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Viols en Inde : une analyse de nos camarades maoïstes

Les femmes sont la moitié du ciel ! ni la peine de mort, ni la police, ni une session parlementaire extraordinaire ne viendront à bout du patriarcat : seule la transformation révolutionnaire de la société le renversera !

 

Il y a environ un mois qu’à New Delhi s’est produit le viol collectif d’une jeune femme de 23 ans dans un bus. Cet évènement, qui constitue une offense sans précédent, a spontanément révolté et mobilisé la population qui a marché jusqu’au Jantar Mantar pour exiger la punition des coupables. La colère contre le gouvernement a pris des proportions inédites si bien que l’Etat a dû fermer tous les métros menant à India Gate, détourner la circulation et déployer des milliers de policiers pour contrôler les manifestations populaires.
Même si les manifestants sont régulièrement soumis à la répression à coup de matraques, canons à eau etc., cette répression a échoué à les stopper dans l’expression de leur désaccord.
Cette agression a aussi ouvert le débat sur la sécurité pour les femmes et sur les lois contre la violence. Elle est bien sûr abominable et doit être condamnée, mais les faits nous amènent à poser plusieurs questions : est ce que le viol est le produit d’une culture de western ainsi que la droite le prétend ? Est-ce que la punition des violeurs par peine de mort va dissuader tous les violeurs d’agir ? Est-ce que les femmes seront davantage en sécurité dans une société sous haute surveillance, accroissement de la police et lois rigoureuses ? Ou bien encore, s’agit-il, comme les médias et le gouvernement voudraient nous le faire croire, d’un cas exceptionnel de viol brutal ?

 

Le viol de ND n’est pas une exception : deux mois plus tôt, en octobre 2012 , il y a eu des manifestations à Haryana parce que la moyenne de viols atteignait 60 par mois, donnant l’impression d’une subite détérioration de la situation des femmes. Quel choc et quelle consternation lorsque les leaders sont venus en masse de Sonia à Brinda et Haryana lorsque les incidents de Hissar et Jind ont été connus. Les medias ont aussi amplifié cela durant une semaine. Mais une observation plus rigoureuse des faits nous prouve que la situation n’a jamais été réellement meilleure. L’impact du viol de Haryana n’a rien d’exceptionnel et Haryana ne peut être brandi comme exceptionnel. Depuis 2006, à l’exception d’une année, la moyenne des viols à Haryana dépasse 50 par mois. Alors que à Haryana la moyenne des viols est de 6.11 elle est de 9.7 Madyah Pradesh et de 7.6 à Delhi ; ainsi Haryana arrive en 10ème position, MP en 4ème et D en 7ème.
Les Etats atteignant les plus hauts scores sont Mizoram, Tripura et Assam. Mais c es chiffres témoignent avant tout d’un meilleur recensement des cas de violence. Plus la société est patriarcale, plus grande est la stigmatisation des femmes violées, et moins les femmes oseront porter plainte. Ainsi, la plupart des viols ne sont-ils jamais déclarés et les Etats qui en déclarent un faible nombre doivent-ils être considérés à la lumière de cette réalité.

 

D’un autre côté, les classes dirigeantes exploitent ces faits pour s’armer davantage.
En effet on nous dit que nos lois ne sont pas suffisamment répressives et que c’est parce que la peine de mort n’est pas appliquée aux violeurs, que le viol atteint de telles proportions. Mais au-delà des réactions fortes et rhétoriques, si l’on y regarde de plus près, la peine de mort n’a eu d’incidence effective sur le taux de criminalité nulle part au monde. La peine capitale est une forme barbare de condamnation qui a été abolie dans nombre de pays et qui n’est maintenue que par les régimes les plus répressifs. Elle donne aux Etats la légitimité de tuer et est invariablement utilisée comme une tactique répressive pour réprimer les soulèvements populaires. Cette forme inhumaine de sanction n’a jamais réduit la criminalité dans aucun pays, mais au contraire a fortifié la violence et accru le pouvoir répressif des classes dominantes. En Inde également il existe des mobilisations de courants progressistes démocratiques pour abolir la peine de mort, mais la droite et les classes dominantes défendent son application.
Ainsi Sushma Swarai peut-il défendre la candidature de Modi- responsable et organisateur de centaines de viols de femmes musulmanes à Gujarat, au poste de Premier Ministre, et d’une même voix demander une session extraordinaire du Parlement pour la condamnation à mort des violeurs. Les brigades facistes qui accomplissent impunément des carnages, massacres, pogroms, viols, attentats, sont les meilleurs avocats de la peine de mort. Défenseurs de la peine de mort, de la castration des violeurs, de leur lapidation publique, de toutes formes de punitions féodales qui rendent la société plus répressive et fortifient le patriarcat.

