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Racismes, islamophobie : politiques et manipulations de la bourgeoisie

Depuis plusieurs décennies en France et dans le monde, l’islam est perçu comme une menace. Les attentats de janvier n’ont été qu’un des événements dramatiques qui, de la guerre civile algérienne, en passant par le 11 septembre 2001, ont exacerbé la peur de l’islam. Et renforcé l’idée ancienne qu’il serait par « essence » incompatible avec la démocratie, comme le seraient les sociétés ou les groupes sociaux (donc ici en France) porteurs d’une culture et une histoire marquées par cette religion. Les personnes étiquetées comme « musulmanes » [1] sont de ce fait là stigmatisées, et quand elles ne se font pas violemment agressées, elles suscitent encore méfiance. C’est ce que l’on peut appeler l’islamophobie, littéralement la peur de l’islam.

 

Comment sont construites les discriminations par la bourgeoisie ? Quels rôles jouent-t-elles dans sa domination ? Comment les combattre en tant que communistes ?

 

Les classes dominantes organisent les préjugés populaires en racisme ou discrimination pour asseoir leur pouvoir ?

 

Les préjugés et les discriminations contre une fraction du peuple, du fait de son origine ou de sa religion, ne sont pas nés avec le capitalisme. Il a toujours existé des relations de concurrence, entre les groupes humains, entre villages, provinces, ou des hostilités, des craintes nées des différences de langue, de coutume, d’origine, qui ne sont pas comprises. Ces craintes, ces peurs, ne deviennent des instruments de domination politique et économique que par l’action de l’Etat, des pouvoirs religieux, dès le Moyen Âge. Mais c’est le capitalisme à son stade impérialiste qui les a le plus développés.

 

Au Moyen Âge, l’Église cultive la haine des juifs, en raison de leur religion (non de leur « race ») pour renforcer son pouvoir sur ses fidèles. Mais aussi parce qu’elle s’est endettée auprès de banquiers, notamment Juifs. Les rois de France, pour renforcer leur légitimité politique, disent devoir leur pouvoir de Dieu et s’appuient sur l’Église catholique. Après la Réforme protestante [2], ils font la guerre aux protestants qui contestent l’Église catholique, ébranlent un de leurs appuis idéologiques et politiques. En plusieurs occasions, les protestants sont massacrés et combattus [3], non pas pour des raisons religieuses, mais pour maintenir les fondements d’un pouvoir royal de « droit divin ».

 

Après la « découverte de l’Amérique », pour trouver la main d’œuvre permettant d’exploiter les ressources du nouveau continent, les puissances catholiques et protestantes européennes justifient l’esclavage des noirs, en s’appuyant sur la Bible, qui a condamné les descendants de Canaan, petit fils de Noé, à l’esclavage [4]. Or, selon la tradition chrétienne, les noirs auraient pour ancêtre Cham, père de Canaan. Leur esclavage n’est donc pas moralement condamnable, puisque établi par la Bible.

 

A la fin du XIXème siècle, le racisme se détache de la religion, au moment de l’expansion impérialiste européenne et du développement des sciences humaines. Le 24 novembre 1859, la publication de « L’Origine des espèces » par Charles Darwin jette les bases de la théorie de la sélection naturelle. Cette théorie établit que la nature sélectionne les espèces animales et végétales les mieux adaptées à leur environnement, les autres étant vouées à la disparition. Au départ, elle ne parle pas vraiment de concurrence entre espèces qui vouerait les moins adaptées à disparaître mais insiste plutôt sur l’adaptation des espèces, via la sélection progressive en leur sein des individus les plus adaptés à leur environnement, favorisés dans la reproduction.

 

Mais Herbert Spencer, un savant contemporain de Darwin, traduit cela comme la « sélection des plus aptes ». Son interprétation de la théorie de la sélection naturelle arrive à point nommé pour justifier les conquêtes coloniales, l’exacerbation des nationalismes. D’où son succès immédiat. Elle donne naissance au darwinisme social, un système idéologique qui voit dans les luttes civiles, les inégalités sociales et les guerres de conquête, rien moins que l’application à l’espèce humaine de la sélection naturelle.

