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Népal en lutte : Interview de Ganesh Man Pun, de l’organisation de jeunesse du Parti maoïste

Partisan N°246 - Avril 2011

Quel est le rôle de la Young Communist League (YCL) ?

La YCL est une organisation politique, pas militaire. La tâche urgente qu’elle s’est fixée c’est l’établissement de la République Démocratique Fédérale Populaire, l’écriture d’une Constitution Populaire et l’achèvement du processus de paix de façon satisfaisante. Pour cela, nous organisons les jeunes à partir de 16 ans, pour lutter pour la justice sociale, pour une réforme de la culture, contre les discriminations (sexisme, racisme, chauvinisme). Les YCL font aussi du travail utile pour le peuple : agriculture à la campagne, nettoyage et régulation du trafic en ville. Un million de membres ont aujourd’hui leur carte, même si bien sûr ils ne sont pas tous actifs.

Quel est le programme de la YCL ?

Le changement principal est de donner des perspectives et des emplois à la jeunesse. Nous essayons nous-mêmes d’en donner dans la YCL. Quand nous étions au gouvernement, un programme d’auto-emploi a été lancé par les maoistes, grâce aux coopératives de micro-crédit . Deuxièmement, le problème de la drogue est lié à ceux de l’emploi et de l’éducation. Tout est lié à la politique de l’Etat à l’égard de la jeunesse. Mais la YCL a commencé à s’en occuper en créant des centres de réhabilitation dans les villes principales, comme Kathmandou et Pokhara depuis 2 ans. Elle y amène des jeunes tombés dans la délinquance ou qui consomment des drogues. Dans nos centres, ils reçoivent une éducation et une idéologie politiques qui leur donnent un avenir, qui leur donnent une responsabilté en tant que jeunes. Grâce à cette éducation, certains de ces jeunes, maintenant, ont changé. On peut dire avec fierté que certains sont de bons activistes de la YCL.
La YCL est contre l’éducation bourgeoise, pour une éducation scientifique. C’est ce que nous pratiquions lorsque nous étions dans la Guerre Populaire à l’époque. Ces jeunes ont suivi l’"Université Ouverte" qui donne des diplômes aux jeunes qui apprennent des choses dans la vie pratique. Pendant la Guerre Populaire, ils ont appris par exemple à faire des armes ou des logements. Idéologiquement, ils ne sont pas comme ces politiciens qui ont eu un diplôme à l’Université en sciences politiques. On veut leur donner des perspectives à travers l’"Université Ouverte" en fonction de leurs talents. On n’apprend pas uniquement à l’école. La vie, la lutte est en elle-même une école. Par la lutte on apprend énormément.


Où sont les jeunes de la YCL , dans les campagnes ?
Ça dépend. Dans les campagnes, il faut être toujours parmi les paysans et dans les villes, il faut être toujours avec les ouvriers. Pendant les dix ans de Guerre populaire, la plupart des jeunes étaient dans les campagnes. Maintenant beaucoup d’entre eux sont dans les villes. Mais ils doivent aussi retourner dans les campagnes pour ne pas oublier les paysans. Nous devons être partout.

La presse locale dit que vous interdisez d’aller au cinéma, est-ce vrai ?

Non, c’est faux. Bien sûr nous n’aimons pas que la jeunesse regarde de la pornographie. Ces films sont mauvais et donnent une mauvaise éducation au peuple. Mais on n’empêche personne d’aller au ciné. Même nos leaders vont au cinéma (rires). La pornographie est comme un poison lent qui tue le cerveau des jeunes. Nous leur disons de ne pas la regarder et nous nous y opposons. Les grosses stars du cinéma, les travailleurs, les réalisateurs, les scénaristes, sont déjà membres du parti maoïste. Certains sont en cours de ralliement avec nous. Cela prouve que les maoïstes ne sont pas contre le cinéma. Si nous étions contre, pourquoi nous rejoindraient-ils ?

La YCL a-t-elle une action dans le domaine de la culture ?

Chez les maoïstes, lorsque nous sommes en campagne politique, nous programmons des jeunes artistes, des chanteurs, des musiciens. A travers la musique, c’est plus facile de convaincre le peuple. Beaucoup de jeunes engagés dans le parti maoïste sont aussi chanteurs, musiciens, peintres, artisans. On promotionne leur talent. La YCL essaie de leur trouver des débouchés, nous demandons au gens d’acheter, pour encourager leur talent.