 

Un autre argument qui a été défendu non seulement par la droite mais aussi par des forces qui se disent progressistes, consiste à demander un accroissement des forces de police et de sécurité afin de diminuer le nombre de viols. La question de la sécurité des femmes est en soi un problème, mais l’assurer ne signifie pas s’affronter au patriarcat. De plus, l’argument d’assurer la sécurité des femmes en accroissant les forces de police et de sécurité s’écroule lorsque l’on constate la forte participation de ces dernières aux viols, crimes, actes de violence sexuelle dans le pays. Les milliers de viols au Cashemire, Nord-Est, et plus récemment dans les Etats de Jharkhand, Chhattisgat, Odisha Bengal Maharashtra, nous démontrent amplement que le viol est utilisé comme arme de guerre par l’Etat indien. Les acteurs en sont des soldats de ce régime oppressif, et augmenter leur nombre ne contribuera en rien à la sécurité des femmes.
Les classes dominantes et le pouvoir blâment les victimes elles-mêmes, et s’efforcent de limiter la liberté et la mobilité des femmes sous prétexte de réduire le nombre de viols.
Les diverses réactions des partis parlementaires sur le problème reflètent leur mode de pensée féodal et patriarcal. Ainsi, alors que le chef du RSS, Mohan Bhagvat met en accusation la culture de l’Ouest comme responsable des viols, faisant écho au panchayats Khap qui dénonce également des habitudes alimentaires et un style de vie comme responsables des viols. Asaram Bapu l’auto-proclamé « homme du seigneur » va jusqu’à déclarer la victime du viol aussi responsable que le violeur lui-même, tant qu’elle n’a pas supplié pour être épargnée.
Des membres du Congrès à ceux du CPM, toute sorte de partis parlementaires présentent des remarques pathétiquement patriarcales sur les femmes, révélant leur profonde ignorance des questions de genre. Les condamnations et contre condamnations de ces partis parlementaires, indépendamment de ce qu’elles ont mis au premier plan des débats, constituent le fond patriarcal et féodal de la culture des classes dominantes.
Exiger une nouvelle loi plus rigoureuse de la part de ce même Parlement n’apporterait aucun changement à ce système enragé et patriarcal. La loi ne sert qu’à faire de la publicité dans le pays, de la justice à la police, alors qu’ils ont tous prouvé notoirement leurs positions oppressives à l’encontre des femmes. Les lois plus répressives sont vues comme la seule solution par les parlementaires qui n’ont aucun lien avec les luttes populaires. Toutes ces forces ? en dépit de leurs différences proclamées, sont unies dans la défense du statu quo , dans l’obstruction au surgissement de tout réel changement.

 

Le patriarcat est une violence structurelle contre les femmes. Au cours des siècles il a exercé des formes différentes d’oppression et imaginé de nouvelles facettes pour assujettir les femmes. La violence inhérente au patriarcat se manifeste sous sa forme la plus brutale à travers l’exemple du viol collectif de Delhi, mais elle est également présente dans le harcèlement quotidien des femmes. Le patriarcat crée les questions de « moralité »honneur « religiosité » devoir religieux et de caste ; il présente le masque de l’accès au pouvoir et de la liberté en imposant en fait aux femmes de conformer leur corps aux normes du marché impérialiste. Il tente de contrôler leurs révoltes en utilisant les armes de la répression d’Etat dont les femmes sont les principales cibles. En tout, il assujettit les femmes, fragilise leur personnalité, restreint leur indépendance afin de l’éliminer, et de les éloigner de leur libération.