 

La science est donc mise à contribution pour établir une hiérarchisation des « races » [5], dont la plus élevée est bien sûr celle des Européens. Les peuples des pays à coloniser sont inférieurs, immatures. Les colons vont leur apporter la civilisation, le bien être et le progrès, en les massacrant, en exploitant leur travail et les ressources de leur pays.

 

La domination bourgeoise par la division des prolétaires

 

Alors que les puissances européennes mènent une politique d’expansion coloniale, leurs prolétaires accèdent au suffrage universel masculin. Les bourgeois et leurs États ne peuvent plus les rejeter en dehors de leur système politique, comme au début du siècle alors qu’ils n’avaient aucun droit politique, puisque seuls pouvaient voter les plus gros propriétaires. Mais ils sont toujours une menace. La bourgeoisie tente de les neutraliser, non seulement en les réprimant, mais aussi en les intégrant au système politique démocratique [6].

 

La bourgeoisie présente alors aux ouvriers nationaux un ennemi encore plus menaçant. Cet ennemi, c’est l’ouvrier étranger. Celui qui vient travailler en France. Il est concurrent sur le marché du travail, il menace ses droits, son bien être, sa femme, il est violent… La domination idéologique et politique de la bourgeoise se construit donc à la fin du XIXème siècle et au début du XXème sur la xénophobie, « la peur de l’étranger », et sur le nationalisme outrancier.

 

La République bourgeoise accorde des droits aux ouvriers selon la préférence nationale. Elle organise la division des prolétaires en donnant des droits aux uns et en désignant les autres, les étrangers, comme une menace pour ces droits. Les premiers droits sociaux sont donc réservés aux nationaux : retraite, indemnisation en cas d’accident du travail, droit d’association, plus tard éligibilité en tant que représentants du personnel [7]. Cette discrimination n’est pas basée sur un argument racial, car les étrangers sont alors des Européens : Italiens, Belges, Polonais…

 

La majorité de la classe ouvrière, bien que opposée dans ses intérêts économiques à la bourgeoisie, adhère à cette politique xénophobe. Dans les années 1930, la CGT, syndicat réformiste dirigé par les socialistes, défend la préférence nationale, la fermeture des frontières. Seule la CGTU [8], dirigée par les communistes, ne rentre pas dans ce jeu, affirmant qu’il n’y a pas des étrangers et des nationaux, mais « des travailleurs d’un seul pays : le prolétariat ».

 

La crise économique des années 1930 provoque une hausse du chômage qui active la xénophobie. Les ouvriers étrangers sont expulsés par le gouvernement dans l’indifférence générale. Plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers polonais, des mineurs du Nord, sont renvoyés chez eux en 48 heures par trains entiers. Après les grèves du Front populaire, le gouvernement de gauche expulse près de 500 grévistes étrangers, et interdit l’Etoile nord-africaine [9].

 

La bourgeoisie utilise le racisme comme justification de la conquête coloniale, et la xénophobie à usage interne pour diviser et désarmer le prolétariat. Ces deux politiques fusionnent dans le culte de la République française, grande, forte, humaine et généreuse, entretenant dans le prolétariat français chauvinisme et racisme.

 

Construction des identités « immigrée », puis « musulmane », contre l’unité de classe ?

 

Après la deuxième guerre mondiale, le capitalisme français se reconstruit et connaît une forte croissance. Les colonies accèdent à l’indépendance grâce aux guerres de libération [10]. Le recrutement des ouvriers étrangers et l’attitude idéologique de la bourgeoisie changent.

 

Jusqu’aux années 1960, parmi les travailleurs étrangers, les Européens sont majoritaires [11]. Le terme « immigré » ne les désigne pas, et les ouvriers algériens sont encore des sujets français. La croissance économique de l’Italie et de l’Espagne oblige ensuite à recruter les nouveaux travailleurs en Afrique, au Maroc, en Tunisie, puis en Afrique noire, même si de nouveaux pays européens, comme le Portugal et la Yougoslavie, en fournissent un grand nombre. Ce n’est que dans les années 1960 que le qualificatif d’immigré s’impose pour les ouvriers étrangers, effaçant le caractère multinational de leurs origines, de leurs expériences et de leurs cultures.

 

Ces nouveaux ouvriers occupent des postes peu qualifiés dans les régions industrielles : région parisienne, Rhône Alpes, Nord et Est. Dans les usines automobiles de la région parisienne, au début des années 1970, les étrangers sont majoritaires parmi les OS [12]. Ces ouvriers spécialisés mènent alors des grèves longues et répétées contre leurs conditions de travail partout en France [13].

