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Pour un féminisme révolutionnaire !
Les scandales à Hollywood autour de l’affaire Weinstein ont déclenché une vague de prises de paroles des femmes. Au travail, dans les quartiers, les femmes ouvrières et prolétaires se sont aussi emparées du #MeToo pour témoigner sur les agressions sexuelles vécues : dans la rue, au travail, dans leurs familles, dans les espaces militants. En tant que communistes, nous nous félicitons que les femmes prennent la parole contre ces violences sexuelles, dont on a mesuré l’ampleur. Nous devons soutenir les mobilisations contre ces violences, tout en remettant en cause ce système qui tolère et cautionne ces agressions/harcèlements/viols continuels des hommes sur les femmes.
Comme sur tous les sujets de société, ce sujet n’est pas neutre : il est traversé par des enjeux de classe. Au sein du milieu féministe, les clivages se creusent. Notamment entre celles qui voit l’oppression des femmes comme le seul facteur d’unité et en affirmant que « toutes les femmes sont sœurs » ; et celles, comme nous, qui affirment que l’émancipation des femmes ne peut pas être séparée de toutes les autres oppressions et encore moins de l’exploitation capitaliste.
Les luttes des femmes de ces dernières années ne sont pas un réveil soudain après des décennies de sommeil. La lutte féministe est une lutte qui a traversé, souvent avec violence, le mouvement ouvrier : la grève des ovalistes de 1869 est un exemple parmi d’autres [1].
Mais au fil du temps, le caractère révolutionnaire du féminisme a été effacé : il n’y a qu’à voir comment le 8 mars [2], créé par les femmes révolutionnaires russes, est devenue une mascarade pour la bourgeoisie. Nous voulons continuer à faire vivre ce féminisme de classe et révolutionnaire. Mais comment ?
Les femmes ouvrières et prolétaires doivent être au cœur des luttes féministes
Nous parlons des femmes du prolétariat, car nous nous appuyons sur la conception de la lutte des classes comme moteur de l’histoire. Les femmes ne sont pas un groupe homogène, déterminé uniquement par leur genre : leurs conditions matérielles d’existence, c’est-à-dire leur vie au quotidien, sont largement déterminées par leur classe sociale. Dans la guerre sociale que nous prenons de plein fouet, les femmes prolétaires sont en premières lignes, partout dans le monde et en France.
Au travail : la division sexuelle du travail fait rage. Horaires décalés, sous-traitance, harcèlement. 80% des postes à temps partiels sont occupés par des femmes. Elles occupent des boulots pénibles : 57% des gens qui souffrent de troubles musculo-squelettiques (TMS) sont des femmes. Les Lois Macron aggravent cette situation avec l’intensification du travail de nuit, du travail du dimanche. Le témoignage de nos camarades travaillant à l’hôpital en est une preuve magistrale [3].
Dans la rue : les insultes, les menaces, le harcèlement, les viols, ce n’est pas supportable !
A la maison : les viols et les violences conjugales. Certains hommes considèrent les femmes comme de simples défouloirs. Le travail domestique repose toujours très majoritairement sur les femmes, ainsi que la charge des enfants.
Au niveau de la sexualité : recul sur l’avortement et la contraception. La lesbophobie, la transphobie se sont renforcées. La sexualité des femmes est sans cesse jugée et contrôlée. Refus de la PMA pour les lesbiennes, du changement d’état civil libre et gratuit pour les personnes trans.
La montée des idées racistes se fait toujours sur le dos des femmes. 80% des actes islamophobes de ces derniers mois sont contre des femmes voilées des quartiers populaires.
Les femmes sans-papiers en paient le prix fort : dépendance à l’aide sociale ou aux maris, pas d’accès au travail déclaré, aux logements, aux transports, aux crèches, peur des expulsions.
Pour toutes ces raisons matérielles, nous disons : il n’y a pas d’un côté la lutte pour les droits des femmes et de l’autre côté la lutte contre le capitalisme. En tant que femmes ouvrières et prolétaires, nous nous battons sur tous ces fronts pour vivre mieux, avec respect et dignité.
"Les femmes du peuple, c’est-à-dire l’immense majorité des femmes, parce qu’elles sont doublement exploitées, en tant que femmes et en tant que travailleuses, sont seules en état de susciter et de diriger la lutte pour leur libération". [4]
Nous avons besoin d’un féminisme de classe et révolutionnaire !
Il est impossible de se retrouver à la remorque des bourgeoises dans les différentes luttes et combats féministes. S’il y a si peu de femmes prolétaires dans le milieu féministe français, c’est bien parce qu’elles ont bien compris que leurs intérêts n’étaient pas représentés !
Beaucoup d’associations féministes réformistes mettent en avant la question de l’égalité et des lois pour améliorer notre vie. Une égalité formelle entre hommes et femmes ne résoudra jamais tous nos problèmes : on en a la preuve tous les jours. Aucune des lois adoptées par nos gouvernements sur les droits des femmes (l’égalité des salaires, les violences etc…) n’est mise en œuvre. C’est une illusion de vouloir aménager le système : la seule solution est de le détruire pour en construire un nouveau !
