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Proposition d’orientation pour la lutte contre la guerre impérialiste

Article de Partisan n°59 - Mars 1991

Proposition d’orientation pour la lutte contre la guerre impérialiste
Présenté par Voie Prolétarienne

1 - Les caractères de la guerre :

* La guerre menée par la coalition sous direction impérialiste et sous celle des USA en particulier a pour but de renforcer le contrôle impérialiste sur le pétrole (ressource économique vitale pour les économies capitalistes et indispensable à la puissance militaire) et sur la région. Ce contrôle régional était menacé par la puissance acquise par l’Irak (grâce à l’appui de ces mêmes impérialistes) pendant la guerre contre l’Iran. Cette puissance ne trouvait plus de contrepoids régional. Cette guerre vise donc la destruction du potentiel militaire de l’Irak et de sa puissance économique et la réinstallation des USA dans la région où leurs positions étaient affaiblies depuis la chute du Shah d’Iran.
Cette guerre a été préparée par les USA, et provoquée par la chute des cours du pétrole organisée par le Koweït (soutenu par les USA) en vue d’affaiblir l’Irak lourdement endetté.
* L’annexion du Koweït par l’Irak est une fuite en avant d’une bourgeoisie pour surmonter les contradictions sociales d’un pays épuisé par 8 années de guerre en lui permettant de doubler ses ressources, d’annuler une partie de ses dettes, et de rétablir une cohésion nationale minée par les restrictions.
L’Irak n’est pas un pays impérialiste ; mais un pays dépendant de l’impérialiste à qui il vend sa seule ressource (le pétrole) et dont il dépend pour son armement, pour le développement de ses infrastructures, pour son alimentation. il n’a donc pu se renforcer économiquement et militairement que par l’intense appui que lui ont apporté les pays impérialistes durant les années de guerre contre l’Iran et avant. Le pays est dirigé par une bourgeoisie réactionnaire qui a laminé le mouvement ouvrier et mis le pétrole au service du renforcement de son potentiel militaire et répressif.

 

La guerre menée par l’Irak n’a rien de progressiste. Ni dans ses buts (la survie de la fraction dirigeante de la bourgeoisie), ni dans sa stratégie et sa tactique militaire, ni dans les mots d’ordre mis en avant pour obtenir le soutien des masses arabes (idéologie religieuse), il ne peut prétendre représenter le camp des opprimés. Saddam Hussein profite seulement de la faiblesse des forces révolutionnaires dans le Moyen-Orient. La référence à la libération de la Palestine est en contradiction avec ses actions passées contre les Palestiniens.

 

L’aspect principal de la guerre est la lutte des puissances impérialistes pour renforcer leur contrôle économique, politique et militaire sur la région, en imposant leur loi aux pays, aux bourgeoisies et aux peuples de la région.
* D’autres contradictions entrent en jeu dans cet affrontement :
- La mobilisation des masses arabes contre la coalition impérialiste et le sionisme est extrêmement forte. Elle est nourrie par les interventions des grandes puissances qui depuis 70 ans se sont disputées les dépouilles de l’Empire Ottoman, ont découpé et se sont partagées la région, en ont pillé les richesses, puis ont permis l’établissement de l’État d’Israël.
Cette opposition prend le contenu d’un soutien nationaliste à la guerre bourgeoise de Saddam Hussein, et non le caractère d’une lutte populaire révolutionnaire faute de direction communiste. L’évolution de` la crise régionale pourrait ultérieurement faire de cette opposition la contradiction principale avec la déstabilisation des bourgeoisies locales.
- L’existence de luttes populaires progressistes en Palestine et au Kurdistan avec dans ce dernier cas la présence de communistes dans le combat. Ces peuples seront probablement sacrifiés dans le nouveau partage régional qui s’établira après la guerre quelle qu’en soit l’issue. Israël tirera un profit militaire et surtout politique de la guerre.
- Les contradictions entre les bourgeoisies arabes qui se partagent entre les deux camps. Ces contradictions et leurs liens avec l’impérialisme rendent impossible une solution bourgeoise arabe. La paix sera soit une paix précaire imposée par l’impérialisme soit celle résultant d’un processus révolutionnaire régional.
- Les contradictions au sein du camp impérialiste. Cette guerre est pour les USA un moyen de reconquérir une hégémonie incontestée alors qu’ils sont affaiblis économiquement face au Japon, à l’Europe et à la RFA en particulier. La guerre constitue aussi pour les USA une fuite en avant face à l’aggravation de ses contradictions sociales et économiques.
- Les contradictions propres à l’impérialisme français qui est partagé entre sa volonté de maintenir son rang dans le monde en affirmant sa présence militaire (comme les USA il est en déclin relatif), et celle de ménager ses intérêts économiques dans les pays arabes qui constituent une de ses zones d’influence importantes.
Ces deux derniers types de contradiction secondaires ne doivent pas intervenir dans le choix des mots d’ordre, pas de soutien aux initiatives diplomatiques françaises, pas de dénonciation "patriotique" de l’alignement sur les USA.

