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Un an de Gilets Jaunes

(article écrit par un sympathisant de l’OCML-VP une semaine avant la grève du 5/12)

Samedi 16 novembre, nous avons fêté le premier anniversaire du mouvement des gilets jaunes. En un an beaucoup de choses se sont passées. Des dizaines de milliers de personnes se sont mis en mouvement. Il y a eu de belles rencontres. Les ronds-points, espaces de vie et de débats politiques, ont permis à beaucoup de personnes de sortir de l’isolement et de découvrir la force du collectif. Beaucoup d’illusions sur la neutralité de la police sont tombées, et quelques œillères réactionnaires, racistes et sexistes ont été arrachées. Il y a eu 12 mort-e-s, des centaines de blessé-e-s dont beaucoup mutilé-e-s pour toujours. Face à une répression toujours plus brutales, la question de la violence révolutionnaire a été posée à nouveau, après quarante ans de domination sans partage du réformisme et du légalisme. Il y a eu aussi beaucoup d’échecs et de déceptions, de figures providentielles autoproclamées qui ont dirigé le mouvement vers des impasses (comme Chouard et son RIC), de tentatives de structurations qui ont avorté, de politiciens réformistes qui ont essayé de faire rentrer la colère des masses dans leur petit agenda électoral.

Beaucoup de choses se sont passées, mais un an après rien n’est réglé. Faute d’orientations révolutionnaires claires, la bourgeoisie a eu le temps de manœuvrer. En novembre 2018, Macron a prétendu résoudre la crise à coup d’argent magique : renonciation à l’augmentation de la taxe carbone, prime de 450 euros pour deux millions de salarié-e-s, augmentation de la prime d’activité, recul sur la hausse de la CSG pour les retraité-e-s de moins de 2000 euros, plus de fermeture d’école et d’hôpitaux sans accord du maire jusqu’à la fin du mandat (cette dernière mesure a été annoncée en avril, à l’issue du « grand débat »). Depuis le gouvernement s’est efforcé de reprendre d’une main ce qu’il avait lâché de l’autre. L’ « acte 2 du quinquennat » qui était pourtant annoncé comme plus « social » a été marqué par une radicalisation des attaques contre les droits des prolétaires (il n’y a qu’à penser aux récentes attaques contre les immigré-e-s autour de la CMU, ou les attaques de début novembre contre les chômeur/euse-s, qui devraient encore être aggravées en avril).

Macron a voulu envelopper ses attaques dans une propagande raciste et islamophobe (que ce soit en présentant les immigré-e-s comme des profiteurs ou les femmes voilées comme des menaces). Mais cette stratégie du « diviser pour mieux régner » a échoué grâce aux personnes racisées des quartiers populaires qui ne se sont pas laissé tétaniser par les images de violences racistes au début du mouvement. Elles ont compris qu’elles avaient tout à gagner à la convergence des luttes, et leur présence courageuse a éloigné les groupuscules fascistes d’un mouvement qu’ils avaient d’abord chercher à contrôler. Comme le disait récemment une gilet jaune de Seine-Saint-Denis à un gilet jaunes de l’Oise « Vous dites que vous nous attendiez depuis un an, mais nous ça faisait quarante ans qu’on vous attendait ».

Dans les campagnes, les premières revendications sur la taxe carbone et les limitations de vitesse ont uni des prolétaires, des artisans et des petits patrons, car toutes et tous étaient dépendants de leurs voitures pour accéder à leurs lieux de travail, à leurs commerces et à leurs services. A l’époque beaucoup de militant-e-s des syndicats et de la « gauche radicale » se bouchaient le nez et criaient au poujadisme, peut-être parce qu’eux-même et elles-mêmes étaient souvent salarié-e-s de l’Etat, et voyaient dans la baisse des impôts une menace pour leur propre existence. Au fur et à mesure que les revendications s’approfondissaient, la défense des minimas sociaux, des écoles et des hôpitaux dans les campagnes prenait de l’importance. Les petits patrons ont perdu le contrôle du mouvement dès le mois de janvier et de nouvelles couches ont essayé de prendre la relèves, notamment des salarié-e-s de l’enseignement et du travail social, souvent lié-e-s à la France insoumise. Ils et elles ont apporté leurs propres préjugés, notamment leurs illusions sur la nature de l’Etat, en transformant ce qui était au départ un combat pour la survie, pour le droit à la santé et à l’éducation en combat pour le « service public », présenté comme antidote au capitalisme alors qu’il y est pleinement intégré.

