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Qui condamnait Oslo il y a 20 ans ?

Partisan N°270 - Décembre 2013

Vingt ans après, on n’entend que condamnations et mots durs pour qualifier les accords israélo-palestiniens signés à Oslo. Echec total, piège pour les Palestiniens, absolument pas un frein à la continuation de la colonisation, etc. Mais en 1993, peu condamnaient Oslo. Il suffit de relire les Partisan de l’époque.

Ce qu’en disait l’OCML VP en Octobre 1993 dans le journal Partisan n°83 :

L’accord signé par la direction de l’OLP et le gouvernement sioniste a pris par surprise à la fois les militants palestiniens et l’opinion mondiale... Essayons de remettre les choses en place.
Cet accord est une trahison du projet palestinien.
On peut argumenter comme on veut sur les compromis parfois nécessaires avec l’ennemi (que nous ne rejetons absolument pas par principe), les étapes nécessaires à tout combat, cet accord précis est une trahison sans appel du projet palestinien tel qu’il avait été défini dans les années 70.
- Il y a reconnaissance de l’Etat d’Israël et l’abandon à leur sort des réfugiés de 1948 dont le retour n’est même pas envisagé à la différence de ceux de 1967.
- Il y a l’acceptation d’une « autonomie » totalement contrôlée économiquement et politiquement par Israël.
- Il y a un partage des tâches de répression avec la constitution d’une police palestinienne qui est au coeur du dispositif de l’accord avec les sionistes pour faire la preuve de sa viabilité.
- Il n’y a aucune remise en cause des implantations juives, du contrôle de la terre, de l’eau et des communications par les sionistes.
Enfin, l’accord laisse l’Etat sioniste maître du jeu pour ce qui est de l’avenir du processus, que ce soit pour les colonies ou pour l’extension de l’autonomie à l’ensemble de la Cisjordanie.
On est bien loin de la « Palestine libre, laïque et démocratique » qui avait fait trembler non seulement le sionisme mais l’ensemble des régimes réactionnaires arabes.
Cet accord est le résultat de la victoire de la bourgeoisie au sein de l’OLP, pas une victoire contre Israël.
Ce n’est pas vraiment une capitulation totale, comme le prétendent le Front du refus ou autres organisations radicales. Comme toute révolution démocratique, le mouvement national palestinien comportait depuis l’origine deux tendances. L’une progressiste qui visait à un projet social et libérateur au travers de la lutte nationale. L’autre qui visait seulement à permettre l’accession aux affaires et au pouvoir d’une bourgeoisie palestinienne alors opprimée économiquement et politiquement par le sionisme. L’accord est la concrétisation ultime de la victoire (déjà ancienne) de ce deuxième courant dans le mouvement national palestinien. (...). Seule la direction bourgeoise de l’OLP a su capitaliser l’Intifada. (...).
Cette victoire n’a été rendue possible que par l’absence d’une alternative progressiste. (...).
L’arrière-plan de l’accord est plus économique que politique.
Il est symptomatique que le texte de l’accord reste dans le flou plus qu’artistique pour ce qui est des questions très politiques, comme le retour des réfugiés, l’existence d’un Etat palestinien. Par contre il rentre beaucoup plus dans le détail des questions économiques et de la nature des relations entre Palestiniens et Israëliens à ce propos.
L’intérêt de la bourgeoisie israélienne est de s’ouvrir le marché arabe et proche-oriental, de réussir à rompre le confinement dans lequel elle se trouve depuis 1947. L’intérêt de la bourgeoisie palestinienne est d’arriver aux affaires, ce qu’elle attend depuis des décennies sur la base d’une diaspora riche et cultivée. (...)

 

Ce qu’en disait la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire – la mère du NPA) en Novembre 1993 dans le journal Partisan n° 84
A l’initiative de la LCR a eu lieu une rencontre-débat autour de l’accord Israël-OLP. Etaient présents à la tribune Abraham Serfaty, Walid Salim, militant palestinien, et Michel Warshawski, militant trotskiste israélien. (...)
Les trois interventions avaient une tonalité voisine : elles se situaient toutes sur le terrain politique, mais sans montrer l’arrière-fond économique et les intérêts de classe qu’elle sous-tend. De cette manière, le soutien ou l’opposition aux accords relève de l’acte de foi, d’analyses politiques, voire politiciennes, qui ne permettent pas de s’y retrouver. Si on ne situe pas au départ les accords et la reconnaissance mutuelle comme ceux de deux bourgeoisies (israélienne et palestinienne) pour le partage du pouvoir et des intérêts économiques, on risque fort de se tromper sur les espoirs de « mobilisation populaire » !
Serfaty, Warshawski et la LCR en général se situent en soutien critique aux accords et parlent de partir de là pour développer la mobilisation populaire. Comment peut-on être cohérent avec une analyse claire de ce que représentent les accords ? Comment peut-on affirmer qu’ils vont faciliter la remobilisation, alors qu’ils définissent ce partage des intérêts économiques ? (...)
Ne pas condamner l’accord, c’est hypothéquer l’avenir, entretenir la confusion dans une situation où, au contraire, l’exigence de clarté est absolue. En ce sens, les interventions de Walid Salim (comme le communiqué du FPLP) ont ce mérite : elles sont sans ambiguïtés.

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