2 - L’orientation de notre opposition :

- L’axe principal de notre activité est la dénonciation de la guerre impérialiste, menée dans l’unité par les puissances impérialistes. Nous devons mobiliser tous les moyens pour affaiblir l’effort de guerre de notre propre impérialisme : par la propagande, et l’agitation nous devons consolider l’opposition à cette guerre, nous devons aussi soutenir tous les actes pratiques d’affaiblissement ou les mettre en œuvre en fonction de nos moyens.
"BUSH, MITTERAND, GORBATCHEV, A BAS LES GENDARMES DU MONDE !"
"LE DROIT INTERNATIONAL, C’EST LE DROIT DE PILLER, C’EST LE DROIT D’EXPLOITER !"
"IRAK, ALGÉRIE, SUEZ, INDOCHINE, MITTERRAND FIDÈLE AU POSTE !"
"TROUPES IMPERIALISTES HORS DU GOLFE !"
"PAS UN SOU, PAS UN HOMME POUR CETTE GUERRE... POUR LES PROFITS DE THOMSON, DE MATRA.. POUR LA GUERRE DES PROFITS !"

 


- Cette lutte est l’une des conditions de l’unité de la classe ouvrière qui se trouve encore affaiblie par la montée du chauvinisme impérialiste dans la classe ouvrière et les réflexes de solidarité anti-impérialiste des immigrés envers leur communauté nationale. Nous devons non seulement affirmer l’unité des ouvriers français et immigrés contre l’impérialisme ; mais aussi la solidarité avec les masses arabes dans leurs aspirations anti-impérialistes.
En luttant pour la défaite de notre camp nous luttons pour renforcer la lutte des exploités. Nous travaillons, non à la victoire de Saddam Hussein : mais à celle des ouvriers et des peuples. Cette position contribuera sur le long terme à recréer les conditions de la lutte de tous les exploités contre leurs exploiteurs.
Il est faux de restreindre notre soutien aux seules classes ouvrières. Cela ne correspond nullement aux réalités sociales de ces pays où la majorité des exploités sont paysans ou vivent de petits boulots. C’est aussi nier le caractère anti-impérialiste et national des luttes, en tirant un trait sur l’histoire de la région et sur les plaies qu’elle laisse ouvertes. Refuser la solidarité aux peuples (ouvriers et paysans) c’est donc laisser à Saddam Hussein la possibilité d’exploiter de manière réactionnaire les aspirations anti-impérialistes, même confuses, des peuples.

 


"OUVRIERS FRANÇAIS, IMMIGRES, PEUPLES ARABES SOLIDAIRES CONTRE L’1MPERIALISME... LES GENDARMES DU MONDE !"
"NON A L’UNION NATIONALE, OUI A L’UNITÉ DES OUVRIERS"
"OUVRIERS FRANÇAIS IMMIGRES AFFRONTONS ENSEMBLE LE RACISME DIVISEUR !"

 


- A la guerre réactionnaire de Saddam Hussein nous opposons la lutte du peuple palestinien et du peuple kurde. Les deux seules guerres populaires de la région (populaires au sens où elles sont porteuses d’objectifs nationaux et progressistes par opposition aux luttes purement nationalistes et mues par l’idéologie religieuse réactionnaire). Soutenir, même tactiquement la guerre de la bourgeoisie irakienne, c’est opposer la lutte du peuple kurde à celle des Palestiniens. C’est mettre le mouvement anti-impérialiste et l’opposition à la guerre à la remorque d’un bourgeois qui a écrasé les forces progressistes de sa nation.
A la dénonciation de la guerre réactionnaire des bourgeoisies, nous opposons le soutien internationaliste aux ouvriers et aux autres exploités d’Irak (Irakiens ou immigrés). Ils sont les principales victimes de Saddam Hussein et de la guerre impérialiste en cours. Si la coalition rétablit son ordre impérialiste au Moyen-Orient, ce sont encore sur le dos de ses exploités que se fera le rétablissement des nouveaux pouvoirs bourgeois. Il n’y aura pas de paix durable sans de profonds bouleversements sociaux et politiques que seuls les exploités avec à leur tête les ouvriers pourront réaliser.