 

La bourgeoisie et ses médias [14]
qualifient les grèves de Renault et quelques autres de « grèves d’immigrés ». Cette dénomination n’est pas neutre. Elle divise, alors que ces grèves concernent en France des travailleurs non qualifiés de toutes origines et genres. Elle les dit ainsi étrangères à la condition de tous les ouvriers en France. Pour beaucoup de gens, y compris des travailleurs, ce sont des grèves d’« arabes », ce qui renvoie « au travail d’arabe », raciste. En insistant sur l’origine étrangère de certains grévistes, la bourgeoisie contribue à ce que d’autres ouvriers ne s’identifient pas à leur combat.

 

En 1983, secoué par les dernières grandes grèves des OS de l’automobile, le gouvernement PS les dit causées par des agitateurs musulmans et donc étrangères à la réalité française [15]. C’est encore une manière de diviser la classe ouvrière, mais aussi de rassembler les couches petites bourgeoises déçues de sa politique sociale [16], en agitant la peur de la révolution islamique iranienne. Dès lors la question de « l’islam » devient un thème central dans le débat politique et les campagnes idéologiques de la bourgeoisie.

 

Pourquoi l’Etat construit le « musulman » comme menace ?

 

Dans les années 1980, il devient clair que les ouvriers étrangers, en particulier d’origine africaine, ne sont pas « de passage », comme le pensaient tous les partis politiques [17].
La « Marche pour l’égalité » de la « deuxième génération » [18] affirme que les enfants d’immigrés sont des Français, exigeant d’être traités comme tels en droit. De même beaucoup d’immigrés plus âgés sont devenus Français.
La religion musulmane, présente en France depuis longtemps, devient une religion de Français qui veulent pouvoir la pratiquer conformément aux principes de la laïcité, c’est-à-dire sans entrave. Et cela bouscule une « idéologie nationale bourgeoise » qui, bien que laïque, considère que la démocratie est un héritage européen, marqué par les valeurs chrétiennes.

 

Des événements internationaux mettent aussi l’islam au cœur des débats. La victoire de la révolution islamique en Iran, la faillite des États dits nationalistes arabes et progressistes, comme l’Algérie. Cette faillite bénéficie à l’islam politique qui apparaît alors comme la seule alternative pour ces pays, où des pseudo-communistes se sont compromis avec les régimes discrédités qui les ont pourtant souvent réprimés. La montée de l’islam politique [19], et surtout de ses courants les plus réactionnaires, soulève des craintes dans la petite bourgeoise française mais aussi plus largement. Pourtant, jusqu’à la fin des années 1970, l’islam, y compris politique, est bien vu par les bourgeoisies impérialistes occidentales qui soutiennent les combattants afghans contre l’URSS et entretiennent d’excellentes relations avec l’Arabie saoudite.

 

Le retournement se produit alors que la bourgeoise française, affaiblie économiquement et politiquement, cherche à consolider un consensus national qui ne peut plus passer par la croissance, comme dans les années 1960, et par des réformes (nationalisations) qui ne modifient en rien la condition des ouvriers. Pour renforcer son crédit politique, elle exploite donc la peur de l’islam, qu’elle suscite en le dénonçant.

 

Toutefois, elle est gênée pour désigner les immigrés et leurs descendants, qui sont pour moitié des Européens, comme étant la menace. Dans leur majorité, ils sont maintenant des Français et disposent de droits politiques. Ils votent ou peuvent voter. Ils le font surtout pour le PS. La bourgeoisie ne peut pas exploiter directement le racisme classique anti-arabe [20], car elle recherche des alliances et des débouchés dans leurs pays d’origine. Elle ne peut pas plus désigner l’islam en général comme la menace, et cible seulement les intégristes. Elle fait campagne contre « le terrorisme  ». Cela commence dans les années 1990, avec la guerre civile algérienne, s’accentue après septembre 2001, et s’affirme après les attentats de janvier à Paris.

 

Politiques de la bourgeoisie : stigmatiser les « musulmans » et mettre leur religion au service de sa domination !

