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Sans-papiers : Nécessité de mettre en cause l’Etat

Partisan N°234 - Janvier 2010

Interview

Partisan : Cette occupation est différente des occupations CGT démarrées le 12 octobre. Pourquoi avoir choisi un centre des impôts ?

Lorsque commence le mouvement d’occupation, la direction du collectif décide de tenir une assemblée générale et propose l’alternative suivante : soit rejoindre les piquets CGT, soit mener nous-mêmes une occupation sur Vitry. Malgré le risque d’isolement, l’AG se décide sur cette deuxième option.
Nous avons ensuite dû choisir un lieu symbolique de l’exploitation des sans-papiers.

Comme il n’y avait pas d’entreprise, à proximité, salariant plusieurs membres du collectif, nous avons ciblé l’hôtel des finances.

Comment la CGT a-t-elle perçu cette occupation ?

Notre premier contact a été avec l’UL. Son représentant est venu ; il a expliqué aux occupants que la CGT ne concevait la lutte que dans le cadre de l’entreprise. Il a dit qu’il préviendrait néanmoins les bases CGT de la ville, puis il est parti. Il était resté 5 minutes. Pendant plusieurs semaines, il n’y aura plus aucune relation.
Notre relation avec Montreuil va finir aussi en queue de poisson. Quelques jours après l’occupation, nous y sommes allés, à une petite délégation, pour assister avec les autres délégués de site au compte-rendu des rencontres avec les ministères. Des militants nous bloqueront l’entrée avec comme argument, entre autres, qu’on n’occupait pas une entreprise ou un bâtiment patronal et qu’ils étaient contre toute autre forme d’occupation.

Comment analyser ce refus ?

Il y a la volonté de mettre à l’écart les collectifs de ville. Cette pratique s’exerce aussi contre la CSP75 qui a eu beau remplir certaines manifs CGT, comme la journée pour le travail décent, le 7 octobre, jamais la parole ne lui a été donnée. La CGT se bat pour être l’interlocuteur principal, voire le seul, face au gouvernement. Cela veut dire court-circuiter les collectif de sans-papiers, les vider de leurs membres. Et le terrain sur lequel la CGT se sent fort, c’est l’entreprise. Un terrain difficilement accessible pour des collectifs de ville. Sa direction va donc défendre, jusqu’à l’absurde, que la seule façon de lutter pour des travailleurs, c’est de faire grève. C’est faux, mais c’est en plus méconnaître toutes les mobilisations qui ne peuvent simplement prendre le patron pour cible, comme par exemple les luttes de mal-logés.

Est-ce que le refus de s’attaquer à l’Etat n’est pas aussi le résultat de la ligne générale confédérale qui vise au partenariat avec celui-ci ?

Tout à fait. La CGT veut être l’interlocuteur responsable que le gouvernement vient voir quand il a une soi-disant réforme à mener. C’est la recherche de l’institutionnalisation. Il faut voir aussi que c’est cohérent avec le financement de l’appareil, pour plus de la moitié alimenté par l’Etat ou par les grandes entreprises. On ne mord pas la main qui nourrit.
Est-ce qu’il s’agit aussi d’une divergence avec les sans-papiers qui occupent des entreprises ? Non bien sûr. On ne se sent pas plus radicaux parce qu’on occupe un rottoir devant les Impôts. Simplement il faut tenir les deux bouts de l’exploitation des travailleurs sans-papiers : les patrons exploiteurs d’un coté et, de l’autre, l’Etat qui organise et qui en bénéficie. D’ailleurs notre action est bien comprise par les sans-papiers des piquets CGT. Certains viennent nous voir et discutent. Nous l’expliquons aussi par tract dans les manifs sur Paris. Nous venons d’ailleurs d’apprendre qu’une initiative comme la nôtre a été menée par le Collectif des Alpes Maritimes, construit par l’UD CGT 06. Nous verrons bien comment la direction à Montreuil va se positionner et considérer l’action de cette UD.

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