travail paisible d’organisation économique, de culture et d’éducation”. Il avait commencé à la critiquer dans “Les problèmes économiques du socialisme” (écrit en 1952), en répliquant à Iarochenko qui déclarait lui que “L’économie politique a pour objet non pas les rapports de production sous le socialisme, mais l’élaboration et le développement d’une théorie scientifique des forces productives, d’une théorie de la planification nationale, etc.” Staline lui rétorquait justement que “Remplacer dans l’économie politique du socialisme les problèmes économiques par les problèmes de l’organisation des forces productives, cela revient à abolir l’économie politique du socialisme...(laquelle) étudie les lois du développement des rapports de production entre hommes.”

Mais Staline, tout en posant dans cette phrase que le socialisme dans le domaine économique c’est la transformation révolutionnaire des rapports de production, n’a pas effectivement engagé la lutte dans cette voie. “Les problèmes économiques du socialisme” limite la lutte pour la transformation des rapports de production à la lutte pour la transformation des formes de propriété. Pour lui, si ces rapports sont encore imparfaits en URSS, c’est du fait de la persistance de la propriété coopérative. Passer partout à la propriété du peuple entier, la popriété d’Etat, permettrait de supprimer les échanges marchands et de passer à la phase supérieure du communisme. Mais c’est une critique mécaniste et incomplète. Parce que si l’appareil d’Etat est déjà dominé par une nouvelle bourgeoisie et non plus par le prolétariat, l’accroissement du degré d’étatisation de l’économie n’enraye en rien la restauration du Capitalisme.

Si on considère qu’il n’y a plus de classes antagoniques en URSS, on explique les échecs et les erreurs non pas par la persistance et la reproduction de l’idéologie bourgeoise, mais principalement par l’action des ennemis extérieurs. Ces problèmes ne sont plus réglés par la lutte politique, mais par le renforcement du contre-espionnage, de la police, de l’appareil d’Etat en général. Les spécialistes sont favorisés. Au 19e congrès, le bureaucratisme est attribué à un “retard idéologique” et aux influences étrangères, mais jamais au développement des contradictions internes à la société soviétique. D’après cette explication la bureaucratie n’a aucune base matérielle. Cette négation de la lutte de classe et des bases matérielles de reproduction d’une nouvelle bourgeoisie désarmait évidemment le prolétariat.

Staline a utilisé la méthode de renforcement de l’appareil d’Etat pour lutter contre les défauts inhérents à l’existence même de cet appareil. Ce faisant, il a utilisé un remède qui a aggravé le mal, renforcé la division du travail au profit des cadres, accélérant la formation d’une nouvelle bourgeoisie au lieu de la réduire. Quand Krouchtchev est arrivé au pouvoir, c’est bien cette classe qui a déjà le pouvoir en URSS.

C’est pour cela que nous sommes maoïstes : l’expérience de la Révolution culturelle en Chine a permis de développer la critique de la restauration du Capitalisme en URSS, en pointant du doigt les raisons de l’apparition d’une nouvelle bourgeoisie au sein même de l’Etat prolétarien. C’est un acquis indispensable pour le mouvement communiste.


Pour l’OCML-VP, la reconstruction d’une internationale communiste passe nécessairement par un approfondissement du bilan critique des expériences socialistes en URSS et en Chine, sans dogmatisme et avec le soucis d’élaborer un programme de la transition socialiste qui prenne en compte les acquis et les erreurs du mouvement communiste.

En anglais : ICI

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