 

La bourgeoisie et ses gouvernements de droite et de gauche poursuivent deux objectifs convergents qui visent à renforcer sa domination idéologique minée par la crise, ainsi que la politique économique et sociale qu’elle met en œuvre.
D’abord elle demande aux « musulmans », ou ceux désignés comme tels, de manifester leur adhésion à la République, comme le 11 janvier et après, en se désolidarisant des terroristes. Elle cherche aussi à organiser le culte musulman, pour que ses instances religieuses jouent le même rôle de pilier idéologique de sa domination que les Eglises chrétiennes, ou le Consistoire juif [21]. En 2005, Sarkozy crée le Conseil français du culte musulman, que maintenant Valls cherche à reformer. Cela est d’autant plus indispensable pour la bourgeoisie que ceux qui se reconnaissent dans l’islam sont plus prolétaires que ceux qui se réclament des autres religions, et surtout bien plus jeunes. Les institutions religieuses doivent donc apporter leur pierre au rafistolage de la domination bourgeoise et à la paix sociale.

Mais l’Etat doit aussi utiliser la peur suscitée par les crimes de ceux qui se réclament d’un islam radical, pour rassembler la société, les petits bourgeois, une partie des ouvriers, sous l’aile protectrice de l’Etat, de son bras armé. D’où les lois sécuritaires, qui sont autant des armes idéologiques à destination de la majorité que des armes de répression.

 

Les réactions populaires et les enjeux pour la bourgeoisie

 

Même si la bourgeoisie ne cherche pas à désigner tous les « musulmans » comme des ennemis, le résultat de sa politique est tout autre. Elle conforte les préjugés racistes existants, puisque derrière le « musulman », il y a l’« arabe » et derrière l’arabe surtout l’Algérien. Et le racisme, la stigmatisation, par réflexe légitime de défense, encourage le repli identitaire des discriminés.

 

La bourgeoisie et ses médias demandent aux immigrés ou à ceux d’origine immigrée, qu’ils soient musulmans ou non, de culture ou de pratique, croyants ou athées, qu’ils se désolidarisent des tueurs de Charlie Hebdo et de l’épicerie Cacher. Ils leur disent ainsi que, quel que soit leur lien effectif à la religion, ils doivent, de par leur origine, toujours et encore apporter la preuve qu’ils sont de « bons Français ». C’est-à-dire des démocrates, respectueux des autres, et nullement antisémites. Ces travailleurs comprennent bien que leur qualité de Français reste entachée d’un soupçon. Ils reçoivent l’injonction d’être « Charlie » comme un racisme dissimulé.

 

Le Noir, l’Etranger, le Juif, l’Arabe, le Musulman, en tant que catégories essentialisées [22], sont construites à des fins de division des prolétaires et de renforcement de la domination de la bourgeoisie. Le choix de la menace désignée : étranger, juif, immigré ou musulman, répond aux contraintes idéologiques et politiques qui sont imposées par l’histoire [23] et par les intérêts politiques nationaux et internationaux de la bourgeoisie. Il existe bien sûr des noirs, des étrangers, des juifs, des arabes, des musulmans, mais ces groupes ne sont pas homogènes. Ils sont divisés en classes, en cultures différentes, en histoires différentes [24].

 

Si cela est construit, cette construction et son utilisation politique ont des effets politiques réels et poussent ceux qui se sentent attaqués à se défendre comme tels, et quelquefois à se replier sur leur « communauté ». L’assignation raciste ou discriminatoire pousse certains à retourner en affirmation positive la discrimination subie, entre autres dans l’affirmation religieuse.

 

Comment combattre l’islamophobie

 

La bourgeoisie construit le « musulman » comme une réalité qui se combine aux vieilles idéologies xénophobes ou racistes présentes dans la société et parmi les travailleurs. Mais si ces réalités sont construites pour masquer les contradictions de classe, les communistes ne peuvent pas les ignorer. Si certains se sentent attaqués en tant que « musulmans », il ne faut pas faire comme si ce n’était pas le cas, au prétexte que ça masque une attaque en tant que prolétaires.

