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Syrie : Arrestation de Salameh Kaileh
Partisan N°257 - Juin 2012
Né à Birzeit, en Palestine, en 1955, Salameh Kaileh a étudié à Bagdad et s’est engagé dans la résistance palestinienne. Militant communiste bien connu, il est l’auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels “Critique of Mainstream Marxism” (1980), “The Arab and The National Question” (1989), “Imperialism and the Plunder of the World” (1992), “The Problems of Marxism in the Arab World” (2003) et “The Problem of the Arab Nationalist Movement” (2005). Il a été arrêté dans la nuit du 24 avril à Damas par des services de sécurités dont on ignore s’ils relèvent de l’armée ou de la police. Son domicile a été perquisitionné et ses affaires emportées. Salameh a déjà passé huit années dans les prisons syriennes en raison de ses critiques contre le régime, et était actif dans le Front de la Gauche Syrienne.
Intervention de Salameh Kaileh, extraits :
Tout d’abord, merci d’avoir établi le contact avec nous. Il est très important que des marxistes à travers le monde développent leurs relations, dans une situation où l’impérialisme est en crise profonde et durable, crise qui a provoqué des soulèvements dans plusieurs pays et qui nous mène à un développement de la lutte de classe internationale. Il est absolument nécessaire d’agir ensemble avec ceux qui ont pour perspective un monde meilleur, un monde démocratique et socialiste.
Il n’y a aucun doute que ces soulèvements nous ont ouvert d’importantes possibilités, à nous Arabes, et peut-être à tous les révolutionnaires dans le monde, et à la classe ouvrière. Il est utile de signaler que les mouvements dans le monde arabe ont démarré spontanément, à cause de la crise profonde dont souffrent les marxistes, et à cause du profond fossé qui sépare ces partis des ouvriers et des paysans. C’est la raison pour laquelle ces partis ne sont pas en mesure de comprendre la situation actuelle, car ils ne comprennent pas le marxisme lui-même, parce qu’ils ont suivi la vieille politique soviétique qui ne reflétait que les intérêts soviétiques et non les intérêts de la classe ouvrière mondiale. Quoi qu’il en soit, les soulèvements actuels posent la question du rôle du marxisme d’une manière urgente et importante. Il est devenu absolument évident que le changement que la classe ouvrière désire a pour point de départ la structure économique rentière qui a été formée durant les deux dernières décennies, après l’effondrement de l’agriculture et de l’industrie qui avaient été construites au départ dans le cadre de l’action des partis nationalistes de gauche.
Il y a beaucoup de personnes en Syrie qui essaient de trouver une solution de remplacement aux partis communistes existants, car certains de ces partis se sont alliés au régime en place en Syrie, régime qui s’est transformé en dictature capitaliste-mafieuse au cours des dernières années. Le libéralisme a été adopté, pour détruire les conditions de vie d’une grande proportion de la population (environ 80%). L’agriculture, l’industrie, l’éducation et la santé se sont effondrées. La richesse a été réservée à la minorité qui fait partie de la famille du régime. Il n’est donc pas étonnant que ces partis veuillent défendre le régime contre le peuple qui est en train de lutter pour ses droits. Des partis qui répètent les fables du régime servant à justifier les meurtres de manifestants. D’autre part, certains partis de gauche empruntent la voie réformiste, répétant ce qui s’est passé depuis l’année 2000. la « réforme » consiste à passer de la dictature à un Etat démocratique, sans que soient pris en compte les problèmes des ouvriers, des paysans et de toutes les autres classes, et sans que soit pris en compte non plus leur soulèvement contre ce que le libéralisme leur a apporté. Ces partis se sont alliés avec d’autres partis nationalistes dans le but de faire pression sur le régime pour aboutir à une réforme démocratique.
Les marxistes, cependant, n’ont pas été absents du soulèvement depuis son commencement, lorsque la première manifestation, le 15 mars 2010, a rassemblé nombre d’entre eux. Et c’est le cas partout où il se passe quelque chose, de Deraa à Alep, Homs, Damas, Dorezzor, Lattaquié et toutes les autres villes et cités. C’était des marxistes indépendants, ou des membres de partis communistes à titre individuel, ou même des membres de partis qui soutiennent encore le régime. Beaucoup ont quitté leur parti récemment, en désaccord avec leur ligne vis-à-vis du régime et vis-à-vis du soulèvement. Ces personnes ont rejoint le soulèvement individuellement, malgré les tentatives pour unifier le travail de renforcement du rôle des marxistes dans le mouvement, pour avoir un rôle positif sur les slogans comme pour mettre au point ses revendications et développer sa technique.
Ces communistes qui ont pris part au soulèvement pensent que le renversement du régime est l’objectif principal, et ne croient pas du tout dans la possibilité de le réformer. Ils savent que la lutte des classes pauvres continuera jusqu’à ce que le changement de pouvoir soit réalisé par les ouvriers, les paysans et toutes les classes du peuple qui ont souffert du manque de représentation politique. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de solution à leurs problèmes en-dehors de la défaite de tous les partis libéraux, de l’effondrement de la classe capitaliste-mafieuse au pouvoir, et de la bourgeoisie traditionnelle qui travaille actuellement dans le cadre du régime et a pour objectif de le contrôler. Cette mafia capitaliste est rentrée dans le parti Baas, a fait certaines réalisations lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir, mais ces réalisations ont été détournées, et le régime est maintenant synonyme de mafia capitaliste.
Pour atteindre les objectifs du soulèvement aujourd’hui, il nous faut une nouvelle vision basée sur une analyse marxiste, et qui représente les intérêts des ouvriers et des paysans, ce qui, dialectiquement, permettra à un nouveau parti d’être construit, un parti qui adoptera un programme de transformation réelle. C’est cette possibilité qui a été ouverte à travers le soulèvement.
Les marxistes, par conséquent, doivent commencer à former le parti des ouvriers et des paysans dans le but d’établir une république démocratique qui reflète l’intérêt du peuple.
Suite de l’intervention : Le socialisme ; le marxisme et les Arabes ; la question de la direction ; le marxisme.
(www.secoursrouge.org/) - Belgique, 2 mai 2012. Traduction Partisan.
EDIT : Il a été depuis torturé et libéré (voir photo ci-dessous)