Est-ce vrai que vous n’acceptez pas que les jeunes émigrent ?

C’est faux. Nous n’arrêtons pas les gens qui veulent partir. Mais nous les raisonnons. Parce que si tous les jeunes, avec leur connaissance et leur énergie, quittent le pays, comment ce pays pourra-t-il être indépendant ? _ Nous avons beaucoup de ressources en eau, beaucoup de potentialités hydro-électriques, de ressources naturelles. Nous voulons que les gens profitent des ressources et de ce qu’ils peuvent faire avec. Si ces ressources sont exploitées, tout le monde peut avoir un boulot. Donc, on les encourage à rester ici et à travailler pour la nation. A l’étranger, les Népalais sont employés dans de nombreux secteurs. On doit utiliser nos cerveaux et notre énergie ici.

Pensez-vous que la "Voie Prachanda*" est universelle ?

Le camarade Prachanda est aujourd’hui le président de notre Parti . Son orientation nous a permis de vaincre la monarchie. Celle-ci, « la voie Prachanda » est maintenant en débat. Certains ne sont pas d’accord pour l’accepter. C’est un sujet en débat, nous verrons ce que la majorité du parti décidera. Nous avons besoin de débattre de plus en plus, de développer le Marxisme Léninisme Maoïsme. La Guerre Populaire a été un succès grâce à la voie Prachanda, dans les conditions spécifiques du Népal, elle a gagné sa légitimité, mais nous n’avons pas prouvé que la voie Prachanda est universelle. Nous croyons que ça prendra du temps et qu’elle deviendra universelle.

Le rôle des YCL est-il de prévenir l’opportunisme de droite, le révisionnisme ?
Toutes les organisations du parti jouent le même rôle. Comme on est nombreux et très dynamiques à la YCL, on dirait qu’on joue plus ce rôle. Mais toutes les ailes du parti, tous les éléments du parti jouent le même rôle. Et nous combattons aussi bien l’extrémisme de gauche que l’opportunisme de droite.

Comment parler de la révolution népalaise en Europe ?

_ Notre ligne politique principale, c’est la fusion de la Guerre Populaire et du Mouvement de masse. Dans notre Guerre Populaire, la lutte à la campagne a montré ses limites, et le mouvement dans les villes a soutenu cette lutte. Aujourd’hui, le lieu principal de la lutte, c’est la ville. Ce qu’il faut dire en Occident, c’est qu’on ne peut limiter le mouvement maoïste à la campagne. Nous réussissons à la fois dans les campagnes et dans les villes. Notre présence dans les villes est vraiment importante, et c’est un défi sur ce terrain. La révolution d’Octobre 1917 (en Russie) s’est concentrée sur les villes, la révolution chinoise s’est concentrée sur les campagnes… Notre révolution c’est sur les deux, avec la même importance. L’indépendance nationale, l’accomplissement du Processus de Paix, la Constitution Populaire sont nos slogans principaux aujourd’hui. Ceci est notre pratique pour aller au socialisme. Nous avons développé un nouveau modèle de démocratie du XXIe siècle. Certains partis communistes pratiquent la démocratie uniquement dans le peuple. Mais nous, nous pratiquons la démocratie dans le parti, au sein de notre armée et dans chaque organisation du parti. Nos débats sont toujours fraternels. Nous ne voulons pas que notre armée reste dans les cantonnements, nous voulons que notre armée vive parmi le peuple. Nous n’aimons pas la démocratie parlementaire, mais nous voulons un fonctionnement démocratique multi-partis. Avec les partis démocratiques et populaires, nous pouvons avoir un fonctionnement électoral démocratique. C’est ce que nous appelions « la démocratie du XXIe siècle » et nous devrons la pratiquer même sous le socialisme.
Le soutien dont nous avons besoin est d’abord idéologique. Ensuite, nous devons partager nos expériences entre communistes. Vous nous aidez en rendant populaire notre parti dans le monde, à travers les media. En organisant des campagnes anti-impérialistes.
octobre 2010

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