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Somalie : Grandes et petites pirateries
Partisan N°232 - Novembre 2009
Ces derniers mois, des pirates somaliens ont prétendu que des sociétés européennes déchargeaient des déchets toxiques au large de la côte de la Corne de l’Afrique. Un navire ukrainien qui avait été capturé puis relâché par les Somaliens avait reçu plusieurs millions de dollars en paiement de la part de ses propriétaires. L’argent, dit-on, a été utilisé pour nettoyer les saletés qui ont été larguées dans la zone.
Dans une déclaration rapportée par Al Jazeera, Januna Ali Jama, un porte-parole des pirates somaliens, a affirmé que la rançon acquise a servi de moyen « pour réagir aux déchets toxiques qui ont été continuellement largués sur le littoral du pays depuis presque 20 ans. » Jama, qui vit dans la région semi-autonome du Puntland, poursuivait : « La côte somalienne a été détruite et nous croyons que cet argent n’est rien, comparé à la dévastation que nous avons vue sur les mers. »
Dans le sillage du tsunami de la fin 2004, des preuves se mirent à apparaître, confirmant de telles activités de largage illégal dans la région. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) rapporta que le tsunami avait rejeté de vieux fûts rouillés contenant des déchets sur les rivages du Puntland, qui faisait officiellement partie de la Somalie avant l’effrondrement, en 1991, du gouvernement de Mohammad Siad Barre soutenu par les Occidentaux.
400 fois moins cher
Un porte-parole du PNUE, Nick Nuttall, informa Al Jazeera que c’est lorsque les barils rouillés furent ouverts par la force des vagues que les déversements, qui duraient depuis de nombreuses années, furent révélés. « La Somalie a été utilisée comme décharge pour des déversements dangereux qui ont débuté au début des années 1990 et se sont poursuivis tout au long de la guerre civile qui a frappé ce pays. Les compagnies européennes estimaient que c’était très bon marché de se débarrasser des déchets au prix ridicule de 2,50 dollars la tonne, alors que les dépôts de déchets en Europe réclament des montants de l’ordre de 1000 dollars la tonne », déclara Nutall. (...) « Il y a les déchets radioactifs d’uranium. Il y a le plomb et des métaux lourds comme le cadmium et le mercure. Il y a également des déchets industriels et des déchets d’hôpitaux, des déchets chimiques, et la liste est encore longue. »
Depuis que les conteneurs ont atteint le littoral, il y a eu une augmentation considérable de diverses maladies parmi la population, notamment des symptômes tels des saignements oraux et abdominaux, des infections cutanées et autres maladies. (...)
Mohammed Gure, président du Somalia Concerned Group, a déclaré (...) que l’impact social et environnemental de ces déversements de déchets toxiques se fera sentir durant des décennies. « La côte somalienne faisait vivre des centaines de milliers de personnes pour qui elle représentait une source de nourriture et un gagne-pain en général. Aujourd’hui, une grande partie en est presque détruite, principalement de la faute de ces prétendus ministres qui ont vendu leur nation en vue de se remplir purement et simplement les poches. »
L’impérialisme dans son ensemble
D’autres facteurs impliqués dans l’exploitation de la Somalie ont trait au fait que la voie maritime du golfe d’Aden voit passer des milliards de dollars de marchandises chaque semaine. Pratiquement rien de ces fonds n’est utilisé au profit du peuple somalien, qui souffre toujours du sous-développement résultant de l’ingérence américaine dans ses affaires internes. L’administration Bush a financé et organisé une invasion du pays par l’Ethiopie, pays allié à l’Occident, en décembre 2006. En raison d’une résistance opiniâtre, l’armée éthiopienne s’est retirée du pays en janvier 2009. La formation d’un gouvernement de coalition n’est pas parvenue à incorporer au régime tous les divers groupements politiques somaliens. (...)
Il faut s’opposer à la présence accrue de l’armée américaine. (...) En fait, l’histoire l’a prouvé, le rôle de l’impérialisme américain dans la Corne de l’Afrique a créé une instabilité et un sous-développement plus importants dans la région. C’est suite à la politique de l’administration Bush à l’égard de la Somalie qu’est apparue la pire des crises humanitaires que connaît aujourd’hui le continent africain. Au cours de la période actuelle, les forces progressistes doivent exiger une suppression du militarisme dans la Corne de l’Afrique et insister sur le droit à l’autodétermination de la région ainsi qu’à des réparations pour les peuples de la Somalie et de la Corne de l’Afrique dans son ensemble.
(Traduit par Jean-Marie Flémal pour Investig’Action ; intro, titre et inter-titres de Partisan)
