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Notre lutte pour l’emploi

Partisan N°230 - été 2009

FAUT-IL DÉFENDRE L’EMPLOI « INDUSTRIEL » ?

Les restructurations provoquent des vagues de licenciements, développent la précarité, la misère à une échelle inconnue depuis avant guerre.
Partout, dans les villes, grandes ou petites, dans les métropoles ou les régions, des usines ferment, des ouvrières et ouvriers sont envoyés au chômage, c’est la détresse et le désespoir quasi-total. Des familles sont brisées, des enfances sont piétinées, des centaines de milliers d’ouvriers sont réduits à néant par le talon de fer du capital. Partout, c’est la colère, explosion ou pas, c’est l’insupportable d’une société où l’on voit les patrons et les ministres parader à la télé, où Sarkozy se permet de se vanter « aimer l’argent », où des millions d’euros sont distribués à nos exploiteurs, alors qu’il faut survivre avec 800 euros, voire le RMI.

Les restructurations (« la crise ») provoquent également un bouleversement dans l’économie mondiale. Il existe ce qu’on appelle une « division internationale du travail », avec une spécialisation. Dans le cadre de cette « division internationale du travail », les restructurations se succèdent, accélérées par la crise. D’où les délocalisations, des ventes et rachats, les fermetures d’usines, voire la disparition de pans entiers de l’industrie. Il n’y a par exemple plus de fabricants de machines-outils en France…

« Emploi industriel », cela renvoie alors à « Economie nationale ». A une vision équilibrée de l’économie, où chaque secteur se développerait en fonction des besoins sur la base de l’autosuffisance et de la réponse aux besoins d’une société donnée.
« Emploi industriel », la force de cette idée, développée aussi bien par les patrons que par les syndicalistes, c’est la confusion ainsi entretenue : « il faut développer et encourager l’emploi industriel pour conserver des emplois ouvriers ».

Sauf que :
• On oublie que les ouvriers sont exploités, de plus en plus durement, dans le cadre de l’industrie.
• On oublie que la société ne fonctionne pas pour satisfaire les besoins de la majorité mais pour produire du profit pour une infime minorité.
• On oublie que les restructurations ne sont pas le fait de patrons incompétents ou de salopards, mais des nécessités absolues dans la guerre économique mondiale, la concurrence et le marché. Vaincre ou périr, telle est la loi pour les capitalistes.

Réfléchissons alors sur « l’emploi industriel » dans notre pays, puisqu’on nous y invite.

• C’est d’abord poser la question de l’emploi ouvrier, de ce qu’il est et de ce que nous ne voulons pas : un emploi posté qui détruit la vie familiale ? Des boulots à la con, répétitifs, devant la machine, qui nous rendent abrutis en nous vidant la cervelle ? Le travail de nuit, alors que la nuit c’est fait pour dormir (ou plus si affinité) ? Des boulots qui cassent le dos, qui pourrissent les poumons, qui pulvérisent les articulations, qui empoisonnent le sang ? Des loisirs entre le MP3, la télé réalité et les courses à Leclerc ?
• C’est ensuite poser la question de quelle industrie, de quelle économie nous avons besoin. Construire une industrie métallurgique autour de la bagnole ? Construire un modèle énergétique autour du nucléaire, des déchets actifs empilés pour des dizaines de milliers d’années ? Construire une agroindustrie polluante et trafiquée, ultraexportatrice et destructrice des économies du tiers-monde ? Construire une chimie qui va produire AZF ? Construire une industrie des télécommunications au seul service des Bouygues et cie ?
• Finalement, quels sont les besoins réels de la majorité de la population, d’abord les plus pauvres et les plus exploités ? Pourquoi si peu de logements ? Pourquoi une santé en berne ?

Si on ne voit pas plus loin que le bout de son nez, on va dire d’énormes conneries… Défendre l’emploi industriel ? Il faut se poser la question en général, savoir pour quel monde on veut se battre. Nous voulons un autre monde. Si cette perspective est encore lointaine, c’est sur ces bases qu’aujourd’hui nous construisons notre camp. Défendre les intérêts ouvriers et rien d’autre ! Parce qu’en face de nous c’est notre ennemi mortel, notre ennemi historique, celui qu’un jour nous enverrons à la poubelle de l’histoire.

LA PRÉTENDUE CRISE ACTUELLE.

Dans de nombreux secteurs, on entend cette réflexion. La crise ne serait qu’un excès dû à des dérapages financiers, et si on revient à une « saine » gestion industrielle, on règle le problème.

C’est une illusion complète. La crise, elle existe bel et bien. C’est le fruit naturel empoisonné des règles du capital, de la contradiction entre baisse tendancielle du taux de profit (le capital est « moins rentable ») et hausse de la composition organique du capital (il faut de plus en plus de capitaux pour produire un nouveau cycle de profit). Contradiction qui pousse le capital à passer d’un secteur à l’autre, d’une région à l’autre, de plus en plus vite, à inventer des produits financiers virtuels pour spéculer, et tant pis pour les loosers le jour où ça s’effondre etc. La finance et l’industrie sont intrinsèquement liées depuis le début du XXe siècle, ils ne peuvent fonctionner l’un sans l’autre. Toutes les industries ont leurs fonctions bancaires, leurs paradis offshore, leurs partenaires financiers. Toutes les banques ne peuvent exister qu’en tondant la laine sur la peau des industriels (en fait des ouvriers… mais ça on le dit pas).

