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Hollande plie-t-il devant le MEDEF ?

Partisan N°267 - été 2013

« Apprends à connaître ton ennemi, tu en sortiras renforcé », disait Mao tsé toung Le Medef est-il notre seul ennemi ? Concentre-t-il la puissance de la bourgeoisie ? Ou au contraire n’est-il, comme l’écrit dans son blog Jean-luc Mélenchon, « pas représentatif des entreprises… Il ne sert à rien de le flatter ni de le cajoler ». Il vise Hollande, qui se plierait par faiblesse aux patrons. Pour Mélenchon, avec un peu de volonté politique, l’Etat imposerait l’intérêt général, « le service public ».

L’Etat : de quoi on parle ?

L’Etat assure à la bourgeoisie sa domination. D’abord par l’exclusion du pouvoir des exploités, dont le seul rôle est de désigner des représentants sur lesquels ils n’ont plus de prise. Bourgeois, l’Etat l’est dans ses principes juridiques et constitutionnels qui sont ceux de l’économie capitaliste : la liberté d’entreprise, le marché, le droit de propriété, l’individu « libre ». Ce droit a été corrigé à la marge par la lutte des classes qui a imposé un droit du travail. L’Etat est détenteur de la violence légitime, armée, police, justice, qui assure dans les cas extrêmes la préservation de l’ordre social. Il permet aussi, parce que démocratique, de faire passer les intérêts de bourgeoisie comme étant ceux de la société. Ainsi, au nom de l’intérêt général de défense de l’emploi, Hollande se félicite des accords nationaux (ANI), ou d’entreprise (accords de compétitivité) qui détricotent les droits acquis par les luttes passées.

Et le Medef ?

Le Medef, Mouvement des entreprises de France, a succédé au CNPF (Confédération du patronat Français) en 1998. Remplaçant patrons par entreprises, le Medef prétend représenter non plus un groupe social, mais des entreprises porteuses des intérêts économiques de la nation. Il « capitalise » le travail idéologique de « la gauche » qui dans les années 1980 a revalorisé « l’entreprise », gommant la nature de classe de la production, après avoir effacé celle de l’Etat.

 

Le Medef est une confédération de branches, d’inégales puissances. La plus forte est celle de la métallurgie, l’UIMM, qui régresse au profit de celles de la finance et des services. Les branches ont des intérêts parfois contradictoires, du fait de la nature de leur marché, de leur structure capitalistique, ou de leur taille nationale ou internationale. Les entreprises impérialistes (en gros celles du CAC 40) sont au Medef (sauf Michelin qui refuse d’y adhérer), mais elles ont une organisation indépendante, l’AFEP (association française des entreprises privées), créée en 1982 sous l’impulsion du gouvernement Mitterrand. L’AFEP, discrète dans ses interventions, est bien plus écoutée par les gouvernements que le Medef.

Les rôles et moyens d’action du Medef

Le Medef et ses fédérations ont un rôle économique, social, et idéologique, vis-à-vis de l’Etat et des syndicats. Ses moyens pour peser sur les décisions sont divers, légaux ou non.

 

Pour qu’une loi soit conforme aux intérêts d’une branche ou des entreprises, le MEDEF ou l’AFEP peuvent proposer des amendements rédigés, soit à un ministère (surtout l’AFEP), soit au parlement par l’intermédiaire de députés (surtout le Medef). Ainsi lors d’une réforme du droit des étrangers, au début des années 2000, Peugeot et Renault ont proposé une reformulation de la loi (acceptée) afin qu’elle ne gène pas la gestion internationale de leurs cadres.

 

L’Etat et le gouvernement s’appuient sur l’« expertise » des fédérations du Médef ou des entreprises, pour édicter des normes concernant des produits ou des pratiques. Alors, industriels et Etat coopèrent au sein d’organismes (sensés être neutres, car « scientifiques ») chargés de la sécurité des médicaments, des risques du travail … Là existe une fusion entre l’administration et les entreprises qui y sont toujours sur-représentées et dictent leur recommandations. On en connaît les conséquences désastreuses en matière de santé (amiante, Médiator…).

 

Le Medef a une expertise « sociale » permettant de peser sur les grandes négociations sociales. Et au nom de la défense de l’économie française, il trouve dans les gouvernements, de droite ou de gauche, des interlocuteurs compréhensifs, car partageant leur « vision du monde ».

 

Le Medef a un rôle idéologique. Son Institut de l’Entreprise développe la « culture d’entreprise » par une action directe (université du Medef, colloques auxquels participent politiciens et syndicalistes) ou indirecte auprès des intellectuels, des professeurs d’économie ou en donnant un point de vue sur les manuels utilisés dans les lycées.

 

La fréquentation des syndicalistes dans divers organismes paritaires (Sécurité sociale), mais aussi au sein de divers instituts, permet aux capitalistes de renforcer l’adhésion des partenaires sociaux aux « bienfaits de l’économie libérale ».

 

Il y a les modes d’action occultes : les enveloppes données à certains syndicalistes (comme à FO), à des parlementaires ou à des partis, de droite, de gauche, d’extrême droite (GUD) ou même « d’extrême gauche » (OCI) par l’UIMM. Il y a la corruption « douce » faite d’avantages matériels divers (voyages, invitations mondaines) proposés à des syndicalistes, à de hauts fonctionnaires ou à des parlementaires.

Combattre notre ennemi à la racine :

Impossible de détruire le pouvoir de la bourgeoisie, seulement en occupant son Etat. Non seulement il faut le détruire pour imposer celui des exploités, mais il faut briser son pouvoir économique. Immédiatement, par son expropriation, et durablement par la lutte de classe contre la division sociale du travail tout au long de la transition socialiste.

 

La classe bourgeoise s’impose en faisant passer son intérêt comme l’intérêt général. Elle le fait grâce à l’Etat, mais aussi par une action idéologique à laquelle participent journalistes, scientifiques, intellectuels, réformistes. La classe ouvrière ne vaincra qu’en faisant valoir sa libération comme permettant l’émancipation de la majorité des hommes et des femmes ; non plus comme une mystification, comme avec la bourgeoisie, mais comme une réalité. Ainsi, elle est déjà classe dirigeante, avant de l’être dans l’Etat. Pour cela, elle doit s’organiser en Parti, quartier général et intellectuel collectif des exploités.

 

GF

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