 

La bourgeoisie française affaiblie cherche, dans la construction d’un ennemi menaçant nos valeurs « démocratiques », la restauration d’une unité nationale. Valls ne craint pas d’affirmer que l’élection présidentielle de 2017 se fera sur la « question des valeurs », donc sur leur défense face à la menace « islamique ». La politique bourgeoise encourage la division de deux façons. D’abord, en entretenant les préjugés racistes parmi la majorité de « tradition chrétienne », et ensuite en poussant au repli identitaire religieux ceux discriminés comme « musulmans ». En effet depuis 1989 et la première affaire du voile à Creil, la stigmatisation des « musulmans », les mesures législatives et les débats sur la laïcité ont puissamment contribué au retour à la religion d’une partie de la jeunesse de France. Même si la plupart des prolétaires et des ouvriers actifs dans les luttes sociales ne se déterminent pas en fonction de leur croyance (s’ils en ont une), mais en fonction de leur condition sociale, dans l’usine, dans les quartiers.

 

Pour développer l’unité des exploités contre leurs exploiteurs, les communistes se battent sur deux fronts. Ils combattent l’islamophobie mais ne défendent pas ceux stigmatisés comme « musulmans » en tant que « croyants » ou « musulmans ». Ils ne rentrent pas dans un débat sur l’islam et ses contradictions.

 

Cinq types de tâches s’imposent à nous. Difficiles, car à contre-courant avec un flux réactionnaire alimenté par la bourgeoisie.

 


- Les communistes doivent d’abord clairement se dissocier des politiques de stigmatisation « des musulmans ». Nous exigeons donc de l’Etat la neutralité religieuse : liberté de pratique des cultes comme des manifestations d’athéisme. Nous combattons les relents racistes de la société française, hérités du colonialisme, comme les préjugés chauvins sur la grandeur de la France, patrie des « droits de l’Homme », qui a une longue tradition réactionnaire. Nous dénonçons une laïcité qui n’est plus qu’un instrument idéologique d’unité nationale, contre une menace « musulmane » construite comme repoussoir. Ce sont là pour nous des tâches « négatives », c’est-à-dire de démarcation par rapport à la bourgeoisie.

 


- En positif, nous construisons l’unité des prolétaires dans la lutte des classes, sur leurs intérêts communs économiques, sociaux, politiques. Cela en luttant en même temps contre les oppressions spécifiques que subissent certains travailleurs, et contre tous les préjugés existant parmi les prolétaires ou cultivée par l’Etat ou les médias (de culture, de religion, d’origine). Nous affirmons que dans ce combat de classe ce qui compte n’est pas la croyance, mais l’attitude pratique : solidarité, camaraderie, fraternité, combativité, refus des discriminations de sexe ou de genre. Cela valant aussi bien pour les athées, les chrétiens, ou les musulmans.

 


- Dans notre lutte contre l’islamophobie, comme toutes autres formes de racisme, nous nous attachons à organiser autour des intérêts des exploités. Nous rejetons toutes formes d’alliances avec des courants religieux réactionnaires et affirmons que toutes les victimes de l’islamophobie, directe ou indirecte, n’ont pas les mêmes intérêts.

 


- La religion n’est ni le problème ni la solution. Le retour vers la religion, dans un contexte islamophobe et antisémite par exemple, exprime pourtant le besoin d’une communauté protectrice, bien qu’illusoire. Aussi, nous ne contrecarrons pas le retour vers la religion, par une lutte frontale contre les croyances, attitude qui ne pourrait être comprise que comme un soutien aux campagnes de la bourgeoisie. Nous ferons reculer le « besoin religieux » d’abord en offrant aux prolétaires de toutes origines « une communauté » alternative à tous les replis identitaires religieux ou nationalistes. Nous le faisons dans la lutte contre les causes réelles des maux dont souffrent les exploités de toutes origines (exploitation ou discrimination). Nous construisons leur unité politique dans l’organisation ou le Parti. Nous le faisons aussi en faisant vivre cette unité, politiquement et idéologiquement, dans le quotidien. Comme l’expression d’une communauté de classe partageant des valeurs incarnées dans des pratiques communes de solidarité sociale et internationaliste et de résistance à toutes les formes d’oppressions (dans les associations de quartiers, dans le sport, à l’atelier, dans les loisirs et les fêtes communes…).

