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Vive la lutte des femmes sans papiers !
Partisan N°263 - Mars 2013
La Coordination 93 est le seul collectif à avoir admis l’existence d’un regroupement de femmes qui éprouvent le besoin d’échanger autour de leurs difficultés de vie en tant que femmes (malgré beaucoup d’opposants internes qui développent le fameux argument « organiser les femmes à part, c’est diviser »). Ce regroupement existe de façon discontinue. Il avait sorti le fameux tract « Sortir de l’ombre pour vivre libres » en 2009, puis réalisé une pièce de théâtre. Suspendu, il tente aujourd’hui de se reconstruire.
Les liens entre les femmes de la Coordination 93 des sans-papiers et Femmes En Lutte 93 se sont créés en 2012 lors du meeting de FEL93 à la Bourse du travail de Saint-Ouen, où des femmes sans-papiers ont pris la parole à la tribune pour témoigner de leur difficile condition de vie et de travail, et de leurs luttes. Depuis, certaines femmes sont venues à nos réunions - de façon discontinue, le travail du week-end rendant difficile une participation régulière. Les liens se sont resserrés lors de la projection-débat inter-associative du 2 décembre 2012 autour de « la Source des femmes » (1).
Le 9 janvier 2013 ? FEL93 a soutenu activement l’occupation de l’église de Saint Denis par les sans-papiers de la C93. Le regroupement de 5 femmes de la C93 s’est déroulé pendant cette occupation, afin de se présenter mutuellement. C’était l’occasion d’un échange autour des difficultés que connaissent les femmes sans papiers dans leur vie quotidienne, à la fois en tant que femmes, et en raison de leur situation irrégulière. Une femme s’est longuement exprimée, libérant les émotions des autres qui ont toutes eu les larmes aux yeux lors de cet échange, c’est dire l’intensité de ce qu’elles vivent !
« Les difficultés rencontrées par les femmes sans-papiers sont dans tous les domaines. Par exemple, moi qui suis mariée avec un homme qui est en situation régulière, je subis depuis des années la violence conjugale, mais il m’est presque impossible d’aller au commissariat pour faire une main courante car je crains l’arrestation ; à partir de là, c’est très difficile d’entreprendre une procédure de divorce !
Dans le domaine du travail aussi, tout est plus difficile. Une femme sans papiers n’est pas déclarée et donc n’a presque aucun droit : pas d’heure supplémentaire reconnue, pas de droit aux congés, pas de droits en cas de maladie…et une inégalité de salaire avec les travailleurs déclarés qui sont collègues (exemple, dans la vente en boulangerie). Et si notre salaire est payé en retard, comment se plaindre ?
Au niveau de notre quotidien, chaque déplacement est plus difficile et on le vit dans la peur d’un contrôle et d’une arrestation !
Une autre femme qui a des enfants ajoute :
A la période des vacances, nos enfants entendent les autres parler de vacances, mais pour eux, cela n’existe pas ; même leurs grands parents, ils ne les ont jamais rencontrés, ils ne les connaissent qu’au téléphone !
Une femme sans-papiers qui est hébergée chez son employeur est souvent victime d’abus : du travail à rallonge, garder les enfants des patrons le week-end, être disponible à toute demande de l’employeur ! Certains profitent même de la situation pour nous imposer des humiliations. Mais une femme qui vit avec un conjoint qui la maltraite, subit son pouvoir aussi, parfois celui de la belle famille, cela peut aller jusqu’à être esclave !
Pour la santé aussi, nous avons du mal à nous faire soigner : certains médecins refusent l’aide médicale d’état, alors on n’a pas les moyens de se soigner !
Et la circulaire Vals, qu’est ce que vous en pensez ?
C’est un recul pour nous les femmes, car quel employeur va nous donner les 12 fiches de paie qui prouvent notre travail, alors que nous travaillons au noir, et que les patrons n’ont aucun intérêt à nous déclarer ? C’est une politique proche de celle du FN, mais Marine Le Pen, elle au moins, elle le dit ouvertement ! ».
Malgré toutes ces difficultés, les femmes sans-papiers sont des femmes qui luttent !
Ensemble, nous organisons une nouvelle projection-débat (en non-mixité) autour du film « D’égale à égal », sur le syndicalisme, samedi 23 février à 16h, local « Espace solidaire », cité Allende à St-Denis.
(1) Lire le compte-rendu de ce débat sur le blog de Femmes En Lutte 93

