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Notre antiracisme : de classe et révolutionnaire

Il y a, en France comme dans d’autre pays, une « iethnicisation » des rapports sociaux, accentuée depuis la fameuse théorie du « choc des civilisationsi ». Nous voyons autour de nous, la tendance à percevoir les relations sociales à travers les origines des uns et des autres.
Encouragé, développé par les « partis de gauche » notamment le PCF, le chauvinisme [1] a progressé. Et il a nourri en retour un certain repli identitaire chez des travailleurs immigrés et leurs enfants. Et de cela, nous faisons encore les frais.
Face à ce constat, nous refusons d’avoir une lecture partielle de la lutte contre les racismes, en les opposant entre eux ou en adoptant une lecture exclusivement « raciale » des rapports sociaux. La lutte contre le racisme doit être global et s’inscrire dans le combat général contre l’exploitation et pour l’émancipation.
Ce dossier va donc tenter de donner des réponses, de créer le débat et de donner des armes pour mieux s’organiser  !

Le racisme, une réalité et un frein à l’unité !

La relégation des travailleurs immigrés et de leurs enfants comme citoyens de seconde zone est bien réelle en France. Elle s’appuie sur leur exploitation économique en tant que prolétaires et ouvriers. Se rajoutent des discriminations racistes : à l’embauche, au logement, violences policières, discours des médias et de la bourgeoisie, préjugés racistes dans les masses etc.
Il faut reconnaître ces humiliations et injustices dont souffrent les immigrés pour mieux les combattre. [2] Il faut rappeler combien pèsent les politiques discriminatoires de l’Etat à la fois dans la conscience mais aussi dans le rapport aux autres prolétaires français, vus comme « privilégiés ».

Se débarrasser des préjugés racistes

Pour nous, le racisme est avant tout une construction politique de la bourgeoisie. Nous dissocions donc le racisme structurel organisé par l’Etat et le racisme au sein du peuple [3].
Dire que tous les « blancs » sont racistes ou ont des intérêts conscients au maintien du système raciste, c’est condamner l’avenir. C’est dresser un tableau noir de la classe et de son potentiel émancipateur. C’est accuser les ouvriers, écrasés par la division du travail et l’idéologie bourgeoise, d’être responsables du racisme.
Le peuple lui-même n’est pas spontanément anti-raciste. Nous disons  : au sein du peuple, ces contradictions doivent être traitées pour assurer l’unité des prolétaires pour la révolution. Mais pas d’ unité sans combattre tous les préjugés racistes qui existent, hérités notamment du long passé colonial français, jusqu’à « la gauche de la gauche  » avec son chauvinisme et son paternalisme raciste.
Car cette unité ne se réalise pas spontanément. Aussi, crier au racisme et se replier sur son identité  ; ou se désespérer de l’indifférence des ouvriers français au sort des immigrés ne renforce pas l’unité. Car c’est avant tout en organisant les ouvriers, peu importe leurs origines, pour la défense de leurs intérêts communs que l’on gagne la bataille politique et idéologique contre tous les préjugés et les divisions !

Lutter contre le racisme, c’est combattre aussi son propre impérialisme  !

Nous vivons à l’époque de l’impérialisme, et nous portons l’internationalisme et non le repli nationaliste ou le prétendu « choc des civilisations ». La lutte contre l’impérialisme, particulièrement français, est au cœur de notre politique. Lutter contre toute forme de racisme, c’est rejeter l’unité nationale avec les bourgeois et la défense des intérêts impérialistes !
Nous n’avons eu de cesse de dénoncer la responsabilité de l’impérialisme dans l’immigration, à travers le pillage et la destruction de l’économie des pays dominés. Ainsi, parler d’unité entre travailleurs français et immigrés n’est pas un discours idéaliste mais consiste à prendre conscience que ici comme dans les pays d’origine, nous avons affaire aux mêmes pillards et aux mêmes exploiteurs !

Pour un front antiraciste, multiculturel et populaire !

L’anti-racisme a une histoire. Vigoureux et efficace jusqu’aux années 1980, l’anti-racisme est désormais dans une impasse. Les récupérations diverses, du PS notamment, ont réduit à un discours moral les propositions anti-racistes [4].

