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Les étrangers de la Commune de 1871

Partisan N°219 - Avril 2008

« Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; Considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyens aux étrangers qui la servent (…) Considérant que le titre de membre de la Commune est une marque de confiance plus grande encore que le titre de citoyen (…) La commission est d’avis que les étrangers peuvent être admis (…)
Rapport de la Commission des élections de la Commune de Paris - 30 mars 1871

Deux mille étrangers grossissent les rangs des communards :
majoritairement des Belges, Luxembourgeois, Polonais, Italiens, Hongrois, mais aussi quelques Suisses, Roumains, Espagnols, Américains, Allemands, Hollandais, Autrichiens, Danois, Anglais, Russes, Turcs, Egyptiens, Haïtiens, et, enfin, des noirs et des arabes qui, après avoir été enrôlés dans les colonies et jetés les premiers contre les troupes prussiennes, sont de la partie.

Des étrangers se retrouvent ainsi à des postes dirigeants. Deux officiers polonais, Dombrowski et Wroblewski, sont à la tête de troupes importantes, la Légion fédérale belge occupe des fonctions dans l’armée de la Commune, annonçant les futures Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Un Hongrois, Léo Frankel, fait office de premier ministre du Travail. Membre élu de la Commune et nommé à la commission du travail et de l’échange, il est à l’initiative des premières mesures sociales du mouvement communaliste, comme la suppression du travail de nuit dans les boulangeries et l’exploitation, par l’association coopérative des ouvriers, des ateliers abandonnés par leurs propriétaires, ou encore l’interdiction des amendes et retenues sur salaires. Intéressé par le sort des femmes, il est en relation avec une jeune Russe, correspondante de Marx, Elisabeth Dmitrieff, qui fonde, avec Nathalie Le Mel, l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés.
Quelle leçon d’internationalisme en ce début du XXIe siècle où des mesures et des lois présentent certains étrangers comme indésirables, où l’on parle de quotas, d’immigration choisie, où l’on décide l’expulsion annuelle de 25 000 étrangers, où la loi incite les étrangers à faire pratiquer des tests ADN pour le regroupement familial !

Aujourd’hui le gouvernement fiche l’étrangers sans papiers, peut consulter les noms de ceux qui les ont un jour hébergés. Que dire des centres de rétention où s’entassent des étrangers en attente de leur éventuelle expulsion, une attente qui pourrait être prolongée jusqu’à dix-huit mois.
Pendant la Commune de Paris, face à la république haineuse de Thiers, et au journal Le Figaro qui réclame l’exécution, après jugement sommaire, des généraux polonais, les étrangers mêlés aux Fédérés ont fièrement brandi le drapeau rouge de l’internationalisme et de la République universelle.

Cet article est largement inspiré de ceux de Marcel Cerf et Thérèse Gourmaud paru dans la revue de l’Association des Amis de la Commune de Paris (1871)
[http://lacomune.perso.neuf.fr>http://lacomune.perso.neuf.fr/pages/parent.html]

Pour en savoir plus sur ce premier « gouvernement de la classe ouvrière », lisez notre brochure : 1871, Au nom du peuple la Commune est proclamée.
A commander à notre boîte postale.

Walery Wroblewski, un général de la Commune

Wroblewski est né le 5 décembre 1836 à Zoludek, aux confins nord-est de la Pologne. Au cours de ses études il entre en contact avec les démocrates révolutionnaires russes, ce qui influence sa formation politique. Puis, il travaille dans la région de Grodno en militant, en même temps, pour ses idées sociales. Quand, en janvier 1863, éclate l’insurrection contre la domination russe, le jeune Walery y prend une part active en commandant un groupe de maquisards.
Après la défaite de l’insurrection et la répression qui a suivi, il passe quelques mois en Galicie (sous domination autrichienne) ; ensuite, comme beaucoup de ses compatriotes, il se réfugie à Paris. Il y exerce différents petits métiers. Il n’abandonne pas l’activité politique, adhère (1866) à l’Union des démocrates polonais qui lutte pour une Pologne « bâtie des mains de ses travailleurs » et libérée de la domination tsariste.

Après la chute de Napoléon III et la restauration de la république, avec un groupe de militaires polonais, il propose au général Trochu la formation d’une légion polonaise pour la défense de Paris contre les Prussiens. Trochu refuse car il a, en réserve, son fameux plan de défense qui se soldera par une totale défaite. Pour lutter contre l’envahisseur, Wroblewski entre dans la Garde nationale — une Garde formée de volontaires souvent venus du petit peuple parisien.
Début avril 1871, il devient le commandement de la cavalerie des Fédérés sur la rive gauche de la Seine. Ses connaissances militaires, sa bravoure sont ensuite mieux utilisées. Puis, on lui confie la direction de l’armée dite du centre avec le titre de général.

Le 11 mai, à la tête des 105e et 187e bataillons fédérés (qui comptent beaucoup de Polonais), il reprend le fort de Vanves aux Versaillais. Il s’y maintient deux jours malgré des tirs d’artillerie très violents. Il doit évacuer le fort en raison de la puissance du feu ennemi et de l’effectif très réduit de ses propres forces.
Wroblewski, pendant la Semaine sanglante, oppose une résistance acharnée aux attaques versaillaises dans le XIIIe arrondissement. Replié sur le XIe arrondissement, place du Château-d’Eau, mais les hommes valides et les munitions manquent. Il continue la lutte comme simple garde national.

Combattant de l’Internationale.

Après la chute de la Commune, Wroblewski réussit à se cacher quelques mois à Paris. Puis il se réfugie à Londres où se trouvent déjà de nombreux Communards. Il monte une petite imprimerie, mais sa situation matérielle est très difficile. Marx et Engels, qui ont une très grande estime pour ce vaillant général de la Commune, lui viennent souvent en aide. Le 30 août 1872 à Paris, les massacreurs de la Commune le condamnent à mort par contumace.

Membre du Conseil de l’Internationale, il devient secrétaire-correspondant pour la Pologne. Il assiste au Ve Congrès de l’Internationale à La Haye (septembre 1872) comme délégué du Conseil général et de la section polonaise. Il vote l’exclusion de Bakounine. Au cours d’un séjour à Genève, il noue des contacts avec le groupe des révolutionnaires russes animé par Lavrov. Il participe également aux travaux de l’émigration polonaise, surtout dans le cadre de l’Association du Peuple polonais. Après Londres, pendant quelques années, Wroblewski habite en Suisse.
En 1885, il revient en France, il travaille à Paris comme imprimeur à la Lanterne et comme contrôleur des ventes à l’Intransigeant, en maintenant ses contacts politiques et ses activités patriotiques, jouissant d’une énorme popularité auprès des émigrés polonais.

Wroblewski meurt le 5 août 1908. Lors de ses obsèques des milliers de personnes, arborant l’églantine et la cocarde rouge, suivirent le convoi de la gare d’Orléans au cimetière du Père Lachaise. La Fédération socialiste de la Seine, la Fraternelle des Anciens Combattants de la Commune, le Parti socialiste révolutionnaire russe, le Parti socialiste polonais, de nombreuses organisations syndicales et ouvrières, des anonymes français ou polonais rendirent un dernier hommage au combattant de la liberté, fidèle à la devise polonaise : « Pour la liberté, la nôtre et la vôtre » et à l’internationalisme prolétarien.

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