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Un détour par le monument aux morts

Partisan N°276 - été 2014

Cet été, on peut suivre le Tour de France, ou bien faire la route des vins et des fromages. A l’occasion du centenaire, ceux qui partiront à la campagne pourront aussi s’intéresser aux monuments aux morts de la guerre de 14.

Patriotiques ou pacifistes

On ne sait pas exactement combien il y a de monuments aux morts en France, même s’il en existe plus ou moins un par commune. La plupart n’ont pas d’intérêt  : au pire patriotiques et nationalistes, exaltant le sacrifice, au mieux doloristes, avec femmes et enfants en pleurs. Quelques dizaines, au plus, portent des inscriptions clairement pacifistes : « Maudite soit la guerre » (« …et ses auteurs » rajoute celui de Saint-Martin-d’Estréaux dans la Loire), « guerre à la guerre », « Apprenons à supprimer la guerre »…

« Fraternité entre les peuples  »

Mais si le pacifisme c’est bien, le défaitisme révolutionnaire c’est mieux (voir Partisan n°). D’autres monuments, qui se comptent sur les doigts des deux mains, n’en sont pas loin : « Fraternité entre les peuples » (Chevillon dans l’Yonne, Dardilly dans le Rhône) ; « La guerre est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui, eux, se connaissent mais ne se massacrent pas » (Saint-Appolinaire, Rhône). Sur le monument de Mazaugues, dans le Var est inscrit : « L’Union des Travailleurs fera la paix dans le monde / L’Humanité est maudite si, pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement ». La première citation est de Marx, la deuxième de Jean Jaurès. Pour la plupart, il s’agissait de communes socialistes.

L’opposition de l’Etat

Dans les années qui suivirent la guerre, le chauvinisme était tellement exacerbé dans l’idéologie officielle que bien souvent des inscriptions simplement pacifistes étaient considérés comme intolérables par l’Etat. Sur celui de Gy-l’Évêque dans l’Yonne, on trouve « Guerre à la guerre » et « Paix entre tous les peuples » ; le préfet fait traduire le maire devant le tribunal, et par un jugement du 9 décembre 1923, le maire devra retirer la plaque. Le Conseil municipal fait alors graver les inscriptions sur le socle.

Pour les fusillés

Un certain nombre, pas plus nombreux, rendent justice aux fusillés pour l’exemple, à Riom (Puy-de-Dôme), Suippes (Marne), Nouvron-Vingré (Aisne), Saint-Martin-d’Estréaux. Dans le cimetière de Royères-de-Vassivière(Creuse), on peut trouver la pierre tombale de Félix Baudy, un soldat fusillé pour l’exemple en 1915 pour délit de lâcheté. Après la guerre, ses amis maçons y ont posé sur une plaque l’inscription suivante  : « Maudite soit la guerre - Maudits soient ses bourreaux - Baudy n’est pas un lâche - Mais un martyr  ».

 

Bien sûr, ces monuments se trouvent ailleurs qu’en France. En Allemagne, certains portaient par exemple l’inscription « Nie wieder Krieg  » (« Plus jamais la guerre  ») ; le régime nazi les fera effacer. Elles seront réinscrites après la Seconde guerre mondiale… ou pas.

 

Chez les monuments aux morts aussi, donc, on trouve des réactionnaires, des centristes et une avant-garde.

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