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Chine : LE FUTUR DU CAPITAL ?

Partisan N°242 - Novembre 2010

Cet article fait partie du dossier "ASIE : nouveau centre de gravité du capitalisme... et du communisme ?"

La Chine devient le laboratoire de l’exploitation capitaliste. Là où il y a oppression, il y a résistance.
L’usine de Foxconn de Shenzen (officiellement Hon Hai Precision Industry Co Ltd, une entreprise taïwanaise) commercialisant ses produits sous la marque Foxconn, le plus important fabricant mondial de matériel informatique – Dell, Apple, Sony, etc.- ressemble à un énorme campus universitaire avec ses blocs d’usine de six étages répartis sur un carré de 1,5 km de côté. 400 000 travailleurs s’y croisent, y sont exploités avec un style militaire de management pour 4 euros par jour, y mangent et y dorment dans des dortoirs plus que minables.
Dans cette « unité de travail », on trouve aussi 3 hôpitaux, une caserne de pompiers, un supermarché, des restaurants, 5 piscines et la mise à disposition de 400 ordinateurs. Il n’y a pas de parc, pas de cinéma, pas de lieux de détente. Si les salaires sont légèrement plus élevés que la moyenne, très basse, de ceux de Shenzhen, les conditions de travail - 6 jours sur 7 et horaires extensibles - sont particulièrement drastiques avec une discipline de fer. L’entraînement des jeunes recrues (la plupart sont des migrants venant de la campagne, souvent avec au minimum un diplôme de niveau secondaire) se fait en les contraignant à rester immobiles progressivement 10, puis 20, puis 30 minutes. Tout retard à l’embauche est puni par l’obligation de rester debout immobile pendant toute la durée du retard. Si l’on parle, si l’on baille, si l’on mâche durant le travail, on perd des points, ce qui entraîne une réduction de salaire ; si l’on prend du retard dans la tâche assignée, on est astreint à prendre une pause ou à quitter son poste lorsqu’on a rattrapé son retard. Les sanctions ne sont pas seulement financières mais peuvent s’accompagner d’humiliations : un des jeunes qui se suicidera avait été muté de la chaîne de montage au nettoyage des toilettes. Le taux des suicides récents chez Foxconn est inférieur à la moyenne nationale chinoise, mais quand même, 10 suicides réussis en 5 mois. Ce qui choque, c’est la manière dont ils sont accomplis, spectaculairement, sur le lieu de travail, souvent par défenestration lors des changements d’équipe. Le suicide étant considéré légalement comme un crime contre l’État, ce suicide public est une forme ultime de protestation.
C’est pour cette raison qu’autorités et patronat s’en inquiètent et ont laissé médiatiser cette situation tout en annonçant des « mesures », dont une augmentation de salaires de 20%, comme si cela devait résoudre les conditions présentes d’exploitation, et l’expression et l’exploitation tout court.
« Dans le monde une classe en lutte », de juillet 2010

La classe ouvrière en Chine connaît de nombreuses grèves, comme celle des usines Honda, où les travailleurs s’opposent au syndicat jaune officiel. Ces luttes sont portées souvent par les migrants (voir Partisan n°240, été 2010). Les travailleurs utilisent aussi les « lettres de visites », créées en 1951 quand la Chine était socialiste. C’est une administration qui transmet les suggestions et les doléances de la base vers les échelons supérieurs et qui permet d’interpeller l’État et la direction du parti. D’après le Monde Diplomatique de septembre 2010, « on y revendique avec ténacité l’égalisation des conditions et rejette avec force des différences hiérarchiques présentées comme naturelles ». Plus d’égalité, moins de hiérarchie, une aspiration à aller... vers le communisme !

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