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Coopératives

Partisan N°275 - Juin 2014

Le marxisme, c’est pas sorcier

Origine du mot

Coopérer signifie travailler ensemble, en latin « co-operare ». « Laborare », c’est aussi travailler, mais avec la nuance de faire un effort, souffrir. Au XVIIIe siècle (Mercier) puis au XIXe (Jules Vallès), le mot collaborateur est utilisé également pour désigner celui qui travaille avec l’ennemi. Le mot opérateur, à partir des années 1970, vise à faire oublier celui d’ouvrier. Quant à celui de coopération, il recouvre d’un voile d’égalité et de fraternité la réalité de l’impérialisme.

Signification

Marx considérait le mouvement coopératif comme une des premières conquêtes politiques ouvrières, au même titre que la loi sur la limitation du temps de travail en Angleterre (1). Il fait le point sur la question dans son Adresse à l’Association Internationale des Travailleurs lors de sa création (2) :
« La valeur de cette grande expérience sociale ne saurait être surfaite. Les ouvriers ont prouvé par des faits, et non par des raisonnements, que la production sur une grande échelle et au niveau des exigences de la science moderne pouvait se passer d’une classe d’entrepreneurs employant une classe de « bras » ; ils ont montré que, pour être féconds, les instruments de travail n’ont pas besoin d’être monopolisés et de servir ainsi d’instruments d’asservissement et d’exploitation de l’ouvrier lui-même ; ils ont montré que, comme le travail de l’esclave et le travail du serf, le travail salarié n’était qu’une forme transitoire et inférieure, destinée à disparaître devant le travail associé accomplissant sa tâche d’une main consentante, avec un esprit lucide et un coeur joyeux. 
Le travail coopératif, s’il reste circonscrit dans un cercle étroit, si quelques ouvriers seulement font des efforts au petit bonheur et en leur particulier, ne pourra jamais arrêter l’accroissement, en proportion géométrique, du monopole, ni affranchir les masses, ni même alléger un tant soit peu le fardeau de leurs misères. (...) Pour que les masses travailleuses soient affranchies, la coopération doit être développée sur une échelle nationale. (...) En conséquence, la conquête du pouvoir politique est devenue la grande tâche de la classe ouvrière. »

Marx se situe dans le mouvement réel de la classe ouvrière, considérant comme dépassées les expériences coopératives utopiques, telle celle de Robert Owen en Angleterre, et comme néfastes les aides de l’Etat en Allemagne : « Des subventions gouvernementales à quelques minables sociétés coopératives, voilà qui arrangerait bien ses sales affaires. L’administration pourra y fourrer un peu plus son nez, cela permettra le contrôle des nouveaux crédits, la corruption des plus remuants parmi les ouvriers, l’émasculation de tout le mouvement » (3).

Les mots qui servent à camoufler

Les libertaires, sous le terme autogestion, glorifient toute coordination à la base, oubliant que « pour affranchir, la coopération doit atteindre un niveau national », s’appuyer sur « la conquête du pouvoir politique », et qu’il faut donc « réorganiser politiquement le parti des travailleurs » (2).
Les réformistes, eux, promettent, après leur victoire aux élections : « Le soutien public à l’économie sociale et solidaire, et notamment aux coopératives » (Programme du Front de Gauche, 2012, page 47).

Pour en savoir plus

- 1) Karl Marx, Sociologie critique, Payot, page 65.
- 2) Marx, Engels, Oeuvres choisies, tome 2, page 11.
- 3) Lettre à J-B Schweitzer, 13 février 1865. Dans Propriété et expropriations, Des coopératives à l’autogestion généralisée, Ed. Syllepse, 2013.
Voir aussi Karl Marx, Révolution et socialisme, Payot, page 242 (le Capital), page 245 (résolutions du IIIe congrès de l’AIT).

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