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Le code bolchevik du mariage
Partisan N°245 - Février 2011
La révolution soviétique est la première expérience de révolution socialiste. Quels ont été ses apports dans les rapports hommes/femmes ? Lisons donc un article signé Léon Prouvost dans L’Idée libre, revue de 1921, sur collectif-smolny.org.
Dans la société actuelle, le mariage revêt un caractère d’autoritarisme
abominable : le mari a tous les droits, la femme aucun. L’Église et l’État la lui livrent pieds et poings liés.
Il est instructif de mettre, au regard des articles les plus iniques de notre Code, les articles du Code de la Loi de la République des Soviets, publié en 1919.
Le but à atteindre, c’est l’union absolument libre de l’homme et de la femme. Il faut toutefois procéder par étapes et c’est ce que la République des Soviets a très bien compris en maintenant un Code du mariage, mais en lui donnant une élasticité qui ne fera que se développer au fur et à mesure que les mentalités s’amélioreront.
Voici au surplus les principaux articles de ce Code. Nos lecteurs saisiront
immédiatement la différence existant entre l’état d’esclavage que nous subissons et les améliorations apportés par le régime des Soviets.
133. — Le fondement de la famille est la filiation effective ; aucune différence n’est
établie entre parenté naturelle et parenté légitime.
§1. — Les enfants dont les parents ne sont pas mariés ont les mêmes droits que
les enfants nés de personnes mariées régulièrement.
140. — Trois mois au moins avant la naissance de l’enfant, la femme enceinte non
mariée fait à la Section de l’Enregistrement des Actes de l’État civil une déclaration
indiquant l’époque de la conception, le nom et le domicile du père de l’enfant.
§1. — Pareille déclaration peut être faite aussi par une femme mariée, si l’enfant
conçu n’a pas pour père son mari.
143. — Si les rapports de la mère avec l’homme visé par elle dans la déclaration
prévue à l’article 140 démontrent qu’il est bien le père de l’enfant, le tribunal rend un
arrêt dans ce sens et ordonne en même temps qu’il participera à toutes les dépenses
causées par la grossesse, l’accouchement, la naissance et l’entretien de l’enfant.
144.— Si au cours de l’examen de l’affaire, le tribunal constate que, lors de la
conception, l’homme mis en cause était en rapports intimes avec la mère, mais qu’il
n’était pas le seul, le tribunal les appelle tous comme défendeurs et les astreint à
participer aux dépenses prévues à l’article 143.
148. — Les parents peuvent se mettre d’accord pour que leurs enfants mineurs de
14 ans relèvent de telle ou telle religion. A défaut d’un accord entre les parents à ce
sujet, les enfants avant l’âge de 14 ans sont considérés comme hors de religion.
160. — Les enfants n’ont pas droit aux biens de leurs parents ; de même les
parents n’ont pas droit aux biens de leurs enfants.
101. — Les époux conservent leur nom de famille conjugal tout le temps que dure
le mariage et même après la dissolution du mariage par la mort ou par la déclaration
judiciaire de la mort de l’un d’eux.
104. — Si l’un des époux change de domicile, l’autre n’est pas astreint à le suivre.
105. — Le mariage n’entraîne pas la communauté de biens entre les époux.
106. — Les époux peuvent conclure entre eux tous arrangements permis par la loi.
S’ils concluent entre eux des conventions ayant pour but la diminution des droits de
propriété de la femme ou du mari, elles sont nulles au regard de la loi et il leur est
toujours loisible de renoncer à leur exécution.
86. — Le mariage, du vivant des époux, peut être dissous par le divorce.
87. — Le divorce peut être basé aussi bien sur le consentement mutuel des époux
que sur le désir exprimé par l’un d’eux.
Le Code bolchevik du mariage comporte 262 articles votés le 16 septembre 1918
par le Comité exécutif central des Soviets. Ce Code est muni d’une préface d’Alexandre Hoichbarg, rédacteur en chef du Bureau des lois, membre de l’Académie des Sciences sociales. Il y est dit « Que le gouvernement russe, après avoir édicté ces lois, les édite, cela n’implique point du tout qu’il les croit éternelles ou durables, ni qu’il les veuille telles. Il compte bien que chaque jour de sa propre existence rongera énergiquement la leur…
« Au fur et à mesure que s’affaiblira l’esprit ancien et que s’organisera une vie
économique conforme aux données socialistes, la dictature du Prolétariat perdra de sa
raison d’être et la vanité de tout pouvoir politique deviendra manifeste. Mais faire un saut brusque en plein avenir serait duperie. Nous sommes dans un temps de transition. Des lois y sont nécessaires… »
Dans le même esprit, « par décret du 27 avril 1918, (est) aboli l’héritage, portant ainsi à la propriété une atteinte décisive. Toute richesse, à la mort de son détenteur, devenant la chose de la République, des mesures ont dû être prises pour régler la situation des proches du défunt... », mais les petits patrimoines sont laissés aux parents du défunt. « On voit que le législateur russe n’est pas un sectaire et laisse volontiers la vie en sa complexité animer ce barbare et raide appareil qu’est un Code. »
Léon PROUVOST, sur le site
Rappelons qu’en France (à cette période), sans l’autorisation ou le concours du mari, la femme ne peut ester en justice, non plus que donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, toute choses que le mari peut faire. L’homme peut avoir une ou plusieurs maîtresses, le code n’a rien à y voir ; convaincu d’avoir « entretenu une concubine dans la maison conjugale », il est condamné à une simple amende. Par contre l’adultère de la femme est puni de prison (Code pénal, art. 337).
La femme est obligée d’habiter avec le mari et de le suivre partout où il juge à
propos de résider (Code civil, art. 214).
Le mari seul a l’administration des biens dotaux (Code civil, art. 1429).
Le mari administre seul les biens de la communauté (Code civil, art. 1421).
Le mari seul a l’administration de tous les biens personnels de sa femme (art.1428).
Dans le cas d’adultère, le meurtre commis par l’époux sur l’épouse, ainsi que le
complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est
excusable (Code pénal, art. 324).
Le père seul exerce l’autorité sur l’enfant (Code civil, art. 373).
Voilà comment l’État règle les questions matrimoniales chez les civilisés !
