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Restructuration dans les hôpitaux : grève à l’hôpital Tenon

Pour les hôpitaux, nous avons eu la loi Evin en 1991. Ministre de la Santé, membre du PS, c’est Claude Evin qui a initié, par cette loi, le principe de la diminution des dépenses de santé se fondant sur une baisse de la masse salariale. Exigeant par ailleurs une augmentation de l’activité, cette loi a mis en place des méthodes de gestion de type industriel. Il est maintenant président de l’ARS (Agence Régionale de Santé). En 1991, sur l’hôpital, nous avions fait une grève de 9 semaines contre la flexibilité. L’État avait décidé de mettre en place le point ISA (Indice Synthétique d’Activité), en mettant en rapport qualité et coûts. Il y a 10 ans, la direction de Tenon a appliqué avec zèle cette politique, qui est à l’origine de la situation dramatique que nous connaissons aujourd’hui.

Avec la droite, c’est Bachelot

La loi Bachelot, dite loi HPST (pour Hôpital Patients Santé Territoire), définit l’organisation de l’ensemble des acteurs du système de santé. C’est dans ce cadre que se situe un vaste plan de restructuration des hôpitaux publics comme privés. Cela fait 2 ans que l’on se bagarre contre HPST et contre l’AP (Assistance Publique). Nous avons occupé le siège de l’AP. Il y a eu une manifestation de 5 000 personnes en intersyndicale. On n’avait jamais vu ça. Sur l’AP, nous sommes 90 000 salariés (la plus grande concentration d’hospitaliers d’Europe), 10 000 sur notre pôle, et 2 600 agents sur Tenon.


Et la grève de l’hôpital ?

Il y a 1 an, le service des urgences s’est mis en grève pendant 3 semaines contre le manque d’effectifs. Il y a eu des promesses et des primes, mais 7 mois après la situation était encore pire. Comme personnels, on a eu de l’intérim, pas de titulaires. D’autres services étaient en grande souffrance. Manque de personnel, pas d’embauches. Alors, le 20 septembre sur Tenon, on a décidé de se mettre en grève. Les revendications étaient : des embauches, des salaires, de meilleures conditions de travail, et la titularisation de tous les CDD (90 sur notre hôpital). Nous avons appris que 4 millions d’euros allaient dans les heures supplémentaires et l’intérim.


Comment s’est passée la grève ?

Le personnel d’oncologie (traitement chimiothérapique) a un protocole de soins très complexe, avec aussi des malades en fin de vie (souffrance). Il n’y a pas assez de monde. Il fallait, pour faire grève, gérer un double aspect, technique et humain. La grève a démarré dans ce service. En sous-effectif, comment faire pour se mobiliser ? Beaucoup étaient assignés, donc empêchés de faire grève. Eh bien, on faisait grève à tour de rôle. Des copines venaient sur leur repos, par exemple celles de nuit sur le jour, certaines sur leur période de vacances, afin d’être sur leur lieu de travail.
La mobilisation était très forte. Par exemple, les filles de nuit ont fait 26 banderoles. Le niveau de réflexion était très élevé, les filles montaient au créneau face à la direction. Elles ne supportaient plus le chantage aux malades. C’est une population très jeune (gros turn-over) et il n’y a pas d’opposition corpo entre aides-soignantes et infirmières. Il y a de la solidarité dans le travail. Ce sont des personnes avec un niveau de formation élevé. Pour elles, infirmières bonnes s ?urs, c’est fini. Elles ont intégré qu’elles sont des salariées qui travaillent de plus en plus avec des modes de fonctionnement de type industriel, et cela entraîne une élévation dans le niveau de conscience.

Vous avez été médiatisés ?

Le droit de retrait a été utilisé à deux reprises pour raison d’épuisement professionnel. Et utilisation de congés-maladies collectifs, ce qui est tout à fait nouveau à l’hôpital. Grâce à ce genre d’actions, nous avons eu tous les médias, alors qu’il y a 20 ans nous étions très isolés. Il faut dire aussi que les rapports entre les syndicats et les grévistes ont été transparents : les salariées intervenaient directement face à la direction, les syndicats étant là en soutien actif avec elles.

Qu’est-ce que vous avez obtenu ?

On a surtout obtenu que 83 emplois qui devaient être supprimés dans le cadre d’un Plan Déficience (soi-disant dette à l’État) ne le soient pas. Et oui, ils pensaient supprimer encore des emplois. Il y a un plan d’embauche de 59 infirmières et de 33 aides-soignantes, maintien de 11 manipulateurs radio, alors qu’il voulaient en supprimer (concentration). L’intersyndicale a refusé de signer le protocole proposé par la direction dans la mesure où nous estimions que les avancées étaient dérisoires comparées aux besoins.

Pas de luttes sans répression...
Au bout de six semaines de grève, nous avions réussi à faire venir la DRH pour ouvrir les négociations. Nous avions négocié que le personnel serait présent. Au bout de deux heures, je sors pour dire au personnel de rentrer. Le chef de la sécurité est tombé devant moi, et s’est retrouvé assis sur une banquette située dans le couloir de la direction. Il m’a accusé de l’avoir poussé à terre. C’est une provocation, pour moi il n’y a rien eu. Quinze jours après j’apprends que si je ne m’excuse pas, la plainte déposée contre moi ne sera pas retirée, plainte appuyée par la direction. Bien sûr, je refuse de m’excuser.
Une manifestation contre les atteintes aux droits syndicaux a eu lieu, à l’initiative de l’UD-CGT de Paris, en intersyndicale et avec SUD Solidaires. Il y avait le camarade de la Poste, Olivier, qui va avoir 18 mois d’exclusion pour une assemblée générale.
Manifestement, la direction de l’AP-HP veut se restructurer en deux secteurs : une partie de haute valeur ajoutée, des patients qui tournent très vite, avec des capitaux privés, et l’autre pour les pauvres, où on retrouvera l’Assistance Publique à l’ancienne, financée par l’impôt. Le problème pour la direction, c’est comment réaliser ça sans faire de vagues. A nous de nous préparer à ces futures attaques et à former des militant(e)s.

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