 

Le patriarcat et la violence sexuelle n’agissent pas indépendamment l’un de l’autre, mais se nourrissent des intérêts féodaux, communautaires et impérialistes. Voilà pourquoi certains actes de violence contre les femmes suscitent des protestations de masse alors que d’autres sont tus. D’où le fait que les femmes font les frais de la violence des classes dominantes et doivent combattre y compris pour obtenir le divorce ! Les médias ont passé sous silence des faits comme le viol collectif de 55 femmes à Kunan Poshpora en 1991, le viol et l’assassinat d »Asiya et Nilofer en 2008 au Cashemir par l’armée indienne, ou le viol et l’assassinat de Manorama Devi à Manipur par les armes d’Assam. Les auteurs du génocide le plus brutal contre les musulmans de Gujarat, au cours duquel des centaines de femmes ont été violées et brûlées, les attaques d’une quantité innombrable de femmes dans les Etats du centre et de l’est de l’Inde par les forces de l’Etat et le fameux Salwa Judum, y compris l’évènement de Shonamukhi au cours duquel 20 femmes ont subi un viol collectif par les gangs CRPF et CPP, tous ces faits ont été honteusement un prétexte pour intervenir afin de réprimer les Maoïstes. C’est pour la même raison que des centaines de meurtres et viols méritant la peine de prison, sont, de façon criminelle, passés sous silence. Ainsi, chaque fois que les auteurs des crimes les plus haineux sont commis par des auteurs puissants dans le système, que ce soit des politiciens parlementaires, des forces de l’armée ou des agents paramilitaires, des personnes défendant le système des castes, non seulement ces actes demeurent impunis, mais parfois même sont récompensés !
Tout problème qui concerne les femmes ne concerne pas que les femmes.
Les femmes ont toujours combattu le patriarcat au cours de l’histoire. Le défi maintenant, c’est d’organiser cette lutte et de la relier aux autres luttes contre l’oppression. Aux luttes pour des salaires équitables pour les femmes, aux luttes des femmes travailleuses contre l’impérialisme. La lutte des femmes de Dalit pour la dignité est partie intégrante des luttes pour l’abolition du système des castes et du féodalisme. La lutte des femmes pour les droits de la terre renforce le combat contre le pillage des ressources naturelles du pays par les compagnies MNC, et l’opposition des femmes du Cashemire et du Nord- Est stimule leur lutte pour l’auto-détermination. Les revendications des femmes pour le droit de choisir leur éducation, carrière, vêtements, style de vie, compagnon de vie, à travers tout le pays est un souffle qui balaiera l’agenda Brahimine. C’est à travers de tels combats que les anciennes formes d’oppression féodale et patriarcale ainsi que les formes modernes de la domination masculine, sont remises en question, combattues, et finalement seront éliminées pour faire place à une société plus démocratique dans laquelle les femmes ne seront pas contraintes d’adapter leur comportement aux dictats masculins.
De même que toutes les autres formes de violence, le patriarcat ne peut être combattu qu’en allant jusqu’aux racines du système, certainement pas en demandant des lois plus répressives à ce même Etat qui commet sans cesse des viols en toute impunité à travers son exercice du pouvoir. La seule solution réside dans la lutte, non dans un recours à la peine de mort. Les campagnes de sensibilisation, les débats, les discussions afin d’obtenir un consensus ne touchent que ceux qui acceptent d’écouter. De toute façon, nous devons penser en termes de programme d’actions concrètes afin de remettre en cause les structures patriarcales. Le patriarcat est renforcé par les relations semi-féodales et semi-coloniales en place, et ne sera pas aboli par de simples propos aimables contre lui. Il n’y a pas de raccourci dans la lutte contre le patriarcat. La lutte pour la fin de l’oppression patriarcale et de toutes les oppressions ne peut être gagnée qu’en prenant le chemin d’une lutte sans compromis pour la transformation radicale de la société, le chemin de la révolution.

 

Democratic Studient’s Union (Syndicat Etudiant Démocratique), organisation étudiante révolutionnaire maoïste.
Traduction de l’OCML Voie Prolétarienne

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