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Quels opposants en Serbie ? (à propos d’un appel dans « Le Monde » du 3 décembre 1996)
Partisan N°116 – Janvier 1997
Cet article fait partie d’un recueil sur la guerre en ex-Yougoslavie.
Les intellectuels français (Kouchner, Glucksman, Bernard-Henri Levy, Cohn Bendit…) n’ont aucune honte et vraiment pas le début de commencement de rigueur politique. Après avoir soutenu sans condition la résistance bosniaque, les voilà qui « saluent l’action courageuse » de l’opposition serbe. A l’initiative de Jacques Julliard (l’éditeur), le sous-marin du PS dans les milieux intellectuels, ils ont tous signé à de rares exceptions près. La pétition était elle-même un complément à la visite de Jack Lang et de Ségolène Royal qui sont allés rejoindre les manifestants de Belgrade.
On retrouve là le fond d la politique proserbe du PS, largement encouragée par Mitterrand alors président : dans la région, la défense des intérêts de la France passe par le soutien au nationalisme serbe, quelles que soient les molles réserves à son égard. Durant toute la période de guerre précédente, toute la politique du gouvernement a eu pour objectif de ménager ce nationalisme, considéré comme un des garants de la stabilité de la région. Aujourd’hui, Milosevic dst discrédité, alors si on lui trouve un remplaçant présentable… En 1993 déjà, une pétition similaire en faveur du même Draskovic prétendait les mêmes inepties, à savoir son opposition à la purification ethnique, alors qu’il en était un propagateur, sous une version molle un moins scandaleuse que Milosevic, Karadzic ou Mladic.
Car les « opposants » serbes ne sont pas vraiment nets, c’est le moins qu’on puisse dire. Vuk Draskovic est un populiste démagogique qui s’est longtemps opposé à Milosevic en lui reprochant la tiédeur de son engagement pour la Grande Serbie (sic !). Il est l’auteur, il y a des années, d’un roman fameux dont le titre « Le Couteau » évoque l’égorgement des ennemis de la Serbie et glorifie à ce titre le nationalisme tchetnik. Aujourd’hui, sans remettre en cause ses positions passées, il se présente comme l’alternative « européenne » à Milosevic… Plutôt effrayant ! Que les dirigeants de l’Alliance Civique, eux opposés à la guerre et à ce titre traités de traîtres à la nation, aient accepté de faire un bout de chemin avec Draskovic montre aussi les limites de leur opposition…
Il y a très certainement parmi les manifestants des opposants résolus au nationalisme, soit de longue date, soit qu’ils réalisent aujourd’hui les conséquences catastrophiques de sa mise en œuvre et du prix à y payer. Il faut qu’ils poussent la démarcation jusqu’au bout : aucune issue ne pourra surgir en conciliant avec cette politique…
Pour revenir aux signataires de cette déclaration de soutien, le niveau de rigueur de ces prétendus intellectuels est consternant. A l’heure où le niveau de réflexion politique s’élève parmi tous ceux qui n’en peuvent plus de cette vie, ils nous donnent l’image de l’opportunisme et du suivi du vent, sans un minimum être cohérent avec leurs positions passées… Aujourd’hui dans le mouvement social, tout un courant veut nous mettre à la remorque des experts, des personnalités en tous genres, à l’image de ces « défenseurs » de la cause bosniaque.
Regardez-les bien ! Tirons-en les leçons ! C’est d’abord sur nos propres forces qu’il faut compter !
