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La Gauche et les sans papiers

1981 : ENTRE RÉGULARISATION
LARGE ET CONSTRUCTION
DES CRA.

Les vieux
militants rappellent
aujourd’hui avec émotion
les régularisations
faites après l’élection de
Mitterrand en 1981. 110 000 titres pour
130 000 demandes. Tous ont cependant
oublié comment cela s’est vraiment passé.
La régularisation n’était même pas dans
le programme de Mitterrand. Quand la
circulaire est publiée, elle conditionne la
délivrance d’un titre de séjour à la présentation
d’un contrat de travail. Déjà les
réflexes de DRH. L’ouverture va créer un
afflux massif de dépôts de dossiers.
Son administration étant complètement
débordée, le nouveau gouvernement fait
le choix d’une régularisation massive avec
des critères très allégés, et, fair play,
détruit les fiches des refusés. Mais, une
fois passé cet épisode, le gouvernement
applique les lois répressives de la droite. Il
se donne même les moyens d’une répression
aggravée en construisant une dizaine
de centres de rétention administratifs
(CRA). Le PS avait pourtant dénoncé celui
d’Arenc, dans le port de Marseille, avant
1981.
Il durcit aussi la loi en accélérant les procédures
d’expulsion et en restreignant le
regroupement familial. C’est de cette
époque (1984) que date l’obligation d’un
logement adapté. De droit revendiqué, le
logement décent devenait imposé à l’immigré
désireux de faire venir sa famille.
Quant à la pratique du charter, elle est
inaugurée non par Pasqua (avec le charter
des 101 Maliens), mais en 1985 par Joxe,
ministre PS de l’Intérieur.

 

1997 : RÉGULARISATION LIMITÉE ET AUGMENTATION
DES EXPULSIONS.

Le gouvernement
Jospin arrive dans un contexte de lutte des
sans-papiers contre les lois Pasqua. La
petite-bourgeoisie est aussi mobilisée
massivement contre le certificat d’hébergement
qu’impose la loi Debré, avec l’obligation
de délation en cas de maintien
en France de l’hébergé. La nouvelle loi
abrogera cette disposition.
La circulaire Chevènement inaugure
une régularisation limitée ciblant les
parents et ceux en France depuis plus de
7 ans. 80 000 sur 170 000 demandes.
Prudents, beaucoup de sans-papiers ne
déposent pas de demande. Les refusés
écopent d’un arrêté de reconduite à la
frontière.
Passé cette période, fini de rire, les circulaires
activent les préfets pour alimenter
la machine à expulser. La loi
Chevènement, censée remplacer la loi
Pasqua-Debré, facilite en fait l’expulsion
(allongement de la rétention) et rend plus
difficile la régularisation. Le combat contre
les collectifs de sans-papiers reprend.
Le gouvernement de la gauche plurielle
aura ainsi à son actif, en 1998, l’expulsion
de plusieurs sans-papiers ayant occupé
deux églises dans Paris.

 


2012 : Du toilettage des lois de droite à la
pratique du tout répressif ?

De ses différents passages au gouvernement,
on peut repérer des analogies dans
la politique du PS. Dans la période qui
précède le retour aux affaires, il relaie
mollement le mouvement social. Il se fend
de quelques déclarations démocratiques
ou humanistes. Avant 1981, c’était contre
la rétention administrative. Avant 1997,
c’était contre l’obligation du certificat d’hébergement.
Ces dernières années, ce fut
contre l’enfermement des enfants.
Une fois au gouvernement, il corrige
quelques aspects des lois, en enlève des
incohérences, supprime les aspects les
plus détestés mais en durcit d’autres. Les
correctifs faits, il applique les lois précédentes
ainsi ajustées et rebaptisées.
En termes de régularisation, il assouplit
les conditions et régularise un peu plus
que ce qu’il voulait. Cela dépend beaucoup
de l’énergie des sans-papiers euxmêmes.
Après une baisse des expulsions
suite aux dépôts de dossier, elles reprennent
de plus belle avec un ministre de la
police à la manoeuvre pour faire monter
les chiffres.

 


ET LES ALLIÉS ?
On a pu constater qu’ils se sentaient plus
concernés par ce qui arrive aux salaires,
aux retraites, à la fonction publique, que
par les problèmes des sans-papiers. On
peut résumer ainsi leur attitude
après1997 : 1/ Aller à la soupe lors de la
répartition des ministères. 2/ Neutraliser
les mobilisations par l’intermédiaire de
leurs militants à la base. 3/ Détourner
pudiquement le regard quand les mesures
répressives surviennent.
Lors du vote de la loi Chevènement, les
députés Verts s’étaient abstenus. Idem
pour ceux du PCF, sauf un vote contre. Le
PCF continuait de réclamer « Des papiers
pour tous », mais Robert Hue, le dirigeant
de l’époque, s’était démarqué opportunément
de la revendication.

 


QUEL ENJEU ?
L’enjeu de rappeler le passé est de combattre
les illusions qui traînent autour de
nous. Parmi les sans-papiers tout particulièrement.
Aujourd’hui fleurissent les
demandes de moratoires sur les expulsions
et des sollicitations polies pour que
les sans-papiers soient traités dignement.
Certains, comme la direction de la CGT,
se mettent même dans la peau du gouvernement
et lui expliquent ce qu’il doit faire.
Notre travail doit être au contraire d’expliquer
à chaque mesure scélérate en quoi
ce gouvernement révèle sa vraie nature. Il
faut préparer les camarades aux conflits à
venir. Ce qui sera décisif, quand la période
d’attente sera dépassée, ce sera le nombre
de sans-papiers menant la bataille, leur
conscience, leur détermination, et le soutien
des autres travailleurs dans ce combat.
C’est à tout cela que nous travaillons.

 

Correspondant VP

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