Ou nous construisons notre camp, notre organisation de classe, notre parti et nous repartons à l’offensive, ou nous servirons une nouvelle fois de chair à canon dans la guerre économique. Désolé, ça sert à rien de se lamenter, c’est la baïonnette qu’il faut mettre au canon, et partir à l’assaut !

NON AUX LICENCIEMENTS BOURSIERS.

Une telle formule laisse entendre quelque part qu’il y aurait d’un côté les licenciements boursiers, inacceptables, et les « autres » licenciements, pas boursiers donc, qu’on pourrait accepter de discuter.

Il n’y a aucun, absolument aucun licenciement justifiable. C’est tout. Le bourgeois, le capitaliste, le patron veulent licencier pour la productivité et la rentabilité du capital. Nous ne voulons pas car nous défendons notre peau. C’est la guerre, deux logiques, deux mondes, deux camps. Un rapport de forces.

DROIT POUR LE CE DE SUSPENDRE LA DÉCISION DE LICENCIEMENT AFIN DE SE DONNER LE TEMPS D’EXAMINER TOUTES LES SOLUTIONS ALTERNATIVES AVEC LA DIRECTION, LA PUISSANCE PUBLIQUE ET D’ÉVENTUELS REPRENEURS.

C’est la position de la Confédération CGT. Questions : Et s’il n’y a pas de solution alternative ? Et si la boîte est coulée par un concurrent plus performant ? Et s’il n’y a pas de repreneur ? Et comment le CE il ferait mieux que le capital en général, meilleur gestionnaire peut-être ? Revendiquer des « droits supplémentaires » pour le CE n’apporte rien que de la confusion. C’est imaginer que les bureaucrates syndicaux, les experts en tous genres vont savoir trouver la recette magique pour une solution dans le cadre du marché capitaliste.

Non, le CE ne peut rien faire, n’a aucun pouvoir, et tous ceux qui affirment le contraire sont des menteurs. Tout au plus peut-il multiplier les procédures pour entrave, non information, pour gagner du temps et favoriser la mobilisation. Cela peut être utile, mais sans illusion.

Mais la procédure gagnante, c’est la lutte des classes, la mobilisation ouvrière, la détermination et la lutte jusqu’au bout. Voilà l’efficacité, voilà un combat certes difficile, certes sans illusion, mais à la fois plus lucide et plus efficace car on ne se laisse pas balader dans des impasses !

INTERDICTION DES LICENCIEMENTS.

Mot d’ordre développé par Lutte Ouvrière, le NPA, le POI (ex-PT) qui en fait même une campagne. C’est un mot d’ordre à double face : D’un côté, il a un intérêt, car il met en avant la question politique face à une exigence vitale. Oui, l’emploi, l’industrie, les licenciements, c’est une question politique, de choix de société, qui engage la vie de centaines de milliers d’ouvriers. Et exiger l’interdiction des licenciements, c’est poser la question de cette manière, mettre le gouvernement au pied du mur.

D’un autre côté, c’est un souci, parce qu’un tel mot d’ordre laisse croire qu’une loi pourrait à elle seule régler la question du capitalisme, escamoter d’un seul coup toutes les règles objectives, la guerre économique, le marché, etc. Laisser croire que l’Etat pourrait se mettre en contradiction avec le Capital. Cela aussi c’est une illusion, et grave.
En résumé, plus d’illusions que de compréhensions. Aussi nous ne l’avançons pas, et préférons le mot d’ordre avancé depuis des années par les secteurs les plus radicaux, « Aucun licenciement », ou « Zéro licenciement ! ».

DES INVESTISSEMENTS POUR PRÉSERVER LES EMPLOIS.

C’est ce qui est avancé à Ford Blanquefort, ou à Goodyear Amiens. Là encore, un mot d’ordre à double face. D’une part, il est évident qu’un capitaliste qui envisage de fermer, ou de délocaliser, cesse d’investir. Logique : inutile de dépenser quand on sait qu’on va arrêter. Cela dit, l’envers de la médaille, c’est de laisser croire qu’un capitalisme « bien géré » préserve les emplois. Que s’il y a investissement, c’est l’avenir assuré. C’est absolument faux. On ne compte plus les exemples d’entreprises ou d’ateliers qui ferment avec des machines neuves encore emballées, ou alors qu’elles viennent de moderniser toute une production. Pour une bonne et simple raison : le capitalisme est aveugle sur l’avenir, et fonctionne sur un pari, un coup de poker permanent.
La bataille des investissements peut être menée par les syndicalistes de classe, mais en étant particulièrement clairs : c’est au fond la bataille de l’emploi qui est en jeu et nous n’avons aucune illusion à avoir sur le fonctionnement du capitalisme. Les risques de dérapages sont très rapides !

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