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Contre la précarité, pour une vraie victoire

Editorial de Partisan n°202 - Avril 2006

La mobilisation croissante des lycéens, des étudiants et des travailleurs contre le CPE a mis la bourgeoisie et le gouvernement sur la défensive. Le Medef, par la bouche de sa présidente, s’inquiétait déjà, le 23 mars, d’événements mettant « en danger l’économie de notre pays », et proposait « de dépasser la question du CPE » pour engager une grande réflexion sur « les flexibilités et les précarités », le gouvernement n’était ni suffisamment fort pour retirer le CPE, ni pour poursuivre un affrontement direct. Retirer le CPE, c’est reculer devant les travailleurs alors que depuis dix ans, depuis le retrait du plan Juppé, ceux-ci n’ont fait, malgré toutes leurs résistances, que subir le grignotage de leurs droits. Le retrait du CPE, quel encouragement ! Mais s’arc-bouter aussi sur le CPE initial, c’était pour le gouvernement non seulement poursuivre l’affrontement avec les travailleurs et les jeunes ; mais encore, laisser se développer les contradictions dans son camp lui-même. Chirac a proposé un ravalement de façade (motivation des licenciements ; réduction à un an de la période de préavis) qui il y a quelques semaines paraissait inacceptable. Il espère, et toute la bourgeoisie avec lui, que ces mesures « d’apaisement » diviseront le mouvement, l’éteindront. Mais la lutte engagée contre la précarité et la flexibilité ne se
réduit pas au CPE.

 LA GOUTTE D’EAU QUI A FAIT DÉBORDER LE VASE.
Le Contrat Première Embauche, c’est cette goutte qui a fait déborder le vase de la précarité ! Il n’est que la mesure-phare d’une loi dite « pour l’égalité des chances » qui en inclut bien d’autres : l’apprentissage dès
14 ans, le travail de nuit à 15 ans, le « service civil volontaire » à partir de 16, etc. Il fait suite au CNE, voté le 5 août dernier. Il prépare ouvertement le « contrat unique » initialement programmé pour l’été 2006, avec précarité totale de deux ans pour tous. Il côtoie la loi sur l’immigration, le CESEDA, code d’entrée et de sortie des étrangers et demandeurs d’asile, qui est un véritable CNI, contrat nouvelle immigration. Immigrés jetables, travailleurs jetables : même combat.
Le CPE n’est que la dernière attaque organisant le ren- forcement de l’exploitation, après celles sur les retraites, la Sécurité sociale, l’Education nationale, etc. Enfin, il touche une question-clé, symbole du pouvoir patronal et de la condition ouvrière : le licenciement.
Contre le CPE, les jeunes ne se battent pas pour leurs droits d’étudiants, ils se battent en tant que futurs travailleurs. Ils défendent l’ensemble du monde du travail contre l’ensemble de la précarité. Leur appel à l’unité de lutte avec les travailleurs et les organisations syndicales est donc parfaitement logique.

 CERTAINES OPPOSITIONS ANTI-CPE SONT SUSPECTES.
L’opposition au CPE n’est pas unifiée, il y a DES oppo- sitions. Le Medef jugeait cette proposition plutôt inop- portune. Il préférait la mise à plat globale des statuts pour discuter « des flexibilités et des précarités ». Satisfait du compromis, il appelle aujourd’hui à ce « véritable changement, une révolution culturelle pour les Français doit être progressif et expliqué, et cet effort de pédagogie doit se faire dans le respect du dialogue social ».
Ce « dialogue social » auquel aspire le Medef est possi- ble, car, à nos côtés, certains anti-CPE ne sont pas, au fond, contre la flexibilité et le droit de licencier. Ils
considèrent seulement que ça va trop vite, trop fort... et François Hollande dénonce le CPE avec les mêmes arguments que le Medef, car « cela porte tort à la France, à la paix civile ».
La gauche a déjà beaucoup fait pour la flexibilité et la précarité, — et contre les travailleurs : les SIVP, les TUC, les CES, les CEC, les emplois-jeunes. Toutes ces mesures sont à l’actif des gouvernements Mauroy en 1981, 83 et 84, Rocard en 1990 et 92, et Jospin en 1997. La droite n’a pas le monopole de la précarité ! Demandez aux maires de gauche qui condamnent la précarité, combien ils emploient et exploitent de travailleurs précaires dans leur personnel communal ?
Les confédérations syndicales ne sont pas en reste. La direction CFDT est pour la « flexisécurité », c’est-à- dire l’acceptation du droit pour le patron de licencier comme il veut (la « flexibilité »), contre certains droits, et devoirs, pour le chômeur (la « sécurité »). La direction CGT, quant à elle, parle de « nouveau statut du travailleur salarié » ou de « sécurité sociale professionnelle ». Il s’agit, sous un autre nom, de la même chose.

 POUR UNE VRAIE VICTOIRE CONTRE LA PRÉCARITÉ !
Les jeunes,— futurs travailleurs —, et les travailleurs ont déjà gagné une chose. Ils ont fait la démonstra- tion de leur force et de leur solidarité. Le lien s’est fait dans la lutte entre générations de travailleurs. Le fatalisme de la précarité, qui accablait les jeunes, a reculé. Dans cette lutte, auront progressé la conscience et l’organisation, la compréhension des mécanismes du capitalisme et la conscience de ce qu’il faut faire. Pourquoi, partout dans le monde, alors que les richesses s’accumulent, la situation des travailleurs doit-elle se dégrader ?

A lire dans Partisan 202 :

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- Violence et démocratie — Témoignages de manifestants
 48e Congrès CGT : Les résistances à la "CFDTisation"
 Retrait du CPE : La jeunesse aspire à un monde nouveau
 Retrait du CPE : Le gouverne... ment
 Retrait du CPE : Comment s’adapter au capitalisme
 Appel européen —Indigènes de la République
 CESEDA : L’immigration jetable
 Belgique — Mexico
 Liban : Palestinienne dans un camp de réfugiés