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"Le cadavre est à terre, l’idée est debout" V. Hugo

Partisan N°125 - Décembre 1997

Comptabilité macabre

85 millions de morts du communisme, disent-ils. Comptabilité macabre établie au fil des ans et des régions du monde sans le moindre soupçon d’analyse et d’étude : les morts de la guerre civile russe en 1917, ou de la guerre de libération en Chine n’ont-ils vraiment rien à voir avec la responsabilité des grandes puissances... impérialistes ? A notre modeste souvenir, France, Angleterre, et autres Japon ont pourtant pesé lourdement sur le compteur.

Nous pourrions opposer le chiffre des victimes du capitalisme, en nous limitant aux 150 dernières années : victimes des guerres coloniales, des guerres mondiales, des génocides juif ou arménien, de l’exploitation barbare de la fin du XIXème siècle, des enfants morts à la mine ou à l’usine, des répressions féroces de tous les soulèvements populaires aux quatre coins de la planète. Sans parler des morts du sang contaminé, de l’amiante, de Tchernobyl, Bhopal ou Seveso, des accidents du travail ou de la silicose, voire de l’alcoolisme populaire. Si nous devions chiffrer ce bilan du capitalisme, ce sont sûrement des centaines de millions de morts que nous trouverions depuis 150 ans...
Mais ne rentrons pas dans la bataille de chiffres, elle n’a guère de sens : un mort n’en vaut pas un autre, et celle d’un révolté qui se soulève contre l’oppression n’a pas le même sens que celle de son exploiteur fusillé ou guillotiné. Et puis, de toutes les façons, le sens d’un idéal ne se juge évidemment pas au nombre de morts laissés en route, ce serait plutôt consternant.

Pourquoi cette propagande ?

Voilà huit ans que le mur de Berlin est tombé, qu’on nous chante sur tous les tons la fin du communisme, que la démocratie de l’exploitation bourgeoise est le fin du fin de la société humaine, la "fin de l’histoire" en quelque sorte. Et l’évolution du parti qui se dit "communiste", de Thorez à Hue en passant par Marchais est là pour confirmer nos choristes libéraux.
Voilà huit ans que ça dure, et on nous en repasse une couche, experts à l’appui, avec ce bilan comptable pour le 80ème anniversaire de la révolution d’octobre. Faut-il qu’ils en aient encore peur ! Faut-il qu’ils soient inquiets de la révolte possible !
"Un spectre hante l’Europe, le spectre du communisme", disait déjà Marx en 1848. Le fantôme est toujours là, malgré les échecs, malgré les coups reçus, malgré les trahisons. Toutes les incantations, tous les rituels magiques sont impuissants à le faire disparaître : car ce fantôme est né du capitalisme, de l’exploitation, de la barbarie de la domination et de l’oppression.

Ces experts savent bien la force de ce spectre, ils en tremblent à chaque soubresaut de la lutte des classes. Alors, ils s’acharnent par journaux, télés et experts interposés à nous convaincre que nous devons être heureux, que nous vivons le mieux qu’il est possible dans les conditions actuelles, et qu’il ne faut surtout toucher à rien au risque de sombrer dans la barbarie. Ils nous décrivent les rivières de sang et la misère qui nous attendent si nous osons seulement lever la tête. Sans doute pour tenter de nous faire oublier les flots de sang et la misère toujours répandus au nom du marché et du profit.

Communisme ou barbarie !

Le fond de l’affaire, c’est que c’est eux qui sont morts. L’Histoire est déjà passée, le bilan est fait, l’avenir qu’ils nous proposent n’est fait que de chômage, de flexibilité, de nationalisme, de morts au travail et de guerres locales ou mondiales. L’avenir qu’ils nous proposent, c’est l’ex-Yougoslavie, l’Algérie ou le Rwanda, la guerre du Golfe. C’est la barbarie, qu’elle ait la forme de la dictature sanglante ou de la démocratie sournoise.
Qu’ils cherchent à embrouiller pour nous empêcher de réfléchir est d’une certaine façon logique. On pourrait presque les comprendre ! Car ce qui est sûr et certain, c’est que c’est à nous et à nous seuls que l’avenir appartient.

Tout dépend maintenant de ce que nous sommes capables d’en faire. Ils nous proposent individualisme et libéralisme qui ne mènent qu’à division et affrontements. Nous devons réaffirmer le sens premier du mot "communisme", de cet idéal fantôme surgi dans le chaudron de l’exploitation capitaliste : c’est le sens du "commun", de la Commune, du collectif, de la solidarité des exploités. Nous n’avons aucun autre avenir individuel que la tombe ou les rouages du capital...

Nous avons la haine et la révolte, celle des peuples affamés, pillés ou massacrés, celle des exploités qui n’en peuvent plus et qu’on serre tous les jours un peu plus, des sans-papiers aux 35 heures flexibles en passant par l’amiante. Le communisme, c’est notre histoire, celle de toutes les tentatives pour se libérer de l’emprise des exploiteurs. Ne les laissons pas nous en déposséder ! Ne les laissons pas la réécrire à leur manière ! Ne les laissons pas la réduire à une comptabilité sordide !

Le communisme, c’est la jeunesse du monde !

Laissons-les parler, d’ailleurs le soufflé est retombé aussitôt les échéances passées. Il n’y a que Hue et le parti dit "communiste" qui s’acharne encore à se distinguer de ce passé qu’il ne revendique plus... Médiocre fin social-démocrate !

Quant à nous, il faut comprendre cette histoire qui est la nôtre, ces 150 ans de mouvement ouvrier organisé (finalement, c’est assez peu au regard de la civilisation !). Il faut suivre ce chemin, comprendre les erreurs, les dérives parfois terribles où elles ont mené. Mais le bilan, s’il est celui d’échecs, n’est pas aussi noir qu’on veut bien le prétendre.
Beaucoup a été fait, souvent de manière empirique, sans trop analyser. La tâche des vrais "communistes" d’aujourd’hui, c’est de reprendre le flambeau, de tirer les leçons, d’élaborer un nouveau programme, une nouvelle manière d’avancer, de faire vivre cet idéal immortel.
Notre responsabilité est là : le spectre qui effraie tant les bourgeois subsistera toujours. Mais pour le rendre vivant, pour le transformer en force matérielle, en force qui déplacera les montagnes, ce qu’il faut aujourd’hui, c’est reconstruire cette Association de Défense des Victimes du Capitalisme qui nous manque tant : le Parti Communiste, le Parti pour le Communisme.

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