Vous êtes dans la rubrique > Archives > Le « modèle allemand »

Le « modèle allemand »

Depuis 2004, les jours d’absence pour syndromes d’épuisement professionnel – le burn out – qui, outre-Rhin, sont classés comme maladies ordinaires, ont décuplé, pour représenter 10% des absences au travail.
Le nombre de morts au travail a progressé de 13% en un an. Les maladies professionnelles reconnues ont crû de plus de 20%. Et les accidents du travail ont également progressé de plus de 6%, opérant ainsi une convergence vers le peu glorieux niveau français. Bref, les indicateurs tant physiques que psychosociaux se détériorent nettement.
Les travailleurs allemands font face à une pression productive exceptionnelle. Selon la 5e enquête européenne Eurofound sur les « conditions de travail », réalisée en 2010, et sur « l’évolution des conditions de travail entre 1991 et 2010 », près des ¾ des travailleurs allemands déclarent désormais subir des cadences élevées.
A ce facteur mécanique d’intensification s’ajoutent plusieurs obstacles. Les employeurs allemands ne pourvoient pas les postes, laissant vacants un stock d’environ un million d’emplois. Cette insuffisance d’effectifs accroît la pression sur le devenir individuel de chaque salarié. Les réformes Hartz-Schröder, tant vantées par nombre de patrons français et une partie des économistes depuis leur tour d’ivoire, ont généré en quelques années précarité et pauvreté laborieuses ; certes, ces mesures ne touchent qu’une (grosse) minorité des travailleurs, mais elles engendrent une peur massive malgré le déclin du chômage... La peur de la dégradation sociale en cas de perte d’emploi a gagné l’Allemagne.
L’insatisfaction salariale, le sentiment d’être insuffisamment payé pour le travail effectué, atteint en 2010 un quart des travailleurs allemands – la moitié chez les précaires -, contre 16% en 2005, se rapprochant ainsi dangereusement des niveaux français. Loin de tout déterminisme culturel, travailleurs allemands et français se sentent dans une même galère.
Philippe Askenazy, « Le climat social se dégrade en Allemagne », Le Monde, 11 avril. Extraits.

Soutenir par un don