 


"PALESTINE, KURDISTAN, CES COMBATS SONT LES NÔTRES !"
"NI BUSH, NI MITTERRAND, NI SADDAM : OUVRIERS DE FRANCE ET D’IRAK UNIS CONTRE NOS BOURGEOISIES !"

3- Notre tactique :

- Le rejet de la guerre est particulièrement fort en Europe qui a connu deux guerres inter-impérialistes particulièrement meurtrières, qui a mené plusieurs guerres coloniales (Algérie, Vietnam), puis s’est trouvée l’enjeu et le champ de la confrontation des deux blocs impérialistes. Ce rejet de la guerre, et des malheurs qu’elle engendre pour les peuples, peut être la protestation embryonnaire contre une guerre impérialiste.
Toutefois le mouvement pacifiste est travaillé par des courants opposés qui vont du refus réactionnaire d’une guerre "qui ne sert pas les intérêts de la France", ou du maintien de statu quo "mieux vaut n’importe quoi qu’une guerre", au refus plus progressiste "d’une guerre pour le pétrole" "pour les marchands d’armes" ou "d’une guerre qui ne réglera rien mais aggravera les problèmes".
- Dans ce contexte le premier but tactique est de dégager et de regrouper un courant qui dénonce la guerre impérialiste et affirme la légitimité des guerres des exploités et cherche à développer l’unité de classe, et rejette le patriotisme. Le renforcement de ce courant contre le pacifisme patriotique du PCF en dépend même si cela peut paraitre ambitieux et le renforcement de l’opposition à cette guerre. Rassembler la gauche de l’opposition à la guerre qui est faible parce qu’isolée.
Les conditions idéologiques et politiques existent pour cela, malgré l’intense effort de la bourgeoisie pour développer l’union nationale. L’impact sur les fractions de classe ouvrière sensibilise les ouvriers les plus conscients, l’enjeu qu’il y a de mener la lutte contre cette guerre dans l’unité. Pour les immigrés, l’obstacle est dans la crainte du racisme et d’une répression aggravée comme dans la volonté d’intégration pour certains, plus dans le soutien inconditionnel Saddam Hussein.
Pour renforcer l’unité de classe dans cette lutte, nous devons porter débat là où les contradictions s’expriment ou risquent de s’exprimer de la façon la plus vive : dans les usines, dans les quartiers. Le risque est moins celui de véritables affrontements (ce risque existe néanmoins surtout dans les cités), et celui d’une hostilité croissante entre les Français et les immigrés, entre les Arabes et les Juifs. C’est risquer que les frustrations s’expriment pas contre les responsables réels de la crise (contre les bourgeoisies et l’impérialisme mais contre "les adversaires" qui paraissent accessibles). Pour cela faut donner un contenu et une cible politique aux frustrations qui s’accroissent. Des interventions si nécessaires en particulier dans les cités, mais dont il faudra préciser les conditions, les formes et les contenus.
- Le second objectif tactique est dans ce courant de développer la conscience des implications du refus du pacifisme. Quelle issue à la guerre ? Quelles guerres de libération ? Quelle attitude par rapport aux bourgeois : rejet de Saddam Hussein et des solutions arabes.
- A ce stade du mouvement d’opposition à la guerre, il ne faut pas chercher à se démarquer par des mots d’ordre sur le communisme et la révolution prolétarienne comme solution à guerre. Un tel mot d’ordre marginaliserait d’autant plus le courant que l’on vise que nous ne pourrions pas donner un contexte politique à celui-ci, en l’absence d’organisations communistes menant une lutte conséquente dans la région.
C’est un axe de propagande et non d’agitation qu’il faut approfondir dans ses implications pour la région. Ce devrait être par contre un des thèmes de réflexion : quel sens donner à cette perspective dans une région où les classes ouvrières sont faibles numériquement et encore plus faibles idéologiquement et politiquement participent entièrement à l’idéologie pan-arabe.

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