L‘immigration est liée au système impérialiste de façon absolument directe. Ce qui fonde la solidarité des travailleurs français et immigrés, ce n‘est donc pas seulement qu‘ils sont exploités par les mêmes patrons en France. Car avant d‘arriver en France, le travailleur marocain ou antillais est exploité, ruiné, contraint à l‘exil par la même classe que celle qui nous exploite en France.
OCML-VP, Brochure « Unité révolutionnaire de la classe ouvrière », 1978

Nous sommes pour l’autonomie et la direction par les travailleurs immigrés et leurs enfants du combat contre le racisme, de l’immigration et des quartiers populaires. Cette autonomie doit se faire en indépendance totale de l’Etat et la bourgeoisie.

Mais à VP, nous sommes attentifs à la direction de ces mouvements et nous critiquons la direction petite-bourgeoise « post-coloniale » qui organise sur des bases raciales le combat contre le racisme. Ceux ci font sciemment impasse sur l’appartenance de classe. Non, tous les « Indigènes » n’ont pas les mêmes intérêts [5] ! Il faut renouer avec un « nous » ouvrier et prolétaire, multiculturel, qui englobent toutes les victimes du capitalisme.

En partant de la spécificité des oppressions, nous nous attachons à développer des revendications unificatrices. Car l’autonomie entre oppriméEs n’a de sens que si elle va dans le sens du combat général pour l’émancipation, ici et dans le monde  !

Unité révolutionnaire des ouvriers et prolétaires  !

Contre l’assimilation forcée ou l’intégration, nous voulons bâtir l’unité internationale regroupant l’expérience de chaque culture. Nous voulons le pouvoir des ouvriers et des prolétaires de toutes nationalités. Pour éliminer l’exploitation de l’homme par l’homme, la concurrence et les guerres entre les peuples. Pour construire une société socialiste.

Pas de libération des travailleurs immigrés sans révolution socialiste, pas de révolution socialiste sans travailleurs immigrés  !
Notre classe est multinationale, notre classe est internationale  !

En résumé, il ne s‘agit donc pas d‘une lutte raciale et nous en ferons rapidement prendre conscience aux gens. Pour nous, il s‘agit d‘une lutte de classe entre la classe ouvrière prolétarienne qui regroupe les masses, et la minuscule minorité qu‘est la classe dominante. Les membres de la classe ouvrière, quelle que soit leur couleur, doivent s‘unir contre la classe dominante qui les opprime et les exploite. Et laissez-moi encore insister : nous croyons que notre combat est une lutte de classe et non pas une lutte raciale.
Bobby Seale, co-fondateur du Black Panthers Party, extrait du discours « Pourquoi nous ne sommes pas racistes », 1970

[1Le chauvinisme est une manifestation excessive du patriotisme ou du nationalisme. Il est le reflet d’une admiration et de la défense de son pays. Le social-chauvinisme est un terme employé par Lénine pour dénoncer le patriotisme des sociaux-démocrates : « Par social-chauvinisme nous entendons la reconnaissance de l’idée de la défense de la patrie dans la guerre impérialiste actuelle, la justification de l’alliance des socialistes avec la bourgeoisie et les gouvernements de « leurs » pays respectifs dans cette guerre, le refus de préconiser et de soutenir les actions révolutionnaires prolétariennes contre « leur » bourgeoisie, etc. ». Lenine, « La Faillite de la seconde Internationale », 1915 https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1915/05/19150500.htm

[2Voir article « Racismes, islamophobie : politique et manipulations de la bourgeoisie » de ce même dossier : http://www.ocml-vp.org/article1641.html

[3En tant que maoïstes, nous parlons de contradictions antagoniques (le prolétariat contre la bourgeoisie) et de contradictions au sein du peuple. Ces contradictions n’imposent pas les mêmes tâches. Il faut combattre sans cesse l’ennemi dans le cas des contradictions antagoniques en organisant notre camp et en montrant que les intérêts sont inconciliables. Dans le cadre des contradictions au sein du peuple, nous ne les taisons pas et nous adoptons la méthode du débat, de la confrontation et de la polémique pour faire progresser les idées justes (aspiration à la solidarité...) et reculer les idées fausses qui existent au sein du peuple (racisme, sexisme, homophobie...). Mao Tsé Toung a résumé cette analyse dans le texte « De la juste solution des contradictions au sein du peuple » datant de 1957 et disponible en ligne : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1645

[4Journal Partisan n°269, « Quelques leçons de la Marche pour l’Egalité de 1983 », Octobre 2013 http://www.ocml-vp.org/article1114.html

[5Voir article « Que penser des Indigènes de la République » de ce même dossier : http://ocml-vp.org/article1669.html

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