Dans ce contexte d’attaques sur la question de la famille et du genre, nous devons développer une critique radicale de la famille hétérosexuelle bourgeoise, du rôle assigné aux femmes dans la société. Le capitalisme a besoin de la famille pour reproduire la force de travail, pour fournir de la chair à patron et à canon.
Il nous faut défendre nos droits et en conquérir de nouveaux comme la PMA pour les couples de lesbiennes, le changement d’état civil pour les personnes trans, pour l’ouverture de crèches gratuites, etc. Pour lutter contre les violences sexuelles, il faut s’attaquer radicalement à la culture du viol, basée en grande partie sur le contrôle absolu de la sexualité et du corps des femmes.
Nous avons donc besoin d’un féminisme qui prennent en charge toutes ces questions, pour libérer les femmes et la société !
Dans nos interventions féministes, quelles pratiques ?
Indépendance politique et financière face à l’État : avancer nos propres revendications autour de nos seuls intérêts de classe ; ne pas accepter leur argent ; nous sommes contre les récupérations impérialistes et racistes du féminisme.
Autonomie face aux organisations bourgeoises. Comme le disait Clara Zetkin [5], nous pouvons frapper ensemble (en participant à des manifestations unitaires par exemple) mais nous devons absolument marcher séparément (avec nos propres mots d’ordre, nos propres organisations).
Développer la démocratie et l’autonomie : nous devons nous former, connaître notre histoire, comprendre cette société pour pouvoir la changer. Nous refusons la délégation de notre parole et de nos vies aux expert-e-s médiatiques, universitaires, politiques. Chez nous, nous travaillons à l’organisation des femmes par et pour elles-mêmes !
La non-mixité est un outil que nous défendons : c’est l’une des conditions pour que les femmes les plus précaires et violentées puissent militer, d’égal à égales avec les hommes. C’est important pour construire l’auto-organisation du mouvement des femmes, pour valoriser tout l’apport des femmes au combat contre le capitalisme, pour engager la transformation des femmes : pour qu’elles prennent toute leur place dans nos combats et dans la société.
Garder au cœur de nos organisations la centralité ouvrière. Nous savons que les femmes de la petite bourgeoisie sont très présentes dans le mouvement féministe. Certaines d’entre elles décident de militer avec les femmes prolétaires et de lier leurs intérêts à « la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout »6. Mais elles doivent se mettre au service des femmes du prolétariat et ne pas imposer leurs agendas.
Au-delà de la lutte féministe : la lutte pour le communisme.
Il n’y a pas d’autre alternative que de détruire le patriarcat, le capitalisme et l’impérialisme : pour construire une autre vie, dans une autre société. Ce système, nous lui donnons un nom : c’est le communisme.
En tant qu’internationalistes, nous sommes solidaires des femmes opprimées partout sur la planète. Au Kurdistan, en Palestine, en Inde ou aux Philippines, les femmes sont au cœur de la résistance de leurs peuples. Partout, elles sont à l’avant-garde des mouvements populaires et/ou révolutionnaires.
Créer notre camp ne veut pas dire taire les contradictions. Les inégalités qui existent dans ce système, nous les reproduisons aussi : division manuel/intellectuel, homme/femme, hétéros/LGBT, blancs/non-blancs. Nous devons donc travailler dès aujourd’hui à l’unité de notre classe. Cela passe par la lutte politique et idéologique.
Nous n’attendons pas la révolution pour faire ce travail. « Ce qu’une femme fait, un homme doit le faire. Ce qu’un homme fait, une femme peut le faire », disaient les maoïstes en Chine. Cette leçon politique, tirée de la Révolution Culturelle Chinoise, nous guide encore aujourd’hui.
Pas de libération des femmes sans révolution socialiste,
Pas de révolution socialiste sans libération des femmes !
« Notre oppression est millénaire
La bourgeoisie nous y maintient,
Laissons torchons et cuisinières,
Rejoignons le combat commun.
Prolétaires des prolétaires
Femmes esclaves, debout, debout !
Nos luttes changent la vie entière,
Nous ne sommes rien : soyons tout ».
(Paroles de l’Internationale des femmes)
[1] Voir l’article à ce sujet dans ce dossier : http://ocml-vp.org/article1879.html .
[2] Voir notre article : D’où vient le 8 mars http://ocml-vp.org/article96.html
[3] Voir le témoignage d’une camarade aide-soignante : Le travail de nuit, nuit à nos vies. http://ocml-vp.org/article1559.html
[4] Extrait de la brochure de l’OC-GOP (Organisation Communiste - Gauche Ouvrière et Populaire), organisation maoïste aujourd’hui disparue : Femmes exploitées, opprimées : osons lutter, osons vaincre ! http://ocml-vp.org/article493.html
[5] Communiste allemande, à l’initiative du 8 mars, journée internationale de lutte des femmes ouvrières : Clara Zetkin, une féministe sans frontières, Editions Ouvrières. Page 96. « Pour conquérir le droit des jeunes filles à l’enseignement supérieur, pour l’obtention du droit de vote, pour la protection des travailleuses, Clara Zetkin a fait cause commune avec les féministes « radicales ». Elle ne dévie pourtant pas de sa ligne : frapper ensemble à l’occasion, mais marcher séparément. »