Vous êtes dans la rubrique > Archives > Le travail ouvrier aujourd’hui : voilà la réalité

Le travail ouvrier aujourd’hui : voilà la réalité

Partisan N°241 - Octobre 2010

Depuis quelques mois, VP fait une « enquête ouvrière », qui confirme ce que nous vivons chaque jour. Voilà la réalité, loin des mensonges médiatiques. Les premiers résultats ont été présentés à notre stage. Nous en ferons régulièrement l’écho dans Partisan, sans réduire notre démarche à un savoir de « sociologue ». L’enquête maoïste est une enquête politique, elle dégage, plus que des résultats statistiques, des leçons politiques. Le travail ouvrier aujourd’hui, « c’est une déshumanisation hallucinante, c’est le tout libéral », déclare un travailleur de la Poste, parmi les 75 réponses prises en compte cet été (50% ouvriers, 50% employés ; 1/3 femmes, 2/3 hommes). La première question, sur douze, était la suivante : « Qu’est-ce qui te révolte le plus dans la situation des ouvriers au boulot ? Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ? »

Première réponse : les conditions de travail

Ce qui révolte le plus aujourd’hui, ce sont les conditions de travail, c’est l’exploitation, davantage encore que le salaire. Ce n’est pas la « répartition » qui est le plus révoltant. Ce qui nous donne un cap pour nos priorités de lutte.
« Le seuil de sécurité est atteint » dans le travail en entreprise, mais aussi dans le secteur de la santé. Pourquoi ? Plusieurs réponses : augmentation des cadences, accroissement de la productivité, horaires de travail posté... « On ne récupère même pas de la fatigue ».
Les horaires de travail. Dans l’agro-alimentaire, ais ailleurs aussi, « en travail posté, les 3x8 à la chaîne, la pénibilité est due au rythme de travail, aux cadences, mais aussi au planning transmis au dernier moment » : comment on organise notre vie, en particulier pour les parents. Près de la moitié des camarades interrogés ont des horaires atypiques.
Notre santé au travail est de plus en plus menacée. Sur les chantiers, les gars sont de moins en moins formés. Les risques du travail augmentent. En même temps, on demande les mêmes délais. En usine (PSA et autres usines) : de plus en plus de TMS, troubles musculo-squelettiques. « Tu commences à 20 ans, à 25 ans tu es déjà foutu ». Ou encore : « A l’usine, il y a le bruit, tu deviens fou après 10 ou 20 ans ».
Le flicage et le durcissement managérial sont aussi très stressants. Liée aux réorganisations et aux suppressions d’emplois, la surveillance électronique se développe sur la plupart des lieux de travail. « Ce qui a changé, c’est la surveillance des compagnons par informatique ».

Concluons rapidement. En 2010, en dépit des progrès techniques, on constate une régression sociale dans le domaine du travail. La société de classes n’a pas disparu, elle a ses priorités. La vie des ouvriers n’en est pas une. A nous d’en tirer les conséquences !
« Comme prolétaire, je me sens le droit de dire des choses ». « La première chose qui me révolte : la différence sociale. Le clivage de deux mondes, les riches et les pauvres. L’élite cravateuse, et nous, les enfants d’ouvriers ».

Deuxième réponse : les salaires

L’injustice de la répartition ne laisse pas non plus les travailleurs indifférents, même si la survie évoquée plus haut est prioritaire.
« Les écarts se creusent, c’est l’obésité patronale, et l’anorexie pour nous », déclare une employée à temps partiel imposé. « Comment on répartit la richesse : avant tout pour les actionnaires ». C’est aussi ce que constate un ouvrier, travaillant dans une grosse boite du CAC 40, qui dénonce la politique de l’entreprise : « La moyenne d’âge a baissé, ils préfèrent les jeunes à bac plus trois, sans les allocations, et pas d’augmentation pour tous depuis deux ou trois ans ».
Pour un camarade sans papiers, en intérim dans le bâtiment, « c’est la paie des ouvriers en général qui est insuffisante » ! De son côté, une femme de ménage à temps partiel imposé dénonce son employeur « qui n’embauche que des femmes sans papiers pour profiter de notre travail ».
Notons aussi que de nombreux ouvriers dénoncent l’individualisation des salaires : « La direction a mis en place un système de primes allouées à certaines personnes et pas à d’autres », « l’évolution de carrière est soumise à la docilité des ouvriers ».
« Se battre pour avoir des miettes » ? C’est épuisant, et cela révolte de nombreux ouvriers, car à côté, on doit aussi se battre contre des conditions de misère. L’intérim sans espoir d’embauche, le travail usant sans perspective de promotion en font partie.
On retiendra aussi la grande mode des baisses de salaires, comme chez Nestlé. « On a connu une baisse de 450 euros à l’occasion des licenciements, et une réembauche qui a limité de salaire à 1800 par mois. »
Bilan partiel : A l’ère de la plus grande richesse de la société (grâce au travail ouvrier), une répartition plus juste ne fait pas partie des priorités de la classe qui nous dirige. A nous d’en tirer les conséquences.

Nous laisserons le dernier mot à un camarade de la Poste. « La Poste agit comme toutes les boîtes ; salaires individuels, concurrence, plus aucune déontologie, aucune garantie, même si on défend l’entreprise ». Comme quoi il ne faudrait pas nous raconter que la perspective pour en sortir, ce serait la défense du service public !
A nous de conclure : usés bien avant l’âge de la retraite, les ouvriers et prolétaires sont réduits par le capitalisme actuel à la survie. Notre combat est d’envergure. Nous non plus, nous ne nous contenterons pas de miettes !

A suivre. Brigitte Clément

Soutenir par un don