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La Gauche au pouvoir, beaucoup d’espoirs dans les années 80...
Partisan N°262 - Février 2013
« Vous avez dit reflux ? » disait un article de Partisan datant de novembre 1985, alors que le PS et le PC étaient au pouvoir. Quelles sont les similitudes avec la situation politique et sociale actuelle, les leçons à en tirer, et sur quoi devons-nous nous appuyer maintenant ?
Après les destructions de la guerre, le capitalisme s’est relancé, en reconstruisant usines, logements. Les vaincus participaient à la reconstruction, en payant des dommages de guerre. C’était une période d’expansion. A cette période, le syndicalisme était fort, les luttes plus mobilisatrices, elles « payaient », mais elles portaient souvent sur le « partage de la croissance ». En 1968, les syndicats et les partis de gauche vendaient le mouvement révolutionnaire pour un plat de lentilles, contre des hausses de salaires et des élections. En même temps, un mouvement anti-réformiste radical et révolutionnaire s’amplifiait, qui contestait le consensus du « salaire contre aliénation ». La crise économique de 1974 ramenait une vigoureuse offensive de la bourgeoisie. En 1981, en votant pour la gauche, beaucoup d’ouvriers voulaient le retour de la période bénie d’après-guerre. Mais rapidement, dès 1983, c’est la fin des illusions sociales, les ouvriers vont payer la crise, et c’est aussi l’écroulement de la domination réformiste du PC et du PS sur la classe ouvrière.
Le consensus relatif des « Trente glorieuses » était rompu
On commençait à parler de « reflux ». C’était quelque chose de réel, les luttes diminuaient, elles se faisaient le dos au mur. Des organisations révolutionnaires, ou qui prétendaient l’être, disparaissaient. Mais ce reflux était aussi relatif, car c’était surtout la bourgeoisie qui était à l’offensive.
Au milieu des années 1980, la bourgeoisie continue les restructurations. « Toujours plus pour les dirigeants, toujours moins pour les travailleurs », disaient les ouvriers. Le chômage montait, la flexibilité devenait le lot quotidien. La colère était là, mais les réactions ne furent pas à la hauteur des enjeux. La CGT parlait de la « casse » voulue des entreprises, défendait le mot d’ordre « telle usine vivra », le « fabriquons français », les luttes étaient isolées. Crier « vive la lutte ! » et ne pas donner de perspectives autres que celles de la bourgeoisie, vouloir renforcer la compétitivité du capitalisme français menait à l’impasse. Et, déjà à l’époque, les restructurations devaient servir « la compétitivité de la France », les restructurations d’aujourd’hui étaient soi-disant les « emplois de demain ».
Pourtant les ouvriers luttaient, dans la sidérurgie, à La Ciotat, dans la navale, à la SNCF. Mais les « acquis » sautaient, le chômage augmentait. Un vaste découragement était là, qui touchait les organisations ouvrières et les militants de tout bord.
Quelles étaient les réactions ouvrières ?
On retrouvait dans le milieu des années 1980 à peu prés les mêmes réactions qu’aujourd’hui. Soit se ranger derrière le drapeau nationaliste, accepter les lois du capitalisme et de la concurrence, être les fantassins de la guerre économique. Cette voie à l’époque était portée par la CGT et le PCF. Le FN ne fera que rajouter la haine des étrangers. Une autre vision était celle de l’individualisme. Ne plus se syndiquer, ni s’intéresser à la politique. C’était un rejet du réformisme, mais aussi de la position « classe contre classe ». Ce sera aussi, une domination sans partage de l’idéologie bourgeoise du chacun pour soi. Car les notions d’organisations, de partis, de militantisme, étaient liées dans la tête des gens aux organisations réformistes qui avaient échoué. Le mouvement révolutionnaire était fragile, ses composantes majoritaires trotskistes étaient restées très proches du réformisme. L’intelligentsia (dont des anciens maoïstes, qui se croyaient contestataires) ira rapidement prêcher pour le capitalisme le plus libéral.
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, la gauche est revenue au pouvoir. L’espoir réformiste est nettement moins fort. Le PCF n’est plus que l’ombre de lui-même. Le FN a repris le slogan « fabriquons français », il a juste rajouté « avec des Français ». Le PS s’est enfoncé encore plus dans un réalisme capitaliste, il fait payer aux classes populaires la crise du système. La droite et le PS sont pour l’Europe capitaliste, seules les idées sociétales les séparent encore. L’alternance ne gène pas les bourgeois et permet de faire encore illusion. Depuis les années 1980, une fraction du prolétariat n’a jamais connu le travail. Pour beaucoup, il n’y a même plus l’espoir de voir ses enfants prendre l’ascenseur social. La bourgeoisie, depuis 1974, est toujours à l’offensive, pour renforcer « la compétitivité de la France ». Elle est juste freinée par des luttes, 1995, 2010, que les directions syndicales cherchent à désamorcer.
Abattre le capitalisme.
L’immense espoir que mettaient les prolétaires dans l’arrivée de la gauche au pouvoir n’a pas changé grand chose. Ils seraient étonnés, ceux qui avaient donné des années de leur vie et qui rêvaient de la gauche au pouvoir, de voir le résultat. Un meilleur partage des richesses, mais la société n’a jamais été aussi inégalitaire. Des « services publiques » partout, ils ont le plus été privatisés sous Jospin (avec des ministres PCF). La fin de la Françafrique, elle existe toujours. La médecine gratuite, on restructure et on ferme des hôpitaux. Pourtant, l’espoir avait été grand.
Les propositions bourgeoises que nous devons combattre sont toujours là, le nationalisme et l’individualisme. Ces propositions sont tour à tour cultivées par la bourgeoisie ou des partis la représentant. Il faut les dénoncer inlassablement. Construire un camp, celui des exploités, ne pas choisir un camp bourgeois de gauche contre un de droite. Car c’est le capitalisme qui est cause de notre misère, la crise de ce système ce n’est pas dû à une mauvaise gestion, ou la faute des immigrés. Lever les doutes, donner l’espoir : faire passer l’idée qu’il faut abattre le capitalisme, qu’une autre société est possible. Cette idée se met en route dans les luttes, les résistances, dans nos réflexions, notre organisation. Cela passe aussi par l’étude des expériences, du passé (récent), en sachant en tirer des leçons.
Sébastien
