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« Militant », par Paul Néaoutyine

Partisan N°265 - Mai 2013

Je vais avancer un concept qui n’est pas dans toutes les bou­ches mais que j’utilise fréquemment, il faut être acteur. Être acteur c’est une expression simple, une expression de tous les jours mais qui fait toute la différence. Elle est dérivée de ma conception de la notion de militant, elle est aussi plus large.

 

Je suis comme tout le monde, je mange, je bois, je dors, je respire, je vis. Mais qu’est-ce qui me pousse à m’occuper de politique, du bien commun, de l’avenir du pays et de nos enfants alors que je pourrais me contenter de « faire le coup de pêche », travailler huit heures par jour pas une seconde de plus et « m’éclater » sans me préoccuper du voisin ou de l’intérêt général ? C’est un choix. Dans ma vie, l’es­sentiel de ce que j’ai fait, je l’ai décidé. Jamais je n’ai accepté que quel­qu’un décide à ma place. La part du vécu non choisi est subie.
Qu’est-ce qui différencie un militant des autres ? Un militant décide de se battre, de poursuivre un idéal. On le qualifie souvent d’uto­piste. En tant que marxistes, nous avons adopté la philosophie maté­rialiste et dialectique. Nous savons que ce sont les conditions matérielles de notre existence, notre place dans les rapports sociaux qui s’imposent à nous et déterminent nos idées et nos choix. Nous sommes placés dans une situation coloniale et nous ne l’acceptons pas. Notre conscience s’éveille à la nécessité de la lutte. Nous vou­lons transformer les choses, l’ordre établi. Nous poursuivons un idéal, certains disent une utopie : l’indépendance et le socialisme. Personnellement je ne suis pas gêné d’être à la fois matérialiste sur le plan philosophique et de poursuivre un idéal ou une utopie. Pourquoi une utopie ? Parce qu’au moment où tu commences à te dire je vais transformer mon pays, changer la vie des gens, rien ne te permet d’af­firmer que tu vas y parvenir : tu n’as pas le rapport de force et tu ne sais pas encore quels sont les moyens que tu vas utiliser. Mais c’est cet espoir « utopique » qui te porte et t’amène à agir. Tu deviens mili­tant. Tu fais partie d’une organisation, tu deviens acteur.

 

Paul Néaoutyine, porte-parole du Palika (Parti de libération kanak)
Extrait de « L’indépendance au présent », Ed. Syllepse.

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