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Sous l’effet du néo-colonialisme, le Sahel continue à s’enfoncer dans la crise
C’est fermement convoqués par leur maître que les chefs d’Etat du « G5 Sahel » (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina-Faso et Tchad) se sont rendus à Pau le 13 janvier dernier sur « l’invitation » pressente d’Emmanuel Macron. Depuis plusieurs semaines, le gouvernement français feint d’être outragé par la contestation de plus en plus forte de son ingérence dans les affaires de ses ex-colonies d’Afrique de l’Ouest parmi les peuples de ces pays. Fidèle à son attitude méprisante habituelle, Macron avait dit le 4 décembre : « Je ne peux ni ne veux avoir des soldats français sur quelque sol du Sahel que ce soit, alors même que l’ambiguïté persiste à l’égard de mouvement anti-français, parfois portés par des responsables politiques. Moi j’ai besoin d’une clarté ». Bien sûr, les chefs d’Etats en question se sont tous rendus à Pau sans protestation, ils n’en sont plus à une humiliation près...
Il s’agit en réalité pour Macron et son gouvernement d’allumer un contre-feu, de faire porter aux peuples africains la responsabilité de leur sort, comme si c’était de leur faute si l’armée française n’arrivait pas à vaincre la « menace terroriste ». Tous les experts, même les plus favorables aux ingérences militaires françaises, s’accordent à dire que l’intervention française dans le cadre de l’opération Barkhane est un échec. Les violences se répandent de pays en pays, de région en région, à partir de leur épicentre dans le centre et le nord du Mali. Au Mali, Burkina-Faso et Niger, plus d’un million de personnes ont fui leur foyer. En 2019, 4000 personnes ont été assassinés par les groupes djihadistes, mais également par les forces armées des divers gouvernements et par les milices ethniques dans les trois pays.
La propagande impérialiste essaye ici de nous faire croire que les choses là-bas sont simples (la France laïque et républicaine se serait lancée, pour la défense de la démocratie et de la liberté, dans une guerre contre le terrorisme) mais ce n’est pas le cas.
La présence et l’intervention militaires étrangères ne peuvent pas répondre à une crise sociale, politique et économique profonde dans ces pays, dont le « terrorisme » est à la fois le produit et un effet aggravant. La paysannerie est maintenue dans un état de pauvreté et de sous-développement par l’échange économique inégal avec les pays impérialistes ; l’ensemble de l’économie est sous la coupe de l’impérialisme et de ses monopoles et les bourgeoisies locales sont gangrenées par la corruption et le détournement des richesses à leur profit. Les djihadistes savent s’appuyer sur ces difficultés pour se développer, par exemple en soutenant les Peuls éleveurs contre les Dogons agriculteurs au Mali. Les accords de libre-échange qui ruinent les cultivateurs africains et empêchent tout développement économique véritable sont discrètement à l’œuvre. Et la pseudo-fin du Franc CFA est une escroquerie, car l’essentiel des mécanismes qui continueront à maintenir la nouvelle monnaie unique ouest-africaine sous la domination impérialiste subsisteront.
Par ailleurs, le changement climatique aggrave les conflits pour l’accès à l’eau et aux terres – et là encore la responsabilité repose sur la production industrielle capitaliste à l’échelle planétaire.
C’est la faillite économique, politique, militaire et sociale, la déliquescence pour ces régimes néo-coloniaux qui ont perdu toute crédibilité, voire toute présence dans des parties entières de leur territoire (Sahel, Congo…) et qui tentent désormais de se maintenir en place en organisant des milices d’autodéfense dans la population comme au Burkina.
Autant dire que la sortie de la crise apparaît comme extrêmement complexe, entre les puissances impérialistes et les bourgeois locaux d’un côté et les fascistes djihadistes de l’autre, d’autant que les communistes africains sont faibles et peu organisés et que le camp progressiste est en pleine décomposition.
Les Etats néo-coloniaux de la région du Sahel ne tiennent que par la présence de près de 5000 soldats français, de forces spéciales de divers pays impérialistes et d’une aide militaire américaine de près de 41 millions d’euros par an. Les armées de ces pays sont des institutions corrompues et inefficaces, voir elles-mêmes coupables d’atrocités sur les populations civiles. Leurs soldats sont mal équipés, démotivés et abandonnés à leur sort. L’armée française n’est pas exempte de reproches : arrestations arbitraires, saccage de village, meurtre de civils dans des « bavures » ...
Les puissances impérialistes, souvent concurrentes, sont coalisées au Sahel pour maintenir en place des régimes à leur service qui s’effondreraient autrement, avec en perspective une situation définitivement incontrôlable. Pour la France en particulier, outre des intérêts économiques stratégiques à défendre (principalement la sauvegarde des mines d’uranium du Niger), il s’agit de montrer qu’elle peut maintenir son rang comme puissance impérialiste qui, comme les autres, a sa zone d’influence. Même si elle est condamnée à l’enlisement.
Au début, cette intervention française a été bien accueillie par une partie de la population, mais les peuples voient bien qu’au final, au fur et à mesure du renforcement de la présence étrangère, leur situation ne fait qu’empirer. Comment s’étonner du rejet de l’ingérence impérialiste ? Les Africaines et Africains ont raison d’exiger le retrait des troupes françaises !