 


- La lutte contre l’islamophobie fait partie de la lutte contre toutes les discriminations et divisions de la classe (sexisme, LGBTphobies, antisémitisme...). Mais l’islamophobie, comme racisme antimusulman, puise aussi ses origines dans l’histoire coloniale de la France et se nourrit, comme nous l’avons déjà dit, des préjugés formés à cette époque et qui sont encore vivaces. Elle vise les arabes et les noirs, des personnes originaires de pays dominés par l’impérialisme, qu’ils soient ou non musulmans. Nous dénonçons sans faiblir les interventions impérialistes dans les pays arabes qui, sous prétexte de lutte contre la « barbarie islamiste », perpétuent la domination des peuples anciennement colonisés. Dans cette lutte nous nous opposons à tous ceux qui propagent une vision confessionnelle des conflits en France ou dans le monde. En partageant et en propageant aussi la mémoires des luttes passées ici en France ou contre l’impérialisme français dans leur pays, nous contribuons au développement d’une conscience de classe internationale et anti-impérialiste vivante.

 

Ainsi nous travaillons à créer une organisation ouverte aux prolétaires de toutes origines travaillant à construire « une communauté » alternative à tous les replis identitaires, une société débarrassée de l’exploitation et de l’oppression : une société communiste.

[1Nous utiliserons le terme musulman entre guillemets pour qualifier la construction par la bourgeoisie d’une image stigmatisante, sans rapport avec l’identité vécue par les personnes.

[2Au XVIème siècle, la Réforme protestante est une volonté de retour aux sources du christianisme et aussi un besoin de considérer la religion et la vie sociale d’une autre manière. Elle dénonce la corruption de l’Eglise et de toute la société. Commencée par Martin Luther en Allemagne et plus tard Jean Calvin à Paris et Genève, la Réforme touche la majeure partie de l’Europe du Nord-Ouest. Elle a aussi un caractère politique. C’est un moyen pour les princes d’affirmer leur indépendance face à une papauté revendiquant une théocratie universelle, ou, pour les peuples, une révolte contre un souverain mal accepté, comme en Écosse et aux Pays-Bas espagnols. La Réforme se traduit donc au XVIème siècle par de nombreux conflits et par des guerres civiles en France, en Angleterre et en Écosse.

[3Le massacre de la Saint-Barthélemy est le massacre de protestants déclenché à Paris, à l’initiative du roi, le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélémy. Il dure plusieurs jours dans la capitale et s’étend à plus d’une vingtaine de villes de province durant les semaines suivantes. Comme toujours le facteur religieux n’est qu’un mobile secondaire. Le massacre est la conséquence aussi des contradictions au sein de la noblesse française entre catholiques et protestants. Mais aussi d’une réaction populaire, ultra-catholique. Il reflète également les tensions internationales entre les royaumes de France et d’Espagne, ravivées par l’insurrection aux Pays-Bas.

[4« Maudit soit Canaan ! Qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères ! ». La Bible, Genèse, 9:25-27.

[5Le darwinisme social considère légitime que les « races humaines » et les êtres les plus faibles disparaissent et laissent la place aux races et aux êtres les mieux armés pour survivre. Elle prône également l’eugénisme, c’est-à-dire l’amélioration de l’espèce humaine par une sélection à la naissance ou à la conception, à la façon dont procèdent de toute éternité les éleveurs de bétail.

[6Les trois révolutions du XIXème siècle en France, celle de 1830, de 1848, et de 1871 (La Commune de Paris) se font au nom des droits démocratiques, même si la dernière, la Commune, porte des aspirations sociales affirmées. La bourgeoisie, après l’avoir écrasée, accordera non seulement les droits politiques au prolétariat, mais aussi des droits sociaux, en même temps que l’accès à l’éducation publique qui va permettre de développer le sentiment d’appartenance nationale et le chauvinisme.

[7Tous les ouvriers étrangers ne deviennent éligibles en tant que Délégué du Personnel et aux Comités d’Entreprise qu’en 1972. Ils n’obtiennent le droit d’association qu’au début des années 1980.

[8La CGT Unitaire est née après l’exclusion des syndicats révolutionnaires par la majorité réformiste de la CGT. Ils se constituent en 1922 en une Confédération générale du travail unitaire (CGTU), qui travaille alors en étroite collaboration avec le Parti communiste et rejoint l’Internationale syndicale rouge (ISR). A partir de 1934, la CGTU propose la réunification syndicale à la CGT, suivant en ce sens la stratégie décidée par l’Internationale communiste afin de lutter contre les fascismes. Les deux confédérations coexistent alors jusqu’à leur réunification en 1936.

