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Elections, tournez manège !

Partisan N°121 - Juin 1997

Et bien voilà, c’est fait. A la surprise générale (surtout de Chirac, Juppé, Toubon et compagnie...) la gauche officielle est revenue aux affaires. Il y avait une certaine jouissance à regarder la mine déconfite de tous ces bourgeois lors de la soirée électorale, tout en sachant que notre satisfaction était bien superficielle : mais il n’y a pas de petit plaisir, comme on dit.
Pour autant, il n’y a pas vraiment d’excitation à voir les « autres » s’installer à leur place. Toujours suivant les vieux clichés, « on a déjà donné ». Et lorsqu’ils seront à leur tour battus dans une prochaine élection, nous nous réjouirons une autre fois de voir, cette fois, leur mine déconfite à eux, comme nous avons été satisfait de la déculottée prise en 1993 !

La balançoire électorale

Mais est-ce vraiment là de la politique, au sens noble de terme, c’est à dire au sens de la prise en charge par tous de la conduite de la société ? Depuis 1978 (pratiquement 20 ans, quand même...) la majorité électorale change à chaque élection législative : 1981, 1986, 1988, 1993, 1997, faites vos comptes ! Depuis 20 ans on nous chante au choix la révolution, le retour à la raison, la rigueur et le sérieux... Aujourd’hui, après avoir été les champions de l’argent facile dans les années 80 et la corruption qui s’en est suivie, revoilà le PS en champion moraliste et rigoriste.
Depuis vingt ans, nous voilà les spectateurs de ce jeu électoral...

Mais au fond, faisons le bilan de notre vie depuis vingt ans. Que pouvons-nous en tirer ? Le bilan est sec et rapide, tellement il est évident : chômage, RMI, misère, flexibilité, précarité, répression, racisme, FN, j’en passe et des pires.
Vingt ans d’alternance électorale, vingt ans de catastrophes pour les ouvriers et les travailleurs.
Pouvons-nous vraiment encore nous laisser illusionner par le discours, les écrans de fumée, par l’apparence des choses ?

Le jeu électoral

Revenons rapidement sur le résultat des élections lui-même. Si on prend en compte l’ensemble de la population adulte de plus de 18 ans, on compte 43,4 millions de personnes en France au dernier recensement (probablement un peu plus aujourd’hui). Y compris les étrangers, mais pourquoi donc les exclure du calcul ? Y compris tous les jeunes des cités qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales parce qu’ils n’en ont pas grand-chose à faire, mais pourquoi faudrait-il les laisser de côté ?
Si l’on rapporte le nombre de votants à cette base, on voit que la « gauche » représente 24%, la « droite » 21%, et l’extrême-droite 9% des adultes. Pour autant que cette différence « gauche »/« droite » ait un sens... Quand on voit des grands bourgeois du PS comme Blanc (PDG d’Air France), Schweitzer (PDG de Renault) ou Martine Aubry ministre du chômage, quand on voit les corrompus du PS, Anglade, Boucheron, Tapie qui ne valent pas mieux que Carignon, Noir ou Mouillot, on doit bien se dire que cette distinction est somme toute assez relative.
Mais, bon, c’est ainsi. Le jeu politicien bourgeois nous impose cette distinction. Et même dans ce cadre, force est de constater que la prétendue gauche revenue aux affaires représente moins du quart de la population adulte.

Pourquoi nous laisserions-nous fasciner et embrouiller par ces résultats, ces promesses, ces mirages, au gré des élections ?
Voilà vingt ans que la majorité change à chaque élection mais que notre vie ne fait qu’empirer. Allons-nous continuer longtemps à être spectateurs de notre déchéance ?

La prochaine échéance ?

Beaucoup autour de nous s’interrogent : face au nouvel échec prévisible du PS, n’est-ce pas le Front National qui va sortir des urnes la prochaine fois ? Poser cette question montre déjà, au départ, qu’on n’attend vraiment pas grand-chose du PS puisqu’on prévoit déjà son échec. Mais poser cette question, c’est aussi toujours rester dans le fauteuil du téléspectateur passif.
Le FN s’est renforcé ou stabilisé dans les quartiers populaires. Les mobilisations médiatiques spectaculaires (Strasbourg) ne peuvent pas enrayer son ascension appuyée sur le chômage et la misère et les échecs des autres bourgeois. En jouant sur l’éclatement de la « droite », le FN prépare son futur progrès, c’est l’évidence.
Allons-nous attendre les élections de 2002 (ou avant) pour constater le désastre, une nouvelle fois, et pleurer sur notre triste sort d’ouvriers et d’exploités ?

On ne combat pas le FN en soutenant le PS : celui-ci prétend mieux gérer le capital que la droite, de manière plus efficace et plus sociale. Une nouvelle fois il va aller dans le mur, et le FN va se présenter en alternative, toujours pour gérer le capital, mais sur la base de la force et des fausses solutions (expulser les immigrés, par exemple).
On combat le FN pour le faire taire de la seule manière qui puise être efficace : en défendant nos intérêts de travailleurs, de manière radicale et indépendante, sans nous soumettre aux exigences de la gestion capitaliste, de la guerre économique ou de la nation.

Prendre notre vie en main

Une nouvelle fois, on retombe sur cette vérité élémentaire qui n’a rien d’un scoop : c’est de nous, et de nous seuls, que dépend notre avenir. Si nous restons assis dans le fauteuil à regarder le feuilleton télévisé électoral et ses épisodes à bascule, nous aurons à coup sûr plus de misère et plus de répression, avec ou sans FN.

Une nouvelle fois, il nous faut constater que le jeu politicien autour du gouvernement, porté par le PC, ou la prétendue « gauche de la gauche » (LCR, Mouvement des Citoyens, CAP, AREV...) ne va pas dans ce sens mais tente à nouveau de nous enchaîner au PS et à la gestion du capital.
« Réussir, cette fois », clame le PC. Prenons la formule au mot. « Réussir » pour nous les ouvriers, les travailleurs, tous les exploités, c’est rompre une bonne fois pour toute avec cette prétendue gauche réformiste, c’est prendre nos affaires en mains, c’est nous organiser pour imaginer et nous donner les moyens de notre avenir. Un avenir qui ne soit pas celui qu’on nous dresse depuis vingt ans au fil des alternances. Un avenir libéré de l’exploitation.

L’heure est à regrouper les forces militantes dans un parti qui défende les exploités, un parti qui revienne à l’origine de la vieille idée du Communisme, de la révolution, de la mise à bas du Capital. Bien sûr, ce parti est encore loin d’être construit, beaucoup de chemin reste à faire, mais c’est dans cette optique qu’il faut travailler.
Une nouvelle fois, nous interrogeons nos lecteurs : est-il vraiment encore utile d’attendre ?
G.Lecoeur

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