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Nucléaire : civil & militaire

Partisan N°253 - Février 2012

Le nucléaire civil et militaire ne sont pas seulement liés, ce sont les deux faces d’une même pièce, indissociables. Derrière chaque centrale nucléaire se trouvent les enjeux de l’armement, de la bombe atomique et de l’industrie militaire.
La France est d’ailleurs l’un des meilleurs exemples de la synergie entre le nucléaire civil et militaire. La structure française qui chapote le nucléaire est à ce titre exemplaire : le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives) est non seulement responsable de la recherche et développement au sein de l’industrie nucléaire, mais aussi du programme militaire français de dissuasion atomique. La recherche fondamentale et appliquée qui y est menée est destinée aussi bien aux centrales qu’à l’industrie militaire (sous-marins nucléaires, ogives etc). Le CEA est aussi l’agent d’exécution de l’Etat dans les instances internationales chargées de la soi-disant surveillance des traités internationaux de non-prolifération. La gouvernance du CEA est à l’image de celle de l’État, assurée par des hauts fonctionnaires chargés d’encadrer les scientifiques.
Illustration parfaite de l’État au service des capitalistes, le CEA est également l’actionnaire majoritaire d’AREVA, le groupe industriel français en charge de la production d’énergie nucléaire. Pour que les liens soient solides et indéfectibles, le ou la président(e) d’Areva siège également au sein du CEA dans le Comité de l’énergie atomique, en charge du programme de recherches et de travaux. Tout le monde ce petit monde est cul et chemise.
Puisque dans sa composition même et sa gouvernance le CEA est un modèle d’intégration entre État, société privée, civil et militaire, voyons ce qui dans l’industrie nucléaire même, explique cela.
L’ancien directeur général de l’AIEA (agence internationale de l’énergie atomique, structure de l’ONU) le dit de la façon la plus limpide qui soit : « Les pays qui maîtrisent l’enrichissement de l’uranium et la séparation du plutonium deviennent de facto des États capables de se doter de l’arme atomique ». Sans doute le plus bel aveu de la totale imbrication entre l’industrie nucléaire civile et militaire.

 

 

Le schéma ci-dessus illustre parfaitement les liens « naturels » entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire. Une même ressource, des processus identiques d’enrichissement et d’appauvrissement de matière première. Il n’y a aucune séparation entre le civil et le nucléaire, les centrales civiles fournissent le carburant des bombes, uranium ou plutonium. Pour ce dernier, le lien est encore plus évident puisque le plutonium n’existe pas à l’état naturel et seules les centrales nucléaires peuvent le produire. Même si l’industrie militaire possède ses propres réacteurs pour produire un plutonium de qualité optimale pour leurs bombes, le plutonium produit civilement est tout aussi bien utilisable. L’industrie militaire est aussi très friande d’uranium appauvri pour ses munitions antichar par exemple. L’uranium appauvri n’est rien d’autre qu’un déchet produit par les centrales dans le processus de production d’énergie.
Que ce soit à travers la nature de l’industrie nucléaire ou par sa structuration, tout tend à illustrer à quel point l’industrie civile est totalement liée à l’industrie militaire. Chaque pays doté de centrales de production d’énergie nucléaire a forcément en main les cartes pour produire des armes et munitions atomiques. Le général Charles Ailleret, membre du CEA et l’un des pères de la bombe atomique française disait d’ailleurs : “J’ai toujours veillé à ce que le nucléaire civil et le nucléaire militaire aillent de pair […] Ce serait la mort du deuxième si le premier disparaissait“.