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Palestine : film-débat sans débat

Animée par l’AFPS, la projection de ce film sur la résistance non-violente de la population du village de Bil’in en Cisjordanie, de 2005 à 2010, a rempli la salle : preuve que l’intérêt politique pour la lutte du peuple palestinien ne faiblit pas.
La force de cet Oscar du « meilleur film documentaire », c’est de partir de l’évènement, 5 fois réitéré, du bris de la caméra du réalisateur, Emad Burnat, par les militaires israéliens, pour nous montrer de l’intérieur et au quotidien le vécu de l’occupation sioniste. Dans ce village, grandit en particulier le plus jeune enfant du cinéaste, découvrant au sein du monde qui l’entoure la violence des colons et de l’armée israélienne. Les manifestations hebdomadaires des villageois exigent la destruction du barbelé de protection de la colonie israélienne qui interdit l’accès à leurs terres et champs d’oliviers. Ils finiront par gagner, mais le Mur s’édifiera.
Exemplaire, cette lutte de Bil’in a favorisé l’organisation des villageois en comité de résistance et permis de sortir de la rhétorique creuse du « cycle de la violence » qui dénonce « les violences des deux côtés », comme si le parallèle entre l’occupant sioniste et l’occupé palestinien avait un sens !

 

Elias Sanbar (ambassadeur de la Palestine à l’Unesco) remet en mémoire les évènements et dates de 1948, « la Nakba », et la guerre de 1967, puis remonte bien au-delà, à l’histoire de cette terre « sainte pour les peuples des trois grandes religions monothéistes ». Il rappelle combien essentiel a été le combat des Palestiniens pour « rendre visible » leur pays, littéralement disparu en 1948. Dans l’actualité plus récente, il souligne que les chrétiens sont actuellement en train de quitter la région. Puis enchaîne avec des retours sur l’histoire que le public écoute comme une conférence de formation.
C’est alors que la question à ne pas poser survient : « Mais quel est donc le rôle de l’Autorité Palestinienne pour protéger la population ? On ne la voit jamais dans le film ? » .Question perçue par Elias Sanbar comme une agression : « On n’est pas à la fête foraine ! Si l’armée israélienne voit des agents de l’Autorité Palestinienne en armes, elle tire ! On en revient à un affrontement entre professionnels de la guerre, et c’en est fini de la mobilisation populaire ! ».
Le débat politique est donc complètement éludé, sans que les organisateurs de la soirée ne prennent le relais : une soirée culturelle autour de la Palestine comme une histoire arrêtée ?Disons franchement que l’on peut attendre autre chose d’une soirée projection –débat en soutien à la Palestine : si le vécu et les analyses d’un expert tel que Sanbar sont enrichissants, pourquoi interdire au public de formuler un questionnement sur les voies du combat actuel au sein du mouvement palestinien, dont on sait qu’il est traversé par des orientations qui ne font pas consensus. Pourquoi s’interdire un échange sur le bilan critique en cours des accords d’Oslo ?

 

Pour aller plus loin : nous conseillons aux lecteurs le livre de J. Salingue :« A la recherche de la Palestine », où l’on trouve un chapitre consacré à l’expérience de Bil’in et à son prolongement à travers les initiatives de la campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanctions).

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