[9L’Étoile nord-africaine (ENA) est fondée en France en 1926 par un noyau de travailleurs émigrés, devenue par la suite un parti politique indépendantiste. Son fondateur est alors membre du Parti communiste, et l’organisation en est proche. Elle rompt avec lui en 1927. Elle est interdite par le Front populaire (qu’elle avait soutenu) en 1937.

[10Toutes les colonies françaises d’Afrique noire accèdent à l’indépendance en 1960, l’Algérie en 1962 après 8 ans de guerre.

[11Actuellement 48 % des ouvriers étrangers sont encore des ouvriers européens.

[12OS : Ouvriers spécialisés. Ce sont les ouvriers qui sont affectés à une tâche simple et répétitive, contrairement aux ouvriers professionnels. Ils sont payés non pas en fonction de leur qualification, mais selon la qualification attribuée à leur poste de travail, quelle que soit par ailleurs leur compétence effective.

[13Grèves de Renault en région parisienne et au Mans, Peugeot Sochaux, Joint Français en Bretagne, Lip à Besançon, femmes de la confection en Vendée…. Etc.

[14Mais aussi des organisations d’extrême gauche.

[15« Les immigrés sont agités par des groupes religieux et politiques » déclare Mauroy (Le Monde du 29 janvier 1983). Interview à Nord Eclair : « Les principales difficultés qui demeurent sont posées par les travailleurs immigrés dont je ne méconnais pas les problèmes mais qui, il faut le constater, sont agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises ».

[16En 1983, le gouvernement de gauche change de politique, instaure la rigueur, et commence à revenir sur des promesses faites antérieurement. Le chômage se développe.

[17En particulier le Parti communiste français.

[18« Deuxième génération » est une construction identitaire de la bourgeoisie pour la première, parce que ces enfants ne sont pas la deuxième génération de quoi que ce soit, plusieurs générations d’étrangers s’étant déjà établie en France et ayant elles mêmes eu des enfants. Ce terme tend à effacer l’histoire réelle des ouvriers étrangers.

[19L’islam politique désigne l’ensemble des courants idéologiques qui visent à l’établissement d’un État fondé sur les principes de l’islam, que ce soit à l’échelle d’un pays ou de la communauté musulmane (oumma) toute entière. En règle générale, il s’agit d’un synonyme d’islamisme, qui insiste plus sur la caractérisation politique de ces mouvements que sur leur aspect proprement religieux.

[20Toutefois Giscard d’Estaing avait envisagé d’expulser 500000 Algériens, pour faire baisser le chômage. Il y renonça par suite de l’impossibilité technique et politique de le faire sans se mettre à dos une bonne partie de l’opinion et les pays arabes, dont l’Algérie en premier.

[21Le Consistoire central israélite de France est l’institution créée en 1808 par Napoléon Ier pour administrer le culte israélite en France, sur le modèle des deux autres religions officielles (catholique et protestante). Il nomme le grand rabbin de France. Il demeure l’institution officiellement représentative de la religion juive de France. Il ne faut pas le confondre avec le Conseil représentatif des institutions juives de France qui est une association.

[22L’essentialisation, c’est réduire un groupe social, une personne, une religion, à un caractère unique qui les définirait entièrement de façon immuable. L’essentialisation est une forme d’idéalisme, que Marx a critiqué à propos des religions.

[23Le racisme biologique ne peut plus autant être utilisé, comme l’antisémitisme, par l’Etat. Bien que le racisme biologique réapparaît, porté par des scientifiques américains. Ainsi le prix Nobel de médecine James Watson a pu dire au Sunday Times qu’il était « profondément pessimiste sur le futur de l’Afrique ». Parce que, a-t-il dit, « toutes nos politiques de développement sont basées sur le fait que leur intelligence [celle des Africains] est la même que la nôtre [Occidentaux blancs], alors que tous les tests disent que ce n’est pas vraiment le cas ». « Ceux qui ont eu affaire à des employés noirs », a-t-il ajouté, « savent ce qu’il en est ».

[24Par exemple, culturellement, il y a peu en commun entre un Algérien, un Malien, un Indonésien, … bien que tous aient pu être des « musulmans ». Pas plus qu’entre un prince koweitien et un paysan du Nil.

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