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Hommage à Meena, fondatrice de RAWA

L’allée Massoud à Paris rebaptisée du nom de l’héroïne afghane

Il y a deux ans, la Mairie de Paris décidait de nommer une allée parisienne du nom du seigneur de guerre fondamentaliste et réactionnaire Ahmad Chah Massoud. Ce samedi 4 février 2023, 36ème anniversaire de l’assassinat de Meena, fondatrice de RAWA, nous, militant.e.s de l’OCML Voie Prolétarienne, et autres militant.e.s en soutien à RAWA, avons décidé de supprimer le nom du seigneur de guerre de cette allée pour la renommer du nom de l’héroïne des femmes afghanes.

Notre déclaration faite ce jour au pied des plaques de l’allée en question, avant de la débaptiser.

Version anglaise de cet article : https://ocml-vp.org/article2403.html

Nous sommes ici pour honorer la mémoire de Meena Keshwar Kamal, la fondatrice de l’Association Révolutionnaire des Femmes d’Afghanistan, RAWA.

Meena était une révolutionnaire anti-impérialiste qui s’est opposée à l’invasion de son pays par l’Union Soviétique en 1978. Meena était une militante féministe qui a refusé de mettre les droits des femmes sous le tapis pour pactiser avec les différentes milices fondamentalistes, qui avaient pris le contrôle de la résistance grâce aux armes des Etats Unis et du Pakistan. Meena était une héroïne qui est restée aux côtés de son peuple, en vivant avec les réfugiés du camp de Quetta, à la frontière pakistanaise. C’est là qu’elle a créé des écoles, un hôpital et des centres de confection artisanale pour les femmes réfugiées. C’est là que les services secrets du régime afghan pro-soviétique l’ont trouvé et l’ont assassiné (peut-être avec l’aide des fondamentalistes) il y a tout juste 36 ans, le 4 février 1987.

Nous, Organisation Communiste Marxiste-Léniniste Voie Prolétarienne avons choisi aujourd’hui de nous souvenir de Meena en ce jour anniversaire de sa mort, en solidarité avec nos sœurs et camarades de Rawa qui continuent son œuvre et que nous avons eu la chance d’accueillir au cours de trois tournées de rencontres en 2002, 2009 et 2022.

La mairie de Paris a préféré ignorer Meena et donner à cette allée le nom d’Ahmad Chah Massoud. La bourgeoisie a les héros qu’elle mérite. Meena a suivi une voie droite, sans compromission avec aucune puissance impérialiste et aucun seigneur de guerre fondamentaliste. Le parcours d’Ahmad Chah Massoud est en revanche sinueux, parsemé de changements d’alliance, de trahisons et de crimes. Pourtant, en France on lui a fait l’image d’un « Lion du Panchir » (du nom de la vallée qu’il contrôlait), l’image d’un chef charismatique aspirant à la tolérance religieuse et à la démocratie. En réalité, Massoud était un chef féodal, qui avait fait ses études au prestigieux lycée français de Kaboul. Sa maîtrise de la langue française a contribué à le rendre populaire en France. Mais derrière ses paroles rassurantes, Massoud était un fondamentaliste, comme son parti Jamiat-e Islami (l’équivalent des Frères Musulmans). Ministre de la défense de l’Etat islamique d’Afghanistan de 1992 à 1996, il a fait bombarder Kaboul avant de s’y comporter en conquérant brutal, pratiquant exécutions et amputations publiques, s’attaquant aux droits des femmes et persécutant la minorité chiite Hazara. Seule la première arrivée au pouvoir des Talibans en 1996 a mis fin pour un temps aux rivalités sanglantes des seigneurs de la guerre, dont Massoud qui ont pu se présenter comme un moindre mal aux yeux de l’opinion internationale.

Massoud a été tué à la veille du 11 septembre 2001, mais l’invasion américaine de l’Afghanistan a mis ses amis au pouvoir. Il a été proclamé héros national et ses frères ont pu participer au pillage du pays par un régime corrompu et inefficace qui n’a tenu 19 ans que grâce au soutien des armées d’occupation notamment américaine et française. La famille Massoud est toujours soutenue par l’Etat français, qui y voit la clé de son influence en Afghanistan. Face au retour des Talibans au pouvoir, les médias français ont cherché à nous vendre la figure d’Ahmed Massoud Junior comme un recours.

Le peuple afghan, lui a eu le temps de faire le tour des Seigneurs de la guerre corrompus ou sanguinaires, et souvent les deux à la fois. Il aspire à la chute des Talibans, mais pour construire une nouvelle société vraiment démocratique et séculariste, vraiment respectueuse des droits humains et des droits des femmes. Il est de plus en plus conscient qu’il ne l’obtiendra qu’en comptant sur ses propres forces et non sur les différents impérialismes américain, russe, chinois ou français. C’est ce qui explique l’extraordinaire survie de nos camarades de l’Association Révolutionnaire des Femmes d’Afghanistan, qui continue à organiser des écoles, des hôpitaux, des coopératives, dans la clandestinité, tout en organisant des manifestations véritablement héroïques contre le régime et en solidarité avec les femmes d’Iran ou du Rojava.

Le nom de Meena et ses poèmes de résistance continuent à vivre dans le cœur des femmes et des hommes d’Afghanistan qui aspirent à la paix, à la démocratie, à l’indépendance et aux droits des femmes. Et c’est pourquoi nous termineront cette intervention par son poème « Je ne reviendrai jamais ».


Je suis la femme qui s’est éveillée
Je me suis levée et me suis changée en tempête balayant les cendres de mes enfants brûlés
Je me suis levée des ruisseaux formés par le sang de mon frère
La colère de mon peuple m’a donné la force
Mes villages ruinés et incendiés m’ont remplie de haine pour l’ennemi,
Je suis la femme qui s’est éveillée,
J’ai trouvé mon chemin et je ne reviendrai jamais.
J’ai ouvert des portes closes par l’ignorance
J’ai dit adieu à tous les bracelets d’or
Oh compatriote, je ne suis plus celle que j’étais
Je suis la femme qui s’est éveillée
J’ai trouvé mon chemin et je ne reviendrai jamais.
J’ai vu des enfants sans foyer, errant pieds nus
J’ai vu des promises aux mains tatouées de henné en habit de deuil
J’ai vu les murs géants des prisons avaler la liberté dans leurs estomacs d’ogres
Je suis ressuscitée parmi des gestes épiques de résistance et de courage
J’ai appris le chant de la liberté dans les derniers soupirs, dans les vagues de sang et dans la victoire
Oh compatriote, Oh frère, ne me considère plus comme faible et incapable
Je suis de toute force avec toi, sur le chemin de la libération de mon pays.
Ma voix s’est mêlée à celle de milliers d’autres femmes qui se sont levées
Mes poings se serrent avec les poings de milliers de compatriotes
Avec toi, j’ai pris le chemin de mon pays,
Pour briser toutes ces souffrances et tous ces fers,
Oh compatriote, Oh frère, je ne suis plus celle que j’étais
Je suis la femme qui s’est éveillée
J’ai trouvé mon chemin et je ne reviendrai jamais.

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