Au fur et à mesure que la répression s’amplifiait et que le gouvernement déniait toute légitimité à la parole des gilets jaunes, la question de la démocratie prenait de plus en plus d’importance. Comment des politiciens pourtant élus par le suffrage universel pouvaient-ils aussi ouvertement mépriser le peuple et aussi brutalement chercher à le faire taire ? Toutes sortes d’utopies réactionnaires ont circulé, qui prétendaient réinjecter de la démocratie dans les institutions bourgeoise. La plus célèbre de ces utopies a été le Référendum d’Initiative Citoyenne, aussi inoffensif pour la bourgeoisie qu’il aurait été démobilisateur pour les masses. Il semble que, depuis l’été cette revendication aie progressivement disparu, tant il est apparu que le gouvernement ne concèderait ni sur le RIC, ni sur rien (à moins d’y être contraint par une situation révolutionnaire, mais alors ce serait comme chercher à apaiser un lion avec un amuse-gueule).

Les manifestations du premier anniversaire à Paris

A Paris les manifestations - pourtant autorisées - prévues à l’occasion du premier anniversaire du mouvement ont été l’occasion d’une nouvelle débauche de répression par les force de l’ordre : dès 10h, les malheureux/ses qui essayaient de s’aventurer sur les Champs-Elysées écopaient d’amendes de 150 euros, quand ils n’étaient pas préventivement arrêté-e-s. La manifestation de la porte de Champerret a été dispersée avant même d’avoir pu partir. Les groupes éparpillés sont pourtant parvenu à se regrouper. Ils et elles sont parti-e-s avec une heure de retard vers Bastille où une partie des manifestant-e-s a été nassée. Si la manifestation a pu se reconstituer à porte de Champerret c’est grâce à la présence en son sein de binômes et de petits groupes affinitaires formés au cours des derniers mois, et capables d’agir en autonomie.

Chaque semaine, de façon tournante, le mouvement se fixe un épicentre vers où converger, et ce week-end là c’était Paris. Les « provinciaux », étaient donc venu-e-s en nombre. Ils et elles ont été souvent pris en charge et guidé-e-s de rue en rue par des camarades parisien-ne-s et banlieuard-e-s, rencontré-e-s au cours des différentes assemblées qui ont cherché, depuis Commercy à structurer le mouvement. Les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s étaient aussi venu-e-s plus nombreux/se-s, signe des remous qui agitent actuellement la jeunesse autour des réformes de l’enseignement.

Celles et ceux qui étaient parvenu-e-s à ne pas se laisser nasser par la police à Bastille ont pu réorganiser un cortège vers place d’Italie, pour rejoindre la manifestation de 14h qui s’est faite nasser à son tour. La police a imposé une véritable punition collective aux malheureux/se qu’elle parvenait à prendre au piège, les asphyxiant de gaz lacrymogène (on a vu apparaître ces dernières semaines un lacrymogène sous forme de billes qui crèvent en arrivant au sol et dégagent un gaz très puissant). Un journaliste a été défiguré, un ouvrier père de quatre enfants a reçu une grenade au visage et perdu un œil dans des conditions particulièrement horrible. Comme d’habitude, dans les quatre jours qui ont suivi, les médias n’ont parlé que des déprédations attribuées aux « black blocks ».

D’autres actions ont été organisées tout au long du week-end (blocage du périphérique le samedi matin, ouverture d’une « maison des peuples » dans l’ancienne salle de concert de la Flèche d’Or, occupation d’un grand magasin), on sera là le 5 pour la gréve générale. Quoi que nous réserve l’année qui vient, l’expérience et la solidarité accumulée face à la répression d’Etat perdureront encore longtemps dans la pratique et la mémoire des masses.


Un año de Chalecos Amarillos - en castellano

One year of Yellow Vests - in english

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