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Entre la défense et le rejet du nucléaire, y a-t-il une 3ème Voie ?

Partisan N°253 - Février 2012

Si le gouvernement français est l’un des plus réticents à rompre avec le nucléaire, c’est parce que cette filière est, depuis longtemps, l’un des moteurs essentiels du capitalisme français. A partir du choix fait dans les années 60, sous la présidence de De Gaulle, de développer le nucléaire, l’Etat a en effet concentré recherche et investissements sur ce créneau. Ont ainsi été assurés des débouchés et des profits considérables pour les grands groupes capitalistes de l’hexagone, qu’ils soient privés ou "publics" : CEA, Areva, EDF, Alstom, Jeumont Schneider, Suez, Total, Cela fait de la France le pays le plus nucléarisé de la planète (avec 81% d’énergie électrique d’origine nucléaire), un des seuls à maîtriser l’ensemble du cycle du nucléaire depuis l’extraction du minerai uranium jusqu’au retraitement des déchets et à leur enfouissement, en passant par divers types d’enrichissement et la production du plutonium.

 

Contrairement à la propagande savamment orchestrée par le lobby nucléaire, le développement du nucléaire n’a rien de naturel, d’incontournable et il n’est pas économe en CO2.
Les nombreux dégâts politiques et sociaux inhérents au nucléaire (tant le civil que son frère siamois militaire) sont emblématiques de la barbarie impérialiste, ils n’autorisent pas une 3ème voie, et nous font combattre ce choix énergétique.
Le nucléaire pousse en effet à leur paroxysme plusieurs calamités propres à l’impérialisme :
 La recherche et le développement de l’énergie nucléaire sont tellement coûteux qu’ils imposent la mise des moyens de l’appareil d’Etat et des finances "publiques" au service des groupes capitalistes du nucléaire. Comme par hasard, les conseils d’administration de ces groupes regorgent de cadres politiques, d’anciens patrons de la Police Nationale et de grands barons de l’industrie et des banques.
 Développement d’un néocolonialisme en Afrique pour dominer le maximum de gisements d’uranium et en baisser le coût d’exploitation, au mépris des droits et de la santé des mineurs et des populations locales. Gabon, Niger : l’indépendance énergétique de la France est défendue, manu militari, au détriment de l’indépendance politique et économique des pays.
 La concentration du pouvoir de décision va de pair avec la dépossession technique et politique et l’encadrement idéologique des populations, la répression des opposants, la concentration, le gigantisme et la militarisation des installations, le gigantisme et le coût du transport de l’électricité, l’opacité et la mise au pas des moyens d’informations. Ceux-ci doivent assurer la désinformation et la diffusion des mensonges nécessaires à la minimisation des risques et à la défense du nucléaire. Le nucléaire illustre la fusion, déjà analysée par Lénine, entre le pouvoir médiatique, le capitalisme militaro-industriel et le capitalisme financier. Le nucléaire pousse à l’extrême la division sociale et internationale du travail, à l’origine de l’exploitation et de l’oppression. Sommets de l’iceberg des centaines d’incidents nucléaires annuels, les catastrophes de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima ont été des pics non seulement de dangers mortels mais aussi de désinformation, et ils ont illustré la soumission des organismes de sûreté nucléaire de chaque pays (IRSN en France), et même de l’Organisation Mondiale de la Santé, aux intérêts des divers impérialismes.
 Pour faire passer la pilule des dangers et des exactions impérialistes, l’Etat et les groupes du nucléaire achètent, avec les miettes des surprofits réalisés, le silence ou le soutien de représentants de la population (mairies, syndicats, partis) et de couches ouvrières aristocratisées. Nucléaire et nationalisme (fabriquons français) ont toujours fait bon ménage, notamment dans les directions du PCF et de la CGT.
 Dans les sites nucléaires, l’exploitation, la précarisation, les accidents et les risques de contamination des travailleurs sont de plus en plus élevés. Les seuls salariés sous-traitants des sites nucléaires civils français sont aujourd’hui soumis à 80% des expositions aux rayonnements ionisants.
 Si la force de travail dans ces sites n’est qu’une marchandise jetable, la santé actuelle et à venir des populations locales, en métropole, dans les colonies d’outremer et dans les néocolonies n’a pas plus de valeur pour les profiteurs du nucléaire. Peu leur importent l’exposition à des doses (accidentelles ou continues) très dangereuses et la production de déchets (plus de 250 000 tonnes aujourd’hui sur la planète) dont la radioactivité présentera des dangers pour les générations futures pendant des siècles. Ils ne peuvent mettre en avant la rentabilité et la compétitivité actuelle de l’énergie nucléaire qu’en faisant l’impasse sur les coûts économique, social et humain du démantèlement des sites (des milliards d’euros pendant des décennies), de la recherche et du développement de solutions fiables et sûres de retraitement et de confinement, sans parler du coût humain des contaminations dites accidentelles.

 

Le développement du nucléaire, tout comme le saccage de la santé et des ressources naturelles, est donc intimement lié à l’impérialisme, à la loi du profit et à une division du travail poussée à l’extrême qui éloigne toujours plus les travailleurs du pouvoir de décision.
Comme l’affirment notre plate-forme politique, nous sommes verts parce que rouges ! Le nucléaire pose en des termes toujours actuels l’inéluctabilité du choix exprimé par Marx et Engels : socialisme ou barbarie ?

 

Mais alors, comment produire l’électricité dont nous avons besoin sans nucléaire (et sans en rajouter une couche au réchauffement climatique) ?
Avant de poser la question du comment produire de l’énergie électrique, la société socialiste à construire devra trancher démocratiquement quelques questions préalables, politiques et sociales tout autant qu’économiques, en mettant l’humain et l’organisation sociale au centre des préoccupations : combien d’énergie et donc quelle consommation pour quels besoins, sous quelles formes (pas seulement électrique), avec quel degré de concentration et de gigantisme des moyens de production et de transport, et donc permettant quel niveau d’appropriation par la masse des travailleurs, nécessitant quels coûts de maintenance et de démantèlement des installations, avec quelles conséquences sur les relations avec les autres peuples, sur la santé et sur l’environnement ?
La quasi totalité de l’énergie produite aujourd’hui est au service d’une société de classes, de profit, d’exploitation, d’aliénation et d’oppression à détruire dans tous ses fondements. Le temps et le rythme de travail, les conditions de travail, le temps hors travail et son contenu, la socialisation du travail productif et domestique, les finalités de la production et des loisirs, les moyens de transports, le contrôle démocratique, les rapports avec les autres peuples, les moyens de défense … voilà autant de questions vitales qui devront être passés au crible de la critique et révolutionnés.
On ne peut donc aujourd’hui que parler des principes révolutionnaires qui guideront ces choix, mais pas les faire à la place des peuples concernés dans le contexte historique, économique, environnemental et social duquel ils partiront… Bien sûr, la fin du pétrole et du gaz obligeront également à des choix drastiques. Mais ces choix ne seront faits ni sur les mêmes critères, ni avec les mêmes résultats pour les travailleurs.