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La gestion des usines en Chine et en URSS

Partisan N°233 - décembre 2009

Avant la Révolution culturelle, les usines du secteur d’État en Chine étaient à la fois gérées par le comité de Parti et, assez souvent en vérité, par le directeur d’usine pour les décisions quotidiennes. A cette époque, le directeur n’était pas élu par les travailleurs, et le comité de Parti était désigné par les instances supérieures du Parti. Dés les années 1960, cette forme d’organisation est critiquée par Mao, qui lui oppose la Charte d’ Anchan établie lors du Grand Bond en Avant par les ouvriers du combinat sidérurgique d’Anchan. Cette Charte, popularisée durant la Révolution culturelle, énonce le principe de la politique au poste de commande, et la participation des cadres au travail manuel. Elle est l’aboutissement d’un mouvement de luttes qui va durer 8 ans. C’est une nouvelle pratique qui, pour être adoptée, a besoin du déclenchement d’une lutte de classe sous le socialisme. Il faut briser la résistance de l’habitude, des nouveaux bourgeois, afin de mettre en pratique le mot d’ordre du manifeste : « L’émancipation des travailleurs ne peut être que l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

Comment étaient gérées à cette époque les entreprises en URSS ?

C’est le principe de l’autorité absolue du directeur, du rôle privilégié des experts et des spécialistes de la gestion, c’est le recours aux primes et aux avantages matériels. Ces conceptions étaient apparues en URSS peu de temps après la révolution d’Octobre, dans les conditions difficiles qui régnaient durant le Communisme de guerre (de 1918 à 1921), et qui continuaient durant la NEP jusqu’en 1928. Lénine y voyait un recul imposé par les circonstances : « Il est évident que cette mesure n’est pas simplement un arrêt – de l’offensive contre le capital (car le capital n’est pas une somme d’argent, ce sont des rapports sociaux déterminés) ; c’est un pas en arrière fait par notre pouvoir d’État socialiste soviétique qui a proclamé et appliqué dés le début une politique tendant à ramener les traitements élevés au niveau du salaire d’un ouvrier moyen.* ». Dans les faits, ces reculs n’ont jamais été suivis d’un pas en avant. Les spécialistes d’origine bourgeoise ont été remplacés par des spécialistes d’extraction ouvrière, mais qui, placés dans les mêmes « rapports sociaux déterminés » de direction et d’autorité, ont joué le même rôle. Le pas en avant n’a pas eu lieu, ce qui était provisoire a perduré, le poids et l’autorité du directeur n’ont jamais été abandonnés. Staline théorisera tout ça dans son livre, « L’homme le capital le plus précieux ».

Durant la révolution Culturelle en Chine.

Après avoir suivi le modèle soviétique, c’est avec l’expérience du Grand Bond en Avant que Mao a commencé à critiquer ce modèle. Les masses en Chine allaient s’emparer de la Charte d’Anchan : la gestion des usines est avant tout politique, ce qui place au premier plan les objectifs politiques de l’édification du socialisme et non des objectifs étroitement économiques. Ceux qui ont des responsabilités de gestion et de direction doivent travailler à la production pendant 2 ou 3 jours par semaine, en général à un poste fixe. Le comité de parti de l’usine se réunit sous le contrôle des travailleurs. A partir de la création de groupes de gestion ouvrière et des comités révolutionnaires, s’amorce la disparition et la division entre les tâches de direction et celles d’exécution. Les activités de contrôle et de gestion sont démultipliées au travers des ateliers par ces groupes de gestion, qui élaborent les plans de production, la fixation de tâches de production, de la sécurité, des innovations et investissements... Cela a été possible par la politisation des travailleurs, la lecture des classiques du marxisme-léninisme et des œuvres de Mao. Par la reconnaissance en pratique du rôle dirigeant des travailleurs, et de l’idée que l’usine n’est pas seulement un lieu de production mais aussi une unité politique et un lieu d’intense activité idéologique.
Il n’est pas étonnant que les révisionnistes et les nouveaux bourgeois, en URSS comme en Chine, aient rejeté la Révolution Culturelle, et que la bourgeoisie ici nous la présente comme une période d’anarchie et de chaos. Ils ont tous peur du pouvoir des ouvriers et savent bien qu’il s’agissait d’une révolution prolétarienne. Le socialisme est toujours l’avenir du monde, à nous de nous appuyer sur les expériences et les acquis des pays qui ont voulu construire le socialisme, pour changer le monde.
Valentin

*Lénine, œuvres complètes, t.27, p 257-258.
L’article doit beaucoup à « Révolution Culturelle et organisation industrielle en Chine » de Charles Bettelheim, chez Maspéro.
Un film : « Comment le Yukong déplaça les montagnes », disponible dans les cinématèques